Les titres des grands médias internationaux illustraient bien l'importance de l'annonce faite hier matin par Bombardier. «Bombardier s'attaque aux titans Boeing et Airbus avec un plus gros avion», résumait par exemple le site Internet du Times.

En lançant sa CSeries, des appareils d'entre 110 et 130 sièges, la multinationale canadienne quitte le champ des avions régionaux pour entrer dans celui des avions de ligne. De la cour des grands, elle passe à celle des géants. Deux géants, en fait, qui se disputent âprement le marché de l'aviation civile depuis des années.

Si tout va bien - dans cette industrie, les «si» sont toujours énormes - la mise au point et la construction de l'appareil créeront plus de 2000 emplois chez Bombardier au Québec, dont la moitié dans une nouvelle usine à Mirabel, où sera fait l'assemblage final. Inutile de dire combien cette perspective est réjouissante après des mois de difficultés dans le secteur manufacturier. Il faut féliciter tous les acteurs de ce gigantesque dossier, des dirigeants de l'entreprise aux gouvernements du Canada et du Québec, en passant par le syndicat et les employés, qui ont consenti les aménagements nécessaires à leurs conditions de travail.

La lutte sera féroce; Boeing et Airbus ne laisseront pas ce nouveau venu faire sa place sans le bousculer. Et puis qui peut prédire avec certitude l'avenir de l'aviation commerciale? Il y a donc des risques, qu'assumeront en partie les contribuables canadiens puisque les gouvernements fédéral et du Québec investissent près de 470 millions dans le projet.

Cependant, le statu quo comportait aussi des risques importants. Selon les experts, les jets régionaux seront de moins en moins populaires auprès des transporteurs, qui optent pour des appareils un peu plus gros. Si elle n'avait pas lancé la CSeries, Bombardier aurait sans doute vu ses ventes s'effriter d'année en année.

Boeing et Airbus ne croient pas être en mesure d'offrir de nouveaux appareils dans le créneau des 100-149 sièges avant 2016 au plus tôt. D'où l'occasion que veut saisir Bombardier avec un appareil plus économe et plus écologique arrivant sur le marché dès 2013.

L'entreprise évalue le marché de ce créneau à 250 milliards, dont elle voudrait accaparer la moitié. On voit que ce n'est pas l'ambition qui manque! De l'ambition, mais apparemment pas de témérité, si l'on en juge par le temps qu'a mis Bombardier pour lancer sa nouvelle gamme. Ce travail a visiblement porté ses fruits.

«Notre évaluation initiale de la gamme CSeries a évolué et nous croyons maintenant que ces appareils satisfont pleinement nos exigences élevées pour le développement durable de notre flotte», a déclaré un représentant du premier acheteur confirmé hier, l'allemande Lufthansa. Venant d'une entreprise aussi respectée, cette marque de confiance est à la fois rassurante et encourageante.

apratte@lapresse.ca

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