Quel a été le legs le plus important de René Lévesque à la société québécoise? A-t-il été le plus grand premier ministre de l'histoire du Québec?

Louis Bernard

Ex-chef de cabinet de René Lévesque.



«NOUS SOMMES DES QUÉBÉCOIS»



C'est par ces mots que commencent la présentation que fit René Lévesque d'«Option Québec», son grand projet politique pour la nation québécoise. C'est son legs le plus précieux: non seulement, a-t-il dit, le Québec est notre patrie, mais nous pouvons être fiers de ce que nous sommes et, surtout, de ce que nous pouvons devenir. Il nous a ainsi donné confiance en nous-mêmes, guéri de notre complexe d'infériorité et de colonisés et a voulu nous démontrer que nous sommes capables de grandes choses. Tout le reste découle de cette vision fondamentale: intégrité de l'État, assainissement du processus démocratique, prédominance de la langue française, maîtrise des leviers économiques, préservation du territoire agricole et de l'environnement, solidarité sociale, etc. «Nous sommes peut-être quelque chose comme un grand peuple», a-t-il déclaré dans son style inimitable. C'était fixer la barre bien haute ! Mais qui voudrait s'en plaindre ? Il nous appartient maintenant de réaliser pleinement ce dont nous sommes capables en suivant la ligne qu'il nous a tracée. Qu'il y ait des étapes plus difficiles à franchir, il ne faut pas s'en étonner. Mais il ne faut surtout pas renoncer à l'idéal exigeant qu'il nous a fixé. M. Lévesque lui-même a traversé, dans sa vie, un désert politique d'une dizaine d'années, sans pour autant renoncer à ses idéaux. C'est sa persévérance qui lui a permis de mener le Québec à une étape cruciale de son développement. À nous de suivre son exemple et de continuer son oeuvre en portant encore plus haut ses espérances.


Guy Ferland

Professeur de philosophie au collège Lionel-Groulx de Sainte-Thérèse.



LE PÈRE D'UNE NATION



René Lévesque représente pour moi le premier ministre et homme politique québécois qui incarnait au plus haut point les idéaux de la démocratie et de l'intégrité. Il personnifiait l'aspiration d'un peuple à s'émanciper et à accroître son autonomie tout en respectant les minorités. Son opiniâtreté indépendantiste n'était pas de l'entêtement, mais constituait une conviction profonde que les Québécois étaient mûrs pour s'autodéterminer en discutant entre eux des meilleurs moyens pour y parvenir sans violence. René Lévesque croyait que l'éducation servirait de moteur pour notre société et nous mettrait en chemin vers « quelque chose comme un grand peuple ». C'est d'ailleurs là qu'est le principal héritage de Ti-Poil : il a donné aux Québécois un projet positif de société et une confiance en eux-mêmes que les Canadiens français ne connaissaient pas avant lui. Désormais, que le Québec devienne un pays ou non, nous savons indéniablement que nous pouvons accomplir de grandes choses dans tous les domaines, comme toutes les grandes nations. René Lévesque n'a peut-être pas été le plus grand premier ministre du Québec, mais il est le père d'une nation qui n'a plus honte d'elle-même et qui fait face sereinement aux défis du XXIe siècle.

Nestor Turcotte

Retraité de l'enseignement collégial.



LE PLUS GRAND DE TOUS



Personne ne peut rester indifférent devant la vie de cet homme exceptionnel. Ce politicien hors du commun. Il est, et pour longtemps, le plus grand homme d'État du Québec. J'ai eu la joie de le croiser plusieurs fois lors des campagnes électorales de 1970 et 1973. Il me trouvait un peu trop séparatiste à son goût - j'étais dans la foulée de Pierre Bourgault. À part cette divergence, nos rapports étaient simples et amicaux. Il laisse sur le Québec une marque indélébile. Une façon d'être chef d'État qui n'a jamais été imitée. M. Lévesque était un homme simple, généreux, attaché à son peuple, le guidant, l'éduquant, lui donnant souffle et courage. Lorsqu'il visitait les régions - ce qu'il faisait sans cesse - des foules immenses l'attendaient, habituellement dans des salles enfumées, pleines à craquer. On écoutait René Lévesque. On s'en abreuvait. On le citait. On l'aimait parce qu'il était près de son peuple et on sentait qu'il aimait son peuple. Son  discours touchait les coeurs, ouvrait à l'espérance, chamboulait nos existences. À la sortie de ces rencontres annoncées à l'avance, les gens se parlaient, se soutenaient, s'engageaient. Lévesque était une bougie d'allumage. Dois-je parler d'un grand leader? Il ne fait aucun doute que cet homme, originaire de ma Gaspésie natale, reste et restera encore longtemps l'homme phare, l'homme rassembleur, l'homme qui fait germer l'inédit, la prise en charge, l'accomplissement à venir d'un peuple.

Nestor Turcotte

Jean-Pierre Aubry

Économiste et fellow associé au CIRANO.



