Une semaine après la mort de Fredy Villanueva, tant de commentaires ont été faits, tant d'émotions ont été exprimées qu'on a eu tendance à perdre de vue un fait crucial : on ne sait pas ce qui s'est passé ce soir-là au parc Henri-Bourassa. Il est du devoir de tous ceux qui jouissent de quelque influence sur les jeunes de Montréal-Nord de leur rappeler qu'en dépit des rumeurs et des préjugés des uns et des autres, personne n'est en mesure de dire aujourd'hui si les policiers ont commis une bévue tragique ou s'ils se trouvaient en situation de légitime défense.

Nombreux sont les jeunes qui se sont plaints d'être victimes de profilage racial de la part des policiers. Ces témoignages sont importants, mais pour ce qui est de la mort de Fredy Villanueva, pour l'instant, ils ne sont pas pertinents. En effet, il n'existe aucune information tendant à démontrer que l'action des policiers samedi soir dernier était liée à l'origine ethnique du groupe de jeunes impliqué.

Par ailleurs, on dit que le frère de Fredy, Dany, a un casier judiciaire et frayait avec les membres d'un gang de rue. Cette information est utile, mais elle ne donne pas automatiquement raison aux policiers qui l'ont interpellé. Avaient-ils des motifs valables de vouloir l'arrêter ? De quelle manière s'y sont-ils pris ? Là encore, on n'en sait rien.

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L'émeute de dimanche soir n'aurait peut-être pas eu lieu sans la présence de casseurs venus se mêler à la manifestation pacifique. Cependant, émeute ou pas, une chose est certaine : il existe un malaise entre la police et les habitants de couleur de Montréal-Nord. Les témoignages sur le sujet sont trop nombreux pour ne pas être pris au sérieux. Les institutions municipales, et en particulier le Service de police de la Ville de Montréal, devront trouver une manière d'être mieux à l'écoute des jeunes des minorités ethniques, dont la détresse est palpable. La volonté exprimée hier à cet égard par le maire Tremblay, de même que l'alliance conclue sur le terrain par les organismes communautaires, le CSSS et le poste de police 39 sont encourageants.

Cela dit, il faut se garder des caricatures : absolument rien n'indique que les policiers de Montréal sont une bande de brutes racistes. Il y a 20 ans, les agents employaient leur arme une trentaine de fois par année. L'an dernier, ils ont tiré sept coups de feu au cours de cinq incidents. Entre l'année 2000 et aujourd'hui, six personnes sont mortes sous les balles des membres du SPVM ; Fredy Villanueva est la seule de ces six personnes qui n'était pas armée. Enfin, au cours des 20 dernières années, la grande majorité des personnes décédées lors d'altercations avec des policiers de Montréal étaient de race blanche.

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Depuis quelques jours, des jeunes laissent planer la menace de nouveaux désordres. Ce serait le pire scénario de tous. Si la violence éclate à nouveau à Montréal-Nord, ce ne sont pas les policiers et les politiciens qui en feront les frais. Les perdants, à terme, seront les jeunes eux-mêmes.

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