À Shawinigan et à Anjou, des communautés musulmanes se cherchent un endroit pour installer un lieu de prière. Mais on ne veut pas d'eux, même dans le parc industriel. Selon un sondage SOM réalisé pour Cogeco à la suite de la controverse de Shawinigan, les deux tiers des Québécois s'opposeraient à l'établissement d'une mosquée dans leur quartier. L'amalgame musulmans-intégristes-terroristes est chose faite au Québec.

Une autre enquête, celle-là de Léger pour le réseau TVA, est également révélatrice. On a demandé aux répondants s'ils avaient une perception positive ou négative des membres de différentes communautés minoritaires. La plupart des groupes jouissent d'une image favorable. Cependant, les membres de deux communautés sont mal vus par la moitié des participants: les musulmans (54% d'opinions négatives) et les Arabes (47%). Cela étant, il n'est pas étonnant que l'on ne veuille pas de mosquée près de chez soi. Pas surprenant non plus que beaucoup de musulmans aient du mal à dénicher un emploi.

Une minorité substantielle entretient des préjugés à l'égard d'autres communautés, entre autres les sikhs (25%) et les Juifs (21%). Néanmoins, 71% des Québécois ont une opinion favorable des membres de ce dernier groupe. Or, il y a quelques décennies, ce sont les Juifs qu'on percevait comme menaçants pour «nos valeurs».

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À Québec, la petite communauté juive a dû se débattre pendant deux décennies (de 1932 à 1952) avant de pouvoir bâtir une synagogue dans la haute ville. Documentée par l'historien Pierre Anctil, cette saga fait beaucoup penser à ce que vivent les musulmans aujourd'hui.*

Même si les Juifs composaient seulement 0,03% de la population de la capitale, bien des citoyens craignaient ce groupe «étranger à nos croyances, aux habitudes de notre peuple», de dire un curé. Le maire, Lucien Borne, a d'abord cherché à régler l'affaire discrètement. Mais, au cours de la campagne municipale de 1942, son adversaire l'a accusé d'être à la solde de la «finance juive». Dès lors, le conseil municipal a empêché la construction du temple.

Les opposants au projet se défendaient d'être antisémites, de même qu'aujourd'hui les chasseurs de voiles disent ne rien avoir contre les musulmans... pourvu qu'on ne les voie pas. La majorité somme les «étrangers» non seulement de s'intégrer, mais de s'assimiler.

Pourtant, les Canadiens de langue française se font une fierté d'avoir survécu aux tentatives d'assimilation. Notre histoire devrait nous permettre de comprendre la volonté des minorités de s'intégrer tout en préservant certains aspects de leur culture d'origine.

Et puis, faisons confiance au temps. En 1952, la synagogue de la haute ville de Québec a ouvert ses portes... sans controverse aucune. Au fil des ans, les Juifs de la province ont conservé leur héritage, tout en devenant profondément Canadiens et Québécois.

* Dans Les Juifs de Québec - Quatre siècles d'histoire, PUQ, à paraître en avril.