Nous publions aujourd'hui le premier de deux éditoriaux faisant le bilan des Jeux olympiques de Pékin.

Quel pays est-il digne de recevoir les Jeux olympiques? Et quel contexte international pourrait-il permettre que la politique n'y soit pas un souci aussi grand que la performance sportive? Dans les deux cas, la réponse est simple: aucun.

Les Jeux olympiques de Pékin se terminent aujourd'hui. L'État chinois aura été incapable de dissimuler au monde l'indignité de ses pratiques répressives et impérialistes. Jour après jour, la politique aura couru sur les pistes et nagé dans les bassins.

Mais alors, aurait-il été préférable de ne pas confier les Jeux de 2008 au régime de Pékin? Et que doit-on faire à l'avenir? C'est un beau débat, qu'il faut d'abord lancer sous cet éclairage: pas un seul des 204 pays dont les drapeaux ont défilé à l'intérieur du Nid d'oiseau, il y a deux semaines, n'est vierge de toute tache.

Ainsi, on trouvera facilement des poux au... Canada, maintes fois dénoncé par diverses agences onusiennes et droits-de-l'hommistes pour ses exactions envers les autochtones, ou les sans-abri, ou les minorités culturelles. Après l'Irak, Abou Ghraïb et Guantanamo, peut-on attribuer les Jeux aux États-Unis? Ou encore à la Russie des dérives poutiniennes, de la Tchétchénie et de la Géorgie? Ou à l'Iran, à la Corée-du-Nord, à l'Arabie Saoudite, à la Colombie, à Israël, au Zimbabwe, à l'Italie, à Cuba?

On voit bien que la recherche d'une pureté nationale correspondant à l'idéal olympique est une lubie.

Ensuite: qu'en est-il du lourd fardeau de la politique? De Londres en 1908 à Pékin en 2008, celle-ci s'est toujours immiscée dans les Jeux. La politique les a totalement empêchés pour cause de massacre mondialisé en 1916, 1940 et 1944. Elle y a fait régner la terreur avec l'assassinat de 11 athlètes et entraîneurs israéliens à Munich, en 1972. Elle a provoqué une multitude de désistements et de boycottages qui ont lourdement grevé l'intégrité des Jeux en 1920, 1948, 1956, 1976 (Montréal), 1980 et 1984. Elle a offert un monstrueux podium à Adolf Hitler à Berlin, en 1936...

Au total, quelle est la place des Jeux de Pékin dans ce sombre tableau? Depuis 14 jours, le pouvoir chinois a maintenu son emprise sur le Tibet et conservé son lucratif pied-à-terre au Soudan; emprisonné des dissidents potentiels; empêché toute manifestation à Pékin; em... les journalistes étrangers jugés trop curieux; restreint l'accès à l'Internet; traficoté des images destinées à la télévision.

Le constat est assez désespérant à formuler, mais rien de cela n'est exclusif à la Chine. Le néo-colonialisme est un phénomène assez répandu; la chasse aux protestataires (ou aux scribes dérangeants) se termine en maints endroits devant le peloton d'exécution; et introduire du spectaculaire dans les images «grand public» est une routine de Bollywood à Hollywood...

Ça n'excuse rien, bien sûr. Mais il faut constater que les Jeux de Pékin ne représentent qu'un banal pas de plus dans la longue marche de la tortueuse histoire olympique.

Cependant, pour les Chinois, ce fut un grand bond en avant.

DEMAIN: Le grand bond en avant

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