Deux ex-employés de l'entreprise de sécurité Garda viennent d'être blanchis des accusations d'agressions sexuelles portées contre eux par des collègues. Une cause qui montre à quel point il peut être difficile d'interpréter les gestes posés en milieu de travail.

Le cas est particulier à plusieurs égards. Les histoires de harcèlement sexuel au travail se règlent généralement au civil, mais comme les plaignantes sont allées à la police, la cause a été jugée au criminel. On peut se demander, compte tenu de la nature des gestes reprochés et de la preuve présentée, s'il était pertinent d'aller à un si haut niveau. Autre particularité, une partie importante de la preuve était constituée d'enregistrements vidéo, une rareté dans ce genre de cause. Hélas, l'affaire n'était pas limpide pour autant.

En mars 2006, deux agentes de l'aéroport Montréal-Trudeau portent plainte contre deux collègues, affirmant que ceux-ci ont eu des gestes et des paroles à caractère sexuel à leur égard. Les scènes se seraient déroulées dans la zone de contrôle des passagers en partance, en présence d'autres collègues et sous l'oeil des caméras de surveillance.

Treize extraits vidéo répartis sur trois jours ont été soumis au tribunal. La Couronne, qui doit prouver la culpabilité des accusés hors de tout doute, dispose rarement d'éléments aussi concrets pour reconstituer les faits. Mais comme les gestes reprochés n'étaient pas explicites et qu'il n'y avait pas d'enregistrement sonore pour préciser le contexte, la démonstration était loin d'être évidente.

Une séquence montre l'un des accusés flattant le dos de sa collègue à plusieurs reprises. Selon la plaignante, l'homme aurait dit que son chum était chanceux parce qu'elle ne portait pas de soutien-gorge. Comme le fait remarquer la juge Hélène Morin, si des propos d'une telle nature accompagnaient ce geste, on pourrait effectivement parler d'agression sexuelle, mais le geste à lui seul n'a pas cette connotation.

Il serait étonnant que la Couronne aille en appel, mais l'affaire soulève néanmoins plusieurs interrogations.

Premièrement au sujet des accusés, congédiés au printemps 2006. L'employeur a-t-il actionné la trappe trop vite? Ses bandes vidéo, nous l'avons dit, ne montraient aucun geste explicite et les deux agents, après presque quatre ans d'ancienneté chacun, avaient un dossier impeccable. Nous ne critiquons pas la décision de Garda, il s'agit d'une situation extrêmement délicate pour n'importe quelle entreprise. Mais il faut se poser la question. Un employé accusé d'agression sexuelle au travail est-il présumé coupable peu importe les circonstances? Si c'est le cas, des abus graves sont à craindre.

Deuxièmement, il faut s'interroger sur les gestes acceptables en milieu de travail. Un employé est-il forcé de tolérer qu'un collègue lui flatte le dos, même de façon sympathique, ou prenne un papier qui dépasse de sa poche arrière pour le lire, comme on a pu le voir au procès ? Ces comportements n'ont rien de sexuels, mais ils peuvent être désagréables à subir. L'employeur qui reçoit des plaintes à ce sujet ne devrait pas les ignorer, car il est le premier responsable du climat qui règne dans son entreprise.

Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion