Que pensez-vous de la décision du gouvernement Marois de maintenir le tarif à 7$ par jour dans les garderies au cours des quatre prochaines années? Une indexation du tarif sera envisagée seulement quand l'ouverture des 28 000 nouvelles places sera complétée en 2016.

Louis Bernard

Consultant et ancien haut fonctionnaire au gouvernement du Québec.



INVESTISSONS DANS NOS PLUS JEUNES



De toutes les dépenses que peut faire le gouvernement du Québec, celles qui supportent le réseau des garderies sont les plus rentables. À tous points de vue. S'il est vrai que l'éducation est la première des priorités, à l'intérieur de ce secteur, le réseau des garderies, lui-même, est celui qui devrait être prioritaire. C'est , en effet, le lieu de la première socialisation de l'enfant, compensant la disparition des familles nombreuses et favorisant le rapprochement entre les communautés. Le lieu aussi des premiers apprentissages intellectuels et la première occasion de détecter les carences qui, si elles ne sont pas corrigées, mèneront au décrochage scolaire. Pour faire une analogie avec les REER, plus on investit jeune, plus ça rapporte plus tard. Dans les circonstances, il importe d'abord de compléter le réseau afin que tous les enfants y aient leur place, tout en conservant le niveau actuel d'accessibilité. Il faudra ensuite améliorer la qualité des services de garde fournis, notamment en exigeant une meilleure formation des éducatrices et éducateurs qui y travaillent. Enfin, on pourra envisager de rendre une partie du réseau gratuit en étendant la maternelle aux enfants de 4 ans et même, plus tard, quand nous en aurons les moyens, y généraliser la gratuité des services, comme nous le faisons déjà pour les autres niveaux du système scolaire. Investissons dans nos jeunes et, surtout, dans nos plus jeunes.


Adrien Pouliot

Président et chef de direction de Draco Capital.



COÛTS HORS DE CONTRÔLE



Les «riches» québécois (ceux qui gagnent plus de 45 000 $) vont sans doute se réjouir de cette décision électoraliste.  Mais ils oublient que ce sont eux qui vont payer la facture annuelle de 2 006 085 800 $ (ne vous perdez pas, ça veut dire 2 milliards de dollars). C'était 379 millions $ en 1997, lors de l'instauration des garderies à 5 $ (puis à 7 $).  Le nombre de places a certes augmenté de 161% en 15 ans, mais les coûts du programme se sont accrus beaucoup plus rapidement, de 429%. Comme c'est souvent le cas avec les structures bureaucratiques, on perd le contrôle des coûts. Les normes et les règlements, la syndicalisation systématique, les négociations centralisées, l'attrition du pouvoir des parents, la prise de décisions par des fonctionnaires qui décide quel enfant sera accepté, où et à quel prix, tout cela fait en sorte que chaque place coûte deux fois plus cher qu'à la mise sur pied du programme.  Et ne venez pas me citer l'étude bidon de l'économiste Pierre Fortin à l'effet que les garderies sont « rentables » pour justifier ces coûts astronomiques.  Cette étude a été complètement discréditée dès sa publication par plusieurs économistes réputés du Québec.

Adrien Pouliot

Joëlle Dupont

Étudiante en sciences humaines au cégep de Lanaudière.



LA JUSTICE, PAS TOUJOURS OÙ L'ON CROIT



Je peux comprendre la colère de la population devant les ratés de notre réseau de garderie «révolutionnaire» et «modèle de progrès». Je peux comprendre que de cette colère résultent certaines revendications - comme le gel des tarifs - jusqu'à ce que la situation soit réglée. Mais... Sérieusement, la philosophie du gel, que ce soit pour les tarifs d'électricité, les garderies ou les droits de scolarité, ne répond absolument à aucune logique. Et ses tenants ont beau qualifier la mesure de progressiste, je pense sincèrement qu'il n'en est rien. Car on aura beau geler tous les tarifs possibles, les coûts, eux, ne gèlent pas! Et qui paye les coûts des organismes publics? «Le méchant gouvernement qui nous exploite et siphonne notre portefeuille»! Oui... mais non. Le gouvernement, c'est nous. C'est la société. Et on aura beau crier à la justice sociale, on arrivera jamais à me convaincre de la logique derrière le fait que «7$ aujourd'hui, en 2012, c'est correct» mais que «l'équivalent de 7$ en 2013, que ce soit 7,05$, 7,15$ ou que sais-je, que n'est pas correct». Pardon?! Enfin, si on souhaite réellement développer notre réseau public, où est la cohérence de lui demander de faire plus, de se développer, de devenir meilleur, avec moins de moyens? Car non, un gel des tarifs pour le «consommateur» n'égale pas un gel des moyens pour l'«offreur», mais bien une baisse de moyens : l'inflation ne s'arrête pas, elle! Bref, le gel, c'est bien pour flatter les contribuables dans le sens du poil, mais si ces derniers sont portés à croire qu'ils ressortent gagnants, on risque de baigner dans une sournoise illusion...

