Au moins trois morts, plusieurs dizaines de malades, des milliers de kilos de viande contaminée. Les Canadiens sont inquiets, à juste titre. Où s'en va notre système d'inspection des aliments? Le gouvernement Harper doit s'expliquer.

Cette flambée de listériose survient quelques semaines seulement après le coulage d'un document gouvernemental évoquant des changements à l'Agence canadienne d'inspection des aliments (ACIA). Selon les médias qui l'ont consulté, le secrétaire du Conseil du Trésor établit une liste de secteurs où l'ACIA pourrait effectuer des coupes, incluant l'inspection des viandes. Il suggère un rôle de surveillance plutôt qu'une présence à temps plein, pour permettre à l'industrie de gérer les risques et d'implanter ses propres programmes. Des spécialistes se sont empressés de tirer la sonnette d'alarme, dénonçant ce qu'ils considèrent comme une manoeuvre de privatisation et une imitation du modèle américain.

Malgré tout l'émoi qu'il suscite, ce bref document ne semble pas contenir de grandes révélations. Cela fait des années que les abattoirs et les usines de transformation de viande reconnues par le fédéral doivent être certifiées HACCP, une accréditation qui les oblige à des suivis très serrés, notamment en matière de salubrité. Les contrôles des entreprises ne remplacent pas les inspecteurs gouvernementaux, mais leur travail est en train de changer. Ils passent désormais plus de temps à vérifier le suivi effectué par les transformateurs. Le problème n'est donc pas de savoir si les inspecteurs vont disparaître des usines, mais si ce travail de bureau supplémentaire, qui leur laisse moins de temps pour leurs tâches traditionnelles, permet de surveiller la production aussi efficacement.

Les conservateurs s'entêtant à garder le silence, l'affaire a pris une tournure délirante. La Commission permanente de l'agriculture a été convoquée en plein mois d'août et les députés ont passé deux jours à poser des questions sur un document qu'ils n'avaient pas lu... et dont les témoins n'avaient pas le droit de parler. Le ministre Gerry Ritz a répliqué par un communiqué surréaliste dans lequel il accuse les libéraux de miner la confiance des Canadiens «à la seule fin de détourner l'attention publique du régime de taxe du chef libéral Stéphane Dion».

Dans sa note interne, le Trésor évoquait les «risques de communication» reliés aux mesures proposées. Il aurait mieux fait de s'inquiéter de l'impact du manque de transparence. Tant que ce document, probablement mineur, ne sera pas publié et expliqué, les partis de l'opposition auront le champ libre pour prédire les pires catastrophes - y compris un désastre à la Walkerton.

Le gouvernement Harper doit mettre cartes sur table et dire comment, concrètement, il entend surveiller la production alimentaire canadienne. Faire durer le suspense au sujet de la date des élections, c'est de bonne guerre, mais on n'a pas le droit de jouer avec le sentiment de sécurité de la population.

La même transparence s'impose à propos de la flambée de listériose. Que s'est-il passé? Et surtout, était-ce évitable? Si Maple Leaf ou l'ACIA ont été négligents, il faudra le dire et ne pas lésiner sur les correctifs.

akrol@lapresse.ca

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