Dénoncé à grands cris lors de son adoption, le fameux règlement sur la propreté au centre-ville commence à porter fruits. Même ses détracteurs le reconnaissent, l'arrondissement de Ville-Marie n'a jamais été aussi bien astiqué. Il ne faudrait pas qu'une décision arbitrale vienne saper ce bel effort.

En obligeant les commerçants et les propriétaires d'immeubles à enlever les détritus qui jonchent le trottoir et les 60 premiers centimètres de chaussée se trouvant devant chez eux, la Ville contreviendrait à la convention collective de ses cols bleus. Incroyable? C'est pourtant ce que vient de conclure l'arbitre chargé d'étudier le grief déposé par le syndicat. On ne peut pas en rester là.

Selon la convention du Syndicat des cols bleus regroupés, Montréal n'a pas le droit de confier à des bénévoles ou à des organismes sans but lucratif (OSBL) des tâches habituellement exécutées par ses employés. Or, nous dit l'arbitre, c'est ce qu'elle cherche à faire indirectement avec son règlement sur la propreté. «Des citoyens, oeuvrant sans rémunération, se trouvent tenus d'accomplir certaines tâches qui relèvent de descriptions d'emplois de cols bleus», explique-t-il.

Avec tout le respect dû au travail de ce spécialiste, c'est une interprétation passablement déconnectée de la réalité. D'abord, les commerçants et les résidants ne sont ni des bénévoles ni des OSBL. Ensuite, ce que la Ville cherche à faire avec ce règlement, c'est atteindre un objectif inaccessible autrement: convaincre les commerçants et les citoyens de ramasser les détritus qui se trouvent devant chez eux.

Ni les appels à la raison ni les campagnes de communication n'y sont parvenus. Sans cette obligation assortie d'amendes salées, le centre-ville serait toujours aussi sale. Ce serait même probablement pire, puisque la quantité de mégots qui jonchent les trottoirs a augmenté de façon phénoménale depuis l'interdiction de fumer dans les restos et les bars.

Cette décision ne menace pas seulement l'effort de propreté au centre-ville. Elle risque de saper la notion même de responsabilité citoyenne. Car comme l'a fait remarquer l'avocat de la Ville lors de l'audience du grief, les citoyens sont requis de poser certains gestes.

Pouvez-vous imaginer un instant vivre dans une municipalité où toutes les activités figurant à la description de tâches des cols bleus seraient interdites aux citoyens? Allez, on commence par les crottes de chiens: interdit aux propriétaires de toutous de les ramasser, puisqu'il y a des employés municipaux qui balaient les trottoirs...

La Ville, heureusement, s'est empressée de contester cette décision, en demandant qu'elle ne soit pas appliquée tant que la Cour supérieure n'aura pas rendu sa décision. Souhaitons que le juge aille au-delà du texte de la convention collective et examine l'ensemble du problème, y compris ses conséquences sur la vie montréalaise.

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