Joelle Dupont

Jean Bottari

Préposé aux bénéficiaires.



PROMESSE TENUE



En campagne électorale, Pauline Marois avait promis d'ouvrir 28 000 nouvelles places en garderie. Elle s'est aussi engagée à maintenir le tarif à 7 $ par jour. Force est donc de constater qu'il arrive parfois en politique que les promesses électorales sont tenues. Évidemment, Mme Marois mentionne que le tarif de 7 $ pourra être révisé à la hausse dans quatre ans. Comme ce laps de temps est une éternité pour un gouvernement minoritaire, ni le PQ ni aucune autre formation politique ne peut garantir que ce tarif sera maintenu au cours des quatre prochaines années. J'imagine aussi que le PQ qui a dénoncé à maintes reprises l'octroi des permis de garderies à de présumés contributeurs de l' ancien gouvernement Charest veillera au grain en s'assurant que les permis seront octroyés selon les compétences des futurs gestionnaires plutôt que selon la contribution monétaire qu'ils versent au parti. Cela dit, ces 260 millions $ supplémentaires sont un investissement pour notre société qui vient surtout en aide aux familles de la classe moyenne qui font rouler l'économie.

Jean-Pierre Aubry

Économiste et fellow associé au CIRANO.



LA MULTIPLICATION DES PAINS



Ce n'est pas cette mesure qui va causer une forte détérioration de la situation financière du gouvernement, mais celle-ci reflète une façon risquée d'aborder la protection des acquis sociaux et la mise en place de nouvelles politiques publiques à moyen et à long terme. Quand on fait la somme des implications budgétaires de plusieurs promesses électorales (un enfant une place, annuler la hausse des droits de scolarité, assurer de meilleurs soins à nos aînés, compléter le réseau des groupes de médecins de famille, annulation de la hausse du tarif d'électricité patrimonial...) que le gouvernement de Mme Marois veut honorer, on a l'impression que Québec connaîtra très bientôt une longue période de forte croissance et que le gouvernement pourra offrir plus de services avec des tarifs de plus en plus faibles en termes réels, et cela tout en maintenant l'équilibre budgétaire.  Y a-t-il des limites? Le présent gouvernement semble avoir totalement oublié qu'on est dans un contexte où il y a un vieillissement marqué de la population et où les principaux partenaires commerciaux du Québec révisent à la baisse leur prévision de croissance économique à moyen terme. Il semble également avoir oublié jusqu'à quel point il sera difficile de respecter la cible du contrôle du taux de croissance de ses dépenses. J'ai hâte de voir les hypothèses économiques qui seront incluses dans le plan budgétaire qui sera présenté la semaine prochaine...

Jean-Pierre Aubry

Jean Gouin

Directeur général de la Fédération des médecins résidents du Québec.



MAUVAISE GESTION... MAIS BON CALCUL POLITIQUE



La tendance que l'on observe chez le gouvernement Marois, lorsqu'il est question de prévoir une augmentation des tarifs ou encore une indexation de ceux-ci au coût de la vie, est de maintenir le statu quo. C'est le cas pour le tarif lié à l'accès aux garderies. On ne parle pas ici de milliers de dollars pour le simple citoyen qui effectue un débours de 7 $ par enfant placé en garderie. Je ne comprends pas la gêne qu'éprouve le gouvernement Marois ne serait-ce qu'à indexer les frais des garderies. De plus, le gouvernement devrait prévoir annuellement une augmentation minimale des tarifs en fonction de l'augmentation du coût de la vie et ce, pour tous les tarifs qu'il fixe au nom des citoyens. Il ne se gêne aucunement quand vient le temps de réviser la prime que nous devons débourser pour les médicaments, alors pourquoi en serait-il autrement pour les frais de garderie? La situation économique du Québec est précaire et le simple gros bon sens commande une révision des tarifs que nous payons pour certains services publics. Attendre, reporter ou encore refuser d'agir ne devrait plus faire partie du vocabulaire de nos élus. En refusant d'indexer les frais de garderie, le gouvernement Marois fait de la mauvaise gestion des fonds publics, mais un bon calcul politique vu qu'il est minoritaire.

Jean Gouin

Michel Kelly-Gagnon

PDG de l'Institut économique de Montréal. Il s'exprime à titre personnel.



