Une percée s'est produite la fin de semaine dernière dans les négociations sur une nouvelle ronde de libéralisation du commerce international. Beaucoup d'obstacles demeurent mais la simple perspective d'un accord a semé l'émoi chez les agriculteurs canadiens, en particulier au Québec. L'Union des producteurs agricoles a multiplié les sorties, affirmant que si Ottawa acceptait le projet d'entente qui circule, «il mettrait à risque plus de 40% des recettes agricoles québécoises et, conséquemment, quelque 70 000 emplois».

Les négociations en cours à l'Organisation mondiale du commerce visent en particulier le secteur agricole. Un accord mènera inévitablement à des réductions substantielles des tarifs et aides diverses qui protègent les fermiers dans la grande majorité des pays du monde. Or, au Canada, c'est grâce à d'énormes tarifs (150% à 300%) qu'a pu être mis en place le système de gestion de l'offre, système qui garantit un niveau de production et un prix aux producteurs de produits laitiers, de volaille et d'oeufs. Les agriculteurs tiennent à ce système comme à la prunelle de leurs yeux et, compte tenu de leur poids électoral et de l'efficacité de leur lobby, les politiciens ont toujours juré qu'on devrait leur passer sur le corps avant qu'ils ne l'abandonnent.

Cela place le Canada dans une position bien paradoxale à l'OMC : grand exportateur, farouche partisan de la libéralisation des échanges y compris dans le domaine agricole, il défend par ailleurs bec et ongles la gestion de l'offre et les tarifs qui la rendent possible. Il est évident que si les grandes puissances commerciales de la planète consentent à abaisser leurs barrières tarifaires, le Canada ne pourra faire bande à part.

À l'heure actuelle, on parle de réduire de 22% les tarifs sur les «produits sensibles». Produits laitiers, volailles et oeufs seraient donc encore protégés par des tarifs substantiels, mais les exploitations les moins efficaces ne pourraient probablement pas résister aux nouveaux concurrents étrangers.

Cela dit, comme le soulignait récemment une étude de l'OCDE sur l'agriculture canadienne, « la réforme est en fin de compte inévitable». Le Mouvement Desjardins est arrivé à la même conclusion : «L'analyse laisse présager que les barrières tarifaires actuelles ne pourront demeurer sur place très longtemps (...) Il n'y a plus de place pour la confrontation ni pour la dissimulation face aux difficiles virages qu'il faudra prendre», expliquait le Mouvement devant la Commission sur l'avenir de l'agriculture. Cette même Commission a jugé que «le système de gestion de l'offre n'incite pas les producteurs à rechercher, par tous les moyens, à réduire leurs coûts» et a invité le secteur à se préparer à d'éventuelles diminutions de tarifs.

Compte tenu du puissant courant mondial en faveur de la libéralisation des échanges, une telle attitude nous paraît beaucoup plus raisonnable et porteuse que de s'accrocher désespérément à un système conçu pour une autre époque. Dans une foule de secteurs, y compris dans certaines filières agricoles, les Québécois ont fait face avec succès à la concurrence internationale. Pourquoi en irait-il autrement des agriculteurs aujourd'hui protégés par la gestion de l'offre ?

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