Un garçon de 8 ans enlevé en pleine rue, puis enfermé dans un sous-sol au fond d'un réservoir à mazout... L'histoire, digne des pires films d'horreur, a heureusement connu un dénouement rapide mardi soir, puisque l'enfant a été retrouvé en moins d'une heure. Mais sans l'intervention courageuse de deux témoins, la police serait peut-être encore en train de chercher la victime et son ravisseur.

Cette affaire nous interpelle tous: comment aurions-nous réagi en pareilles circonstances? La femme qui a assisté à l'enlèvement a fait demi-tour pour barrer la route au ravisseur. Un peu plus tard, un autre conducteur, Ryan Murphy, a vu le coffre d'un véhicule s'ouvrir devant lui, révélant la présence d'un enfant. Il n'a pas hésité à suivre le chauffeur jusqu'à son stationnement. Ces deux personnes auraient pu penser au danger auquel elles s'exposaient et se contenter d'appeler le 9-1-1. Elles l'ont fait, mais seulement après avoir essayé de venir en aide à la victime. Leur intervention, surtout celle du deuxième témoin, a changé le cours des choses.

Voilà qui contraste heureusement avec les récits d'agressions en public auxquelles personne ne réagit. Nous avons perdu beaucoup d'illusions sur les bons Samaritains depuis le célèbre meurtre de Kitty Genovese, dans le New York des années 60. La jeune femme avait été poignardée à plusieurs reprises à quelques pas de son appartement alors que, selon le New York Times, 38 voisins assistaient à l'agression sans broncher. L'histoire a fait le tour du monde et donné naissance au concept d'«effet spectateur»: lorsqu'un événement répréhensible se produit, plus les témoins sont nombreux, moins ils auraient tendance à intervenir. Pas très rassurant pour les victimes.

Un article scientifique publié l'automne dernier a un peu déboulonné le mythe. Quelques personnes seulement auraient aperçu la jeune New-Yorkaise et son agresseur, aucune n'aurait vu que celui-ci la poignardait, et au moins un voisin aurait crié après le meurtrier pour le faire fuir. Mais cela n'invalide en rien les nombreuses recherches inspirées par ce fait divers: devant un événement répréhensible, la présence des autres constitue bel et bien un frein au réflexe d'entraide.

Difficile, tant qu'on n'est pas soi-même confronté au danger, de prédire comment on y réagirait. Les plus téméraires peuvent être paralysés par la peur, les plus altruistes se perdre en conjectures inutiles.

Il y aura bientôt un an que la petite Cédrika Provencher a disparu à Trois-Rivières. Y a-t-il des gens qui ont assisté à son enlèvement et qui auraient pu intervenir? On ne le saura sans doute jamais. Mais le drame qui s'est produit cette semaine nous rappelle qu'un témoin dispose de très peu de temps pour réagir. Les bons Samaritains de Québec ont eu les bons gestes au bon moment. Souhaitons que leur exemple inspire les réflexes nécessaires à ceux qui pourraient se retrouver dans une situation semblable.

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