Les Français ont en quelque sorte découvert, lundi soir, que leurs soldats sont en mission en Afghanistan: 10 d'entre eux ont en effet été tués par les talibans aux portes de Kaboul, la pire perte pour l'armée française depuis la mort de 58 parachutistes au Liban, en 1983. Jusque-là, l'opinion publique hexagonale se souciait peu de ce conflit, même si le pays entretient depuis 2001 en Afghanistan un contingent constitué aujourd'hui de 2600 militaires. Avant l'embuscade de lundi, on n'avait déploré que 14 morts au sein de ces troupes, six fois moins que le Canada.

Celui-ci a à nouveau été endeuillé, mercredi, avec la perte de trois soldats victimes d'une mine dans le district de Zhari.

Pendant ce temps, à Paris, le président Nicolas Sarkozy s'est montré déterminé à poursuivre cette mission. Mais, autour de lui, s'élève dorénavant un mur de questions venant de presque tous les horizons politiques sur l'avenir de l'implication occidentale en Afghanistan.

Bienvenue dans le club, comme on dit: au Canada, entre autres, ce questionnement a cours depuis fort longtemps.

Car le fait est que la menace venant des talibans croît dangereusement depuis un an; ils ont même repris la capacité de se livrer à des combats conventionnels.

Hier, les talibans ont ainsi frappé un dur coup au coeur du Pakistan voisin (déstabilisé par la démission du président Pervez Musharraf), tuant 60 personnes dans une usine d'armement réputée imprenable; deux jours plus tôt, ils avaient fait 35 victimes dans un hôpital situé près des zones tribales. Lundi soir, ils ont aussi attaqué une base militaire américaine à Khost (sud-est de l'Afghanistan). La semaine dernière, ils ont tué trois travailleuses humanitaires, dont deux Canadiennes, au sud de Kaboul. Et on se souvient de la stupéfiante «libération» de 900 détenus de la prison de Kandahar, en juin.

Au total, une carte publiée il y a quelques jours par le Conseil de Senlis montre que les talibans sont maintenant présents de façon permanente ou à tout le moins substantielle dans 90% du pays, y compris autour de Kaboul, secteur réputé sûr il y a quelques mois à peine

La cause serait-elle perdue?

Chose sûre, l'inventaire des problèmes à affronter en Afghanistan est considérable. Frontière poreuse avec le Pakistan, insuffisance en nombre des troupes de l'OTAN (53 000 soldats: il en faudrait au bas mot 20 000 de plus), faiblesse apparemment incurable de la police et de l'armée afghanes, culture du pavot comme base économique (et tiroir-caisse des talibans), corruption généralisée, évaporation partielle de l'aide au développement (14 milliardsUS à ce jour)

Bref, il faudrait rapidement redresser la de barre, comme on le réclame dorénavant en France aussi. Or, il se ne passera sans doute rien de décisif d'ici à ce que la Maison-Blanche abrite un nouveau locataire, en janvier prochain.

Sera-t-il trop tard?

Si c'est le cas, il s'agira d'un échec cuisant pour l'ensemble des pays développés, pour la crédibilité de l'OTAN, pour la guerre à la terreur. Et pour les Afghans eux-mêmes, qui seront replongés dans un nouveau cycle de misère, de despotisme moyenâgeux et d'État failli.

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