La promesse de Stephen Harper de réduire la taxe d'accise de 2 cents sur le litre de diesel ne vous fait ni chaud ni froid? Normal, ce n'est pas vraiment à vous qu'il parle. Le chef du Parti conservateur a eu beau dire qu'en «cette période où les Canadiens s'inquiètent du coût de la vie et où le prix de l'énergie augmente, nous devrions tout mettre en oeuvre pour réduire les prix», c'est aux agriculteurs et aux camionneurs, bien plus qu'aux consommateurs, qu'il s'adresse.

L'emplacement de l'annonce, un distributeur de légumes appartenant à des maraîchers du Manitoba, n'est pas innocent. On est en pleine saison des récoltes, la période durant laquelle les agriculteurs utilisent le plus de carburant - avec celle des semailles au printemps. Le réservoir d'un seul tracteur peut facilement contenir, selon les modèles, entre 100 et 450 litres de diesel. Ajoutez quelques autres pièces de machinerie, faites le plein de ces engins tous les jours et regardez la facture que vous recevez une ou deux fois par mois. Une réduction de 2 cents le litre, c'est quelques centaines de dollars de moins à chaque fois. Une économie autrement plus substantielle que sur un plein d'auto hebdomadaire.

En même temps, les producteurs agricoles, les camionneurs et les propriétaires de sociétés de transport ne sont pas naïfs. Ils se doutent bien que 2 cents le litre ne feront pas une grosse différence dans le contexte actuel où les prix fluctuent au gré de la spéculation. Mais avec cette promesse, Stephen Harper leur rappelle ce que son adversaire libéral veut faire, lui, avec la taxe d'accise sur le diesel: l'augmenter de 7 cents le litre. Stéphane Dion a eu beau bonifier son plan vert in extremis de 650 millions pour les agriculteurs, la comparaison est inévitable. Et elle fait mal: 7 cents de plus le litre, c'est beaucoup pour les secteurs qui ont déjà encaissé des hausses spectaculaires au cours de la dernière année.

La promesse conservatrice ne plaît évidemment pas à ceux qui se préoccupent de l'environnement, mais le rabais annoncé est trop mince pour être nuisible. Pour économiser du carburant, certains agriculteurs se sont convertis au semis direct, une pratique qui est aussi très bonne pour freiner l'érosion des sols. Mais inutile de s'inquiéter, ils ne vont pas se remettre à labourer parce que le diesel leur coûte 2 cents de moins le litre.

Ottawa, par contre, perdrait 560 millions de revenus par an avec cet engagement. Une réduction «modeste et abordable», a commenté le chef conservateur. Mais comme on dit couramment, ça ne coûte pas cher et ça ne vaut pas cher non plus.

Car contrairement à ce que prétend Stephen Harper, il y a très peu de chance que ce petit rabais se rende jusqu'aux consommateurs. Pour les entreprises de camionnage, qui ont eu de la difficulté à refiler les hausses de coûts à leurs clients, la tentation sera grande de le garder. Idem pour les transporteurs aériens - la réduction s'applique aussi au carburant pour les avions. Quant aux producteurs agricoles, ce sont surtout les cours mondiaux et la concurrence étrangère qui dictent leurs prix.

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