Stéphane Lévesque

CONTRASTE FRAPPANT

Stéphane Lévesque

Enseignant en français au secondaire à L'Assomption

Pour savoir s'il faudrait abolir les commissions scolaires, allez visiter votre bonne vieille école publique de quartier. Ensuite, allez visiter les locaux de votre commission scolaire. Demandez de voir les bureaux de direction, les salles de conférence. Le contraste est frappant. Dans les écoles, on n'a pas d'argent pour repeindre, pour des chaises décentes ni pour des ordinateurs qui tiennent la route. Les toits coulent, les robinets aussi... Vous constaterez que l'argent versé aux commissions scolaires percole trop peu vers les écoles. On coupe les services et on exige que les profs s'adaptent, s'arrangent. Or, beaucoup de commissions scolaires ont été fusionnées par le passé avec des promesses d'austérité. Les rationalisations ne se sont jamais vraiment matérialisées. On a doublé la grosseur des organisations et doublé le nombre de directeurs. Il n'y a aucun besoin pour des intermédiaires entre le ministère et les directeurs d'écoles. Ces derniers sont les mieux placés pour connaître les besoins de leur clientèle et pour fournir les services appropriés. Le fait d'éliminer ce palier de «middle managers» rendrait les écoles plus libres d'agir adéquatement, plus efficaces et beaucoup mieux connectées sur les besoins réels des élèves.

BONNE GOUVERNANCE ET COHÉRENCE

Jean-Pierre Aubry

Économiste et fellow associé au CIRANO

Pour justifier l'existence de commissions scolaires gérées par des élus, il faut que ces élus aient suffisamment de responsabilités. Si les commissions scolaires ne font que fonctionner dans un cadre de gestion très étroit en appliquant des directives venant du ministère de l'Éducation, il faut les remplacer par des entités de gestion qui comprennent uniquement des fonctionnaires. Ces derniers suivront à la lettre les directives du Ministère. Avant la présente confrontation entre le gouvernement Marois et les commissions scolaires, ma préférence allait pour l'abolition des commissions scolaires parce que je jugeais alors leur cadre de gestion trop étroit. À cet argument, s'ajoutait le faible taux de participation aux élections des commissaires. Si, maintenant, on enlève une grande partie de la responsabilité des commissaires en réduisant les options qu'ils ont entre le niveau des dépenses (et la qualité des services) et le niveau des taxes scolaires, ça ne vaut carrément plus la peine d'avoir des élus pour gérer les commissions scolaires. C'est une question de bonne gouvernance et de cohérence. De plus, si le gouvernement Marois pense que la grande majorité des commissions scolaires gèrent de façon inefficiente, il n'y a plus aucune raison pour ne pas les abolir.

MANOEUVRES ÉLECTORALISTES

Guy Ferland

Professeur de philosophie au Collège Lionel-Groulx

Il est désolant de voir un parti politique ayant des idéaux de centre gauche tenter de plus en plus des manoeuvres bassement électoralistes. L'abolition envisagée des commissions scolaires, le remboursement forcé d'une partie des trop fortes hausses des taxes scolaires, la promotion d'une charte des valeurs québécoises et l'adoption de la loi sur l'intégrité en matière de contrats publics vont dans ce sens. À l'évidence, le parti de Pauline Marois est en mode électoral et veut profiter de la faiblesse des partis d'opposition pour se donner une majorité à l'Assemblée nationale. Mettre sur pied un comité qui examinera le financement et la gouvernance du préscolaire, du primaire et du secondaire permettra sans doute au PQ d'aller chercher des votes à la CAQ lors des prochaines élections. La loi sur l'intégrité profitera au parti fondé par René Lévesque pour enfoncer davantage le clou au cercueil du PLQ en campagne électorale. La Charte des valeurs a déjà permis aux troupes de Pauline Marois de ramener les nationalistes purs et durs dans leur camp. Promettre maintenant un peu d'argent aux contribuables par le retour d'une partie de la hausse des taxes scolaires complète une stratégie électoraliste simpliste, mais efficace.

ÉCOLES PLUS AUTONOMES

Michel Kelly-Gagnon

PDG de l'Institut économique de Montréal, il s'exprime à titre personnel.

