Souffrant déjà d'un lymphome hodgkinien, Arlene Gorman, 29 ans, a été terrassée par la listériose en juin. Cette résidante de la Colombie-Britannique s'en est tirée de justesse, mais elle devra reporter sa greffe de moelle. Frances Clark, 89 ans, a eu moins de chance. Cette Ontarienne, pourtant active, a succombé lundi à la terrible maladie.

La listériose a désormais un visage, et même plusieurs. Quinze Canadiens sont déjà morts après avoir été infectés par la même bactérie qui a été détectée sur des charcuteries Maple Leaf. Une vingtaine d'autres personnes sont tombées malades et plusieurs dizaines d'autres cas risquent de s'ajouter. La surveillance des viandes est-elle en cause? Ottawa a enfin donné quelques précisions hier, mais des informations cruciales manquent encore.

Tout le monde s'est beaucoup énervé avec le fameux document interne sur l'Agence canadienne d'inspection des aliments (ACIA), mais comme nous l'écrivions samedi, on n'y apprend pas grand-chose. Cette note interne, que nous avons consultée, ne nous éclaire pas sur ce qui a pu se passer chez Maple Leaf.

La question pertinente, répétons-le, est plutôt de savoir si les nouvelles méthodes de surveillance fédérales protègent efficacement le public. Les inspecteurs passent désormais plus de temps à vérifier les contrôles effectués par les entreprises elles-mêmes, ce qui leur en laisse moins pour patrouiller les usines. L'ACIA défend ce travail de bureau, affirmant qu'il s'agit d'une composante essentielle du système de sécurité. Le syndicat reconnaît la valeur de ces contrôles papier. Mais il croit que les entreprises feront davantage attention si elles savent qu'un inspecteur peut fouiner dans leur usine n'importe quand. Et sur ce point, hélas, on peut difficilement lui donner tort

Les nouvelles procédures sont en vigueur depuis le printemps. Est-ce pour cette raison que ni Maple Leaf ni l'ACIA ne se sont rendu compte que des produits étaient contaminés? L'enquête en cours devra aussi répondre à cette question. Il ne suffit pas de prendre des mesures pour que l'usine incriminée redevienne sécuritaire. Il faut s'assurer que les contrôles en place dans tout le pays sont vraiment efficaces.

On doit aussi regarder plus loin. Cela fait trois ans que Santé Canada recommande aux personnes à risque (femmes enceintes, personnes âgées, patients dont le système immunitaire est affaibli) d'éviter les charcuteries non séchées. Pourquoi les hôpitaux et les centres d'hébergement en servent-ils encore?

À l'extérieur de ces institutions, la plupart des personnes à risque (sauf peut-être les femmes enceintes) ignorent à quel point il est important, si elles tiennent à consommer ces aliments, de les faire réchauffer. Pour les saucisses, ça va de soi, mais avec des viandes froides déjà cuites comme le jambon ou le rosbif, le réflexe n'est pas là. Faudrait-il imprimer une mise en garde sur l'emballage? L'idée peut sembler exagérée, mais quand on regarde le profil des récentes victimes de la listériose, elle vaut la peine d'être considérée.

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