LE VRAI PRIX D'UNE PLACE EN GARDERIE



Le coût d'une place en garderie est d'au moins 45 $ par jour, et ce prix augmente constamment. Geler le tarif officiel à 7 $ par jour n'y change rien parque les prix des fournisseurs, les salaires des techniciennes, les loyers des garderies ne sont pas gelés, eux. Cela signifie simplement que le parent paie une proportion de plus en plus importante de la place en garderie par le biais de ses impôts plutôt que par son 7 $ quotidien. L'ajustement des tarifs en fonction de l'inflation devrait à tout le moins être automatique plutôt que d'être soumis aux aléas de la politique partisane. Car pour le gouvernement, le tarif, c'est ce qui est visible pour les parents et électeurs, alors que la subvention payée par leurs impôts est bien moins visible. Le prix total, on le connaît peu. C'est pourtant en connaissant les prix réels qu'un citoyen peut prendre des décisions informées. Le gel des tarifs est absurde et il faut au moins les indexer. Mais plus encore, il est temps de faire connaître le vrai prix d'une place en garderie, par exemple en envoyant chaque mois au parent une facture fictive de ce qu'il leur en coûte réellement, en tarif comme en impôt!

Michel Kelly-Gagnon

Denis Boucher

Associé au sein d'un cabinet de relations publiques.



NOUS PAIERONS TOUS



Le principe du gel d'un tarif pour n'importe quel service géré par le gouvernement revient, ni plus ni moins, à de la pensée magique ou au plus bel exemple de geste démagogique. Il n'existe pas de recette secrète pour mettre les garderies ou les institutions d'enseignement à l'abri de l'inflation. Forcément, si on gèle les tarifs de garderies et les droits de scolarité, il faudra augmenter le déficit, couper d'autres services, augmenter les impôts ou concocter un heureux mélange de ces trois ingrédients. On connaît déjà le penchant de l'actuel gouvernement à augmenter les impôts. Or, l'augmentation des impôts pour les quelques « riches » que nous avons ne peut tout simplement pas arriver à compenser pour le manque à gagner créé par des soi-disant gels. En fin de compte, c'est l'ensemble des contribuables qui paieront la note d'une manière ou d'une autre. Il ne faut jamais oublier que l'État gère notre argent. L'argent dépensé par l'État n'a pas poussé dans les arbres. Il vient directement de la poche de ceux qui paient des impôts et s'arrachent le coeur au quotidien pour se donner une qualité de vie.

Denis Boucher

Pierre Simard

Professeur à l'ENAP, à Québec.

DES PROMESSES ÉLECTORALES



Des promesses, encore des promesses, toujours des promesses. Serait-on encore en campagne électorale? Pour dire vrai, les gouvernements minoritaires sont toujours en campagne électorale. Même si des élections ont bien eu lieu le 4 septembre, depuis, il ne se passe guère une semaine sans que le bienveillant gouvernement Marois n'accorde un cadeau à ses sujets. Les gels se suivent et se ressemblent : gel des droits de scolarité, gel des tarifs des services de garde. Les promesses se succèdent à un rythme effréné : ajout de milliers de place en garderie d'ici 2016, crédit d'impôt pour les activités sportives et artistiques des jeunes, etc. Mme Marois se justifie en déclarant « qu'il faut cesser de presser les familles comme des citrons ». Je veux bien, mais il faudra un jour trouver un citron à presser pour payer toutes ces dépenses publiques. Comme à l'habitude, on verra après les prochaines élections... ce qui ne saurait tarder.

Pierre Simard

Nestor Turcotte

Retraité de l'enseignement collégial.



TOUR DE PASSE-PASSE



Au Québec, chacun veut avoir le plus de services possibles tout en payant le minimum. L'excédent doit être payé toujours par tout le monde et non par les usagers. Et si les ressources ne sont pas au rendez-vous pour payer le gel des frais, le gouvernement augmentera d'autres tarifs pour payer ceux qui les usagers ne veulent pas payer dans un domaine précis ou encore - comme c'est souvent le cas - le gouvernement tranférera la facture dans la dette collective. Ceux qui ne veulent pas payer tout de suite s'imaginent qu'ils ne paieront jamais les frais. Le gel conduira forcément à un dégel ultérieur. Ceux qui ne veulent pas payer tout de suite, risquent de payer deux fois plus cher dans quelques décennies. L'opération garderie du gouvernement actuel coûtera 260 millions aux contribuables sur une période de quatre ans. Les dirigeants, peu importe le parti politique, ont l'habitude de jouer ce tour de passe-passe, pensant que les citoyens, aveuglés par leur quête de bien-être, voteront pour eux lors du prochain scrutin. Pauline Marois a tout donné aux étudiants : ils en réclament encore. Elle a aboli la taxe santé tout en ne disant pas où elle trouvera les centaines de millions effacés de la colonne des revenus. Elle se permet d'effacer 260 millions de plus pour espérer quelques centaines de votes et lui accorder un futur gouvernement majoritaire. Le Québec est manipulé et, ma foi, il semble drôlement aimer cela!

Nestor Turcotte