L'idée est excellente, peu importe le parti qui la propose. L'existence d'une telle structure de nos jours est désuète et la participation systématiquement famélique aux élections scolaires montre bien que la grande majorité de la population est déjà rendue ailleurs. Seules les commissions scolaires anglophones trouvent encore un certain écho dans leurs communautés, et il est certainement possible de trouver un arrangement adéquat à cet égard. Mais il ne s'agit pas seulement d'un débat de structure. Dans les travaux passés de l'Institut économique de Montréal, on a constaté à plusieurs reprises que davantage d'autonomie rime avec meilleures performances scolaires et diminution du décrochage. Pensons aux écoles privées qui ne relèvent pas des commissions scolaires et qui s'en sortent très bien sans elles! Pour obtenir ces avantages, la disparition des commissions scolaires doit absolument déboucher sur une plus grande autonomie des écoles, notamment la possibilité d'engager et congédier elles-mêmes leurs enseignants et les libérer de contraintes bureaucratiques étouffantes. Dans un vieux sondage, 74% de la population se déclarait favorable à ce que les écoles publiques disposent d'autant d'autonomie que les écoles privées. Je parie que c'est encore le cas. Si la manoeuvre a des apparences d'électoralisme, c'est surtout parce qu'elle est bien reçue dans la population.

OUI À L'ABOLITION

Jean Bottari

Préposé aux bénéficiaires 

Si l'abolition des commissions scolaires est bel et bien une promesse de la CAQ, je crois que la grande majorité de la population serait en accord avec cette mesure. Nous apprenons, grâce aux médias, les dépenses en voyages d'affaires, repas, construction de sièges sociaux ainsi qu'en salaires fort généreux versés aux commissaires. Tout cela ne fait qu'alimenter notre cynisme à l'égard des commissions scolaires et des personnes qui en font partie. D'autant plus que ces personnes ayant des postes électifs sont presque toujours élues par acclamation ou par un pourcentage d'électeurs frôlant le ridicule. L'abolition pure et simple de ces organismes ne pourra qu'être bénéfique pour nous, contribuables, qui avons la nette impression de dépenser des sommes colossales d'argent pour presque rien en retour. J'appuie donc à 100% la proposition de la CAQ et maintenant du PQ d'abolir les commissions scolaires une fois pour toutes.

LE POUVOIR AUX PARENTS

Adrien Pouliot

Chef du Parti conservateur du Québec

Changer les structures peut-être, mais où ira le pouvoir qu'avaient les commissions scolaires? Connaissant l'historique étatiste du PQ, il logera auprès d'autres fonctionnaires. Il devrait plutôt revenir aux parents, en les dotant de bons d'éducation universels (comme on en retrouve, notamment, en Nouvelle-Zélande, au Danemark et en Suède). Tous les parents d'enfants inscrits à l'école primaire ou secondaire devraient recevoir des bons d'étude universels qui leur permettront de choisir l'école publique de leur quartier, l'école publique du quartier voisin, ou encore l'école privée (OSBL ou à but lucratif) de leur choix. Tous les parents se verraient remettre le même montant d'argent, mais le montant serait ajusté en fonction du niveau d'études, de la géographie, des difficultés d'apprentissage et d'adaptation des élèves, etc.  Tout comme au Danemark, les parents devraient avoir le droit de contribuer eux-mêmes aux écoles en plus du bon, ce qui augmentera la créativité et l'innovation dans l'offre de services éducatifs. Les écoles doivent être libérées des diktats du ministère de l'Éducation et elles doivent être gouvernées par des conseils d'établissement formés majoritairement de parents. Une telle approche suscitera de l'innovation et de l'émulation pour mieux servir les étudiants. Et tant mieux si le PQ voit enfin la lumière et adopte cette idée de «droite» !

LES BUDGETS AUX ÉCOLES

François Bonnardel

Député de Granby pour la Coalition avenir Québec

La position de la CAQ sur ce sujet est claire : il faut remplacer les commissions scolaires actuelles par un nombre restreint de centres de services. Ces centres vont dépendre des écoles et ils vont concentrer leurs actions sur des services communs comme le transport, les paies, etc. L'abolition des commissions scolaires telles qu'elles existent actuellement répond au besoin de mettre en place des écoles plus autonomes que maintenant. Les budgets devraient aller directement aux écoles, là où se prennent les décisions pour assurer la réussite du plus grand nombre d'élèves. Le gouvernement Marois est empêtré avec sa sous-traitance des hausses de taxes qu'il a refilées aux contribuables par l'entremise des commissions scolaires. Après avoir répété que les commissions scolaires étaient des «gouvernements responsables», on a récemment entendu la ministre de l'Éducation dire qu'elles sont maintenant peut-être arrivées à la fin «de leur vie utile». La première ministre et son gouvernement qui collectionnent les reculs en ajouteraient un autre ? Une chose est certaine : c'est une excellente idée de réduire la bureaucratie. Mais ne comptez pas sur le Parti québécois qui gouverne par comités, sommets ou structures pour que les écoles deviennent vraiment autonomes !

photo archives La Voix de l'Est

Le député caquiste de Granby, François Bonnardel.