Bien que le Canada ait perdu 55 000 emplois en juillet, le pays a jusqu'ici évité le pire de la crise financière et économique qui a frappé les États-Unis de plein fouet et qui menace de plonger en récession tout l'Occident, sinon toute la planète. La plupart des Canadiens ne soupçonnent pas combien cette crise est grave, au point qu'elle pourrait entraîner des changements importants dans le fonctionnement de notre économie et dans les courants commerciaux qui façonnent la mondialisation.

Parmi les facteurs qui sont à l'origine de ces perturbations, les deux principaux sont la crise du crédit et la hausse des prix du pétrole. Au Canada, la crise du crédit s'est manifestée par l'effondrement de la valeur du papier commercial adossé à des actifs. Cette débandade a fait subir aux banques canadiennes des pertes de plusieurs centaines de millions, en plus de geler une partie des capitaux d'une foule d'investisseurs.

La crise a toutefois eu des répercussions beaucoup plus profondes aux États-Unis, là où elle a commencé. Jadis abondant, le crédit est brusquement devenu difficile à obtenir. Des institutions financières gigantesques se retrouvent aujourd'hui au bord de l'effondrement ; à ce jour, les pertes aux États-Unis et en Europe atteignent 500 milliards. « Ces événements constituent très clairement le choc financier le plus grave depuis plusieurs décennies », ont affirmé les dirigeants des grandes banques américaines dans un rapport publié la semaine dernière.

Dans les milieux financiers, tout le monde savait que, un jour ou l'autre, l'euphorie de la dernière décennie prendrait fin. Cependant, tous croyaient qu'eux-mêmes étaient à l'abri et, surtout, qu'ils auraient le temps de voir venir. Confiance aveugle ? Naïveté ? Arrogance ? Tout cela sans doute, gonflé par l'appât du gain.

*****

Depuis un mois, le prix du pétrole a sensiblement glissé. Toutefois, cet ajustement ne change rien au fait que l'or noir coûte deux fois plus cher qu'il y a un an et 10 fois plus cher qu'il y a 10 ans. Cette appréciation du pétrole entraîne toutes sortes de conséquences, plus ou moins heureuses selon le point de vue. Si les prix du pétrole demeurent élevés, la consommation chutera et ce sera tant mieux pour l'environnement. Les conséquences économiques d'une telle conjoncture, toutefois, sont beaucoup plus difficiles à prévoir. Par exemple, qu'arrivera-t-il aux grands constructeurs américains d'automobiles ? Certains annoncent la faillite de l'un d'entre eux d'ici la fin de l'année, ce qui provoquerait la perte de dizaines de milliers d'emplois aux États-Unis et au Canada.

Autre exemple : des entreprises qui avaient déménagé leur production en Chine se demandent si cette décision est encore avantageuse aujourd'hui tellement les coûts de transport sont élevés ; certaines ont déjà rouvert des usines au Mexique et aux États-Unis. S'ajoute à cela la hausse des salaires des ouvriers chinois, qui a poussé des multinationales à déménager dans des pays moins développés d'Asie. Ces mouvements de capitaux laissent-ils présager un ralentissement économique en Chine ? Si oui, quel en sera l'impact sur l'économie mondiale ?

*****

Le système économique et financier international est peut-être arrivé à un tournant. Il s'agit de savoir si l'entreprise privée, les gouvernements et les consommateurs tireront des leçons de ce qui s'est passé. Ainsi, dans l'hypothèse où les prix du pétrole continuent à baisser, retomberons-nous dans nos mauvaises habitudes de gaspillage ?

En ce qui a trait au crédit, la communauté financière craint que l'État ne réagisse à la crise en imposant une réglementation trop lourde. «L'histoire enseigne que la réglementation n'a jamais pu contrer les crises», affirme l'ancien président de la Réserve fédérale, Alan Greenspan.

Pourtant, il faut bien admettre que, sans l'intervention de la Fed, les géants Bear Sterns, Freddie Mac et Fannie Mae seraient probablement en faillite à l'heure qu'il est. Comme le souligne le Prix Nobel Joseph Stiglitz, «si l'on veut que les gouvernements paient la note d'hôpital de notre économie, il faut accepter qu'ils agissent pour réduire les risques d'hospitalisation dans l'avenir».

S'ils veulent éviter que l'État leur mette trop de chaînes aux pieds, les acteurs de l'industrie financière devront démontrer qu'ils sont déterminés à faire preuve d'une plus grande discipline individuelle et collective. Le scepticisme sera considérable.

Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion