Félix Leclerc vit dans l'éternité comme il a vécu sur cette Terre: avec discrétion et noblesse. Il n'est pas oublié même si, apparemment, les jeunes le connaissent assez peu. Seulement, on n'a jamais fait de son et lumière autour de sa mémoire - heureusement, il ne l'aurait pas supporté! Demain soir, pourtant, le spectacle de clôture des FrancoFolies de Montréal lui rend hommage; Félix, l'homme de paroles sera donné à la Place des Arts par un groupe composé de près d'une vingtaine d'artistes québécois.

Le romancier, poète, dramaturge et chansonnier est mort il y a 20 ans, le 8 août 1988.

Ce jour-là avait été assez semblable à celui qui, un an plus tôt, avait vu disparaître René Lévesque. Et cet autre jour, deux ans plus tard, où Maurice Richard décédait à son tour (une photo des deux hommes ensemble, le poète et le hockeyeur, demeure l'une des plus célèbres jamais publiées par La Presse). Stupéfaction, sentiment instantané de perte irréparable et chagrin immense, bien sûr. Dans les trois cas, on comprenait encore une fois qu'un homme peut être admiré pour ce qu'il a fait, mais il sera aimé pour ce qu'il fut.

Or, il faisait partie de la nature de Félix Leclerc d'être grand et aimable.

C'est avec ces qualités qu'il a épousé la cause souverainiste. Alors, il parle peu puisqu'il n'a jamais discouru beaucoup. Mais il crée et enregistre des chansons en forme d'hymnes, telles La Nuit du 15 novembre et L'an Un. Mais surtout, il fait Le Tour de l'île qui, sur une orchestration magistrale de François Dompierre, est certainement l'une de ses grandes chansons. Une pièce où, davantage encore qu'il ne plaide une cause, il immortalise dans un temps et un espace donnés les cadeaux de la nature et la belle ouvrage de l'humain, un couple qu'il voyait inséparable et extraordinairement beau.

La souveraineté vue par Félix Leclerc, c'était une chose grande, noble, tranquille et polie.

Exactement comme lui l'était.

S'il faut réécouter une seule chanson de Félix Leclerc, le choix sera déchirant - l'oeuvre sur disque est foisonnante, sans parler de la littérature qu'il a laissée aussi.

Pourtant, il en existe bien une qui a été conçue presque en forme de testament, par laquelle il rejoint certainement le cercle fermé des grands chansonniers humanistes et imagistes où on trouve aussi Léo Ferré, par exemple - Leclerc est tout juste moins enclin au désespoir

Cette chanson, c'est Mon Fils (1978), orchestrée aussi par Dompierre, une parabole qui montre un dieu s'adressant à sa créature, cet « orgueilleux tas de glaise» C'est un poème qui élève l'esprit et serre le coeur, et qu'il faudrait citer au long pour en donner une juste idée. C'est un condensé du regard qu'a posé Félix Leclerc sur le monde et sur la vie. Et, autant que la noblesse, on y trouve la sérénité, celle qui vient après «soixante ans d'une vie», après «les migrations / les transits, les voyages»

Félix Leclerc avait beaucoup voyagé, comme il l'a chanté à ses tout débuts. Et il nous aura ramené beaucoup d'air à respirer. Beaucoup de grandes et belles images dont nous inspirer.

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