UN MODÈLE À SUIVRE



Je ne sais si René Lévesque est le plus grand premier ministre de l'histoire du Québec; c'est tellement difficile de comparer la performance de diverses personnes dans des circonstances différentes et dans des périodes différentes.  Cependant, je dirais que M. Lévesque a très bien démontré qu'une gestion gouvernementale basée sur la rigueur de l'analyse, l'intégrité, la transparence et le respect des personnes et des principes démocratiques  peut être de haute qualité et obtenir le soutien des contribuables.  M. Lévesque était un grand communicateur capable de bien analyser un dossier, de le simplifier pour bien l'expliquer à la population et de proposer avec beaucoup d'éloquence des solutions sans pour cela de cacher certains aspects moins positifs de celles-ci. Selon moi, c'est cette façon de gérer et de communiquer qui est son plus grand legs. Dommage que tant de politiciens ne suivent pas de plus près un tel modèle.

Jean-Pierre Aubry

Jean Bottari

Préposé aux bénéficiaires.



UN GRAND HOMME



Homme petit de stature, mais combien grand en réalisations et en paroles. Paroles qu'il prononçait de façon  tangible et réaliste. Jamais cet homme n'aura lâché prise sur ses convictions les plus profondes et aura tout tenté pour nous convaincre que la seule issue, la meilleure pour nous tous était la souveraineté du Québec. Il aimait le Québec et, par dessus tout, les Québécois qui le lui ont bien rendu jusqu'à la soirée référendaire de 1976. Ce soir-là, René Lévesque était déçu. Non pas seulement du fait que les fédéralistes ont remporté la victoire du non, mais déçu aussi de lui-même. Lui qui avait tout mis en oeuvre afin de nous convaincre n'avait pas réussi. Sans doute son plus grand échec, pour lequel il n'a jamais trouvé de consolation. René Lévesque, le grand homme près du peuple, nous manque terriblement aujourd'hui. Lui, il aurait su quoi faire avec les corrupteurs et les corrompus pour qui il avait un hargne particulière. Mais le destin en aura voulu autrement. Souhaitons-nous qu'un jour pas si lointain, une émule de M. Lévesque apparaisse et fasse en sorte que nous puissions regagner confiance en notre démocratie qui lui était si chère.

Mélanie Dugré

Avocate.



PASSION ET INSPIRATION



René Lévesque a marqué le Québec comme peu l'ont fait avant, et aucun après, lui. Rares sont les politiciens que l'on célèbre et honore toujours, et dont le nom reste encore sur les lèvres, 25 ans après leur mort. L'héritage politique de René Lévesque est immense et il est bien difficile d'identifier l'événement clé sur ce parcours hors du commun. Une bonne dose de courage fut sûrement nécessaire pour adopter la loi anti-scabs et créer la SAAQ afin de protéger les assurés. L'adoption de la loi 101 demeure néanmoins un épisode historique. Malgré les tollés et les levées de bouclier, cette loi reste debout et est plus que jamais vitale et fondamentale pour la protection de notre langue. Mais le legs humain de René Lévesque est encore plus colossal que son héritage politique. Les images d'archives de ses discours nous montrent combien l'homme était animé d'une puissante fougue et d'une brûlante ferveur. Impossible, à l'écoute de ses paroles enflammées, de ne pas sentir les poils de nos bras se retrousser.  Que l'on soit souverainiste ou fédéraliste, francophone ou anglophone, Québécois de souche ou immigrant, nous ne pouvons que nous incliner devant la façon dont René Lévesque nous a prouvé ce que la passion et l'inspiration permettent d'accomplir.

Mélanie Dugré

Denis Boucher

Associé au sein d'un cabinet de relations publiques.



RESPECT ET OUVERTURE



Alors que l'odeur de corruption flotte sur tout le Québec, l'anniversaire du décès de René Lévesque nous rappelle qu'il est possible d'élire des politiciens intègres, intelligents et dont l'objectif est de servir et non de se servir. M. Lévesque a toujours fait preuve de respect et d'ouverture. Il est celui qui a pris le beau risque démontrant ainsi, encore une fois, que l'intérêt commun passait au-delà des doctrines de l'indépendance à tout prix. Est-il le plus grand premier ministre de notre jeune province? Je ne saurais dire. Ce dont je suis certain est qu'il partage avec les Lesage, Bourassa, Johnson père et Bouchard, une place enviable parmi ceux qui auront laissé une empreinte dont les générations qui les ont suivis profitent encore. Nous avons besoin de ce genre de personnes à la tête de nos institutions si l'on souhaite se bâtir un avenir et laissé ce patrimoine à nos enfants. Il semble toutefois de plus en plus difficile d'attirer ces gens de qualité. Au-delà de la réforme du financement des partis politiques, il faudra peut-être aussi voir à offrir des salaires qui vont de pair avec la responsabilité qui incombe aux élus. La vie politique devrait attirer les meilleurs. Nous n'avons pas les moyens d'élire des profiteurs.

Denis Boucher