Que pensez-vous de la composition du cabinet Marois? Certaines nominations vous surprennent-elles? LES COMMENTAIRES DOIVENT ÊTRE SIGNÉS.

Pierre Simard

Professeur à l'ENAP, à Québec.



LA DIVERSION



Le conseil des ministres présenté par Mme Marois a un mandat clair : préparer les prochaines élections. Des élections qui, selon les observateurs, pourraient être déclenchées d'ici deux ans. L'objectif de Mme Marois est simple : profiter des prochains mois pour récupérer les appuis perdus au profit de Québec solidaire et Option nationale. Des appuis qui, si l'on se fie aux stratèges péquistes, auraient coûté au PQ sa majorité parlementaire. Pour y arriver, Mme Marois a opté pour une stratégie de diversion. Pendant que les ministères à vocation économique seront sous la responsabilité de recrues inexpérimentées et surchargées, les étoiles du parti s'occuperont de récupérer les votes perdus. Pendant que les Marceau et Gaudreault se tiendront loin des feux de la rampe - car trop occupés à mettre en place de nouvelles structures, à déménager des fonctionnaires et à commander la nouvelle papeterie de leur ministère - une nouvelle campagne électorale battra son plein. Les plus médiatisés des ministres comme Drainville, Lisée, Duchesne et Breton seront en mission pour récupérer le vote souverainiste, le vote étudiant, le vote syndical et le vote vert. Bref, le vote qui aurait pu faire la différence entre un gouvernement minoritaire et majoritaire. Pendant ce temps, le Plan Nord se transformera en Plan mort et on aura réussi à détourner l'attention des électeurs de la précarité de nos finances publiques.

Pierre Simard

Robert Asselin

Directeur associé de l'École supérieure d'affaires publiques et internationales à l'Université d'Ottawa.



DEUX DÉCEPTIONS



Dans un premier temps, il faut reconnaître que parmi les nouveaux ministres, il y a des hommes et de femmes de talent. Nicolas Marceau, Martine Ouellet, Véronique Hivon et Alexandre Cloutier sont certes relativement néophytes en politique, mais ils ont des feuilles de route impressionnantes. Laissons-leur un peu de temps. Il y a cependant deux grandes déceptions liées au nouveau conseil des ministres. La première, c'est la nature même de certains mandats donnés par Mme Marois à certains ministres. Compte tenu du mandat minoritaire qu'a obtenu le PQ, était-il vraiment opportun et nécessaire de désigner un ministre responsable de la « gouvernance souverainiste », des mots qui cachent pourtant mal l'intention du nouveau gouvernement de créer des conflits entre Québec et Ottawa pour mousser la cause indépendantiste?  Bernard Drainville est-il le meilleur choix pour s'occuper de la participation citoyenne alors qu'il est l'instigateur de l'idée d'instituer des référendums à initiative populaire, une idée mal réfléchie porteuse de divisions?  La deuxième déception, c'est le doute qui persiste sur l'équipe économique du nouveau gouvernement péquiste. La marche est haute et le mandat de taille pour M. Marceau, qui chapeautera les finances et l'économie.  Il ne pourra pas compter sur des hommes et des femmes qui ont beaucoup d'expérience économique pour l'épauler.  Le plus grand défi auquel le Québec fait face est sans équivoque : il consiste à diminuer l'endettement de l'État québécois et à créer de la richesse en des temps économiques très incertains.  Hier, Mme Marois a parlé de prospérité comme l'une de ses priorités; il faudra voir dans les faits comment son équipe y arrivera. Pour l'instant, c'est un gigantesque point d'interrogation.

Jean-Pierre Aubry

Économiste et fellow associé au CIRANO.



OPTIMISME MITIGÉ



Quand un parti prend le pouvoir pour la première fois ou après de nombreuses années passées dans l'opposition, la composition du premier cabinet soulève toujours de nombreuses questions, notamment reliées au manque d'expérience de ses membres.  Ceci est accentué par le très grand optimisme du cadre financier qui englobait les effets des promesses électorales sur les revenus et dépenses du gouvernement. La récréation est finie et il faudra voir comment ce cabinet va réagir à diverses contraintes, dont celle de faire face à des perspectives économiques moins favorables que celles utilisées durant la campagne électorale et dont celle de diriger un gouvernement minoritaire. Un des bons côtés d'avoir un nouvel ensemble de dirigeants politiques est celui d'arriver avec un regard nouveau et des solutions nouvelles, parfois même audacieuses. De plus, on oublie trop souvent la qualité de l'administration publique qui va supporter les membres de ce cabinet.  Il y a selon moi trois facteurs qui risquent de réduire l'efficacité de ce cabinet : la qualité des relations avec le gouvernement fédéral, le désir de dépenser et de baisser certaines taxes/impôts/frais avant d'avoir en poche les revenus (alternatifs) pour le faire, et le désir de remettre à plus tard des dépenses nécessaires à la production de services déjà offerts pour dépenser pour de nouveaux services. Dans ces trois domaines, c'est mal parti. La composition du cabinet aura relativement peu d'influence sur ces facteurs.  Ce qui fera la différence, c'est le leadership de Mme Marois.  On verra.  Il y a une énorme différence entre être un bon ministre et être un bon premier ministre.

Jean-Pierre Aubry

Jana Havrankova

Médecin endocrinologue.



ATTENTES ÉLEVÉES



Plusieurs des nouveaux ministres ne possèdent aucune expérience politique, ce qui les obligera à apprendre rapidement. Toutefois, un regard neuf peut constituer un atout pour sortir de l'ornière et oser. Rarement les attentes de la population ont été aussi élevées envers un nouveau gouvernement. Si je me fie aux priorités annoncées par le Dr Réjean Hébert, le ministre de la Santé, je vois un réel potentiel pour améliorer notre système de santé. Un médecin de famille pour tous, des soins à domicile, la prévention des maladies par de saines habitudes de vie s'avèrent bénéfiques pour la population tout en permettant d'épargner les deniers publics et individuels. L'informatisation du réseau et un ménage dans les médicaments devraient aussi accéder au rang des priorités. Maintenant, comment ces excellents projets se concrétiseront-ils? Les machines ministérielles en santé - et ailleurs - sont-elles prêtes pour des changements appréciables? Par ailleurs, je suis surprise et déçue que Véronique Hivon n'ait pas été nommée à la Justice. Pourtant, elle agissait comme porte-parole de l'opposition en Justice. Son travail à la Commission sur le droit de mourir dans la dignité et sa critique de la Loi 12 étaient remarquable. Quoi qu'il en soit, souhaitons courage et détermination au nouveau gouvernement!

Jana Havrankova

Pierre-Olivier Pineau

Professeur agrégé à HEC Montréal.



UNE COOPÉRATION PRIMORDIALE



Le cabinet Marois n'est pas surprenant dans la mesure où la première ministre devait composer avec les personnes élues. En environnement, ressources naturelles et transport, les trois ministres sont des personnes passionnées qui connaissent bien les enjeux. Nul autre, dans les élus péquistes, ne réunissait la combinaison de loyauté, connaissances et engagement de ces trois ministres (respectivement Daniel Breton, Martine Ouellette et Sylvain Gaudreault). Dans les cas de Daniel Breton et Martine Ouellette, leur implication passée dans les secteurs de l'environnement et des ressources naturelles ne sera pas forcément un atout - peu d'acteurs de ces secteurs ont une opinion neutre sur ces personnes. Leur capacité à mobiliser la société québécoise autour de réformes nécessaires n'est donc pas acquise. Pourtant, s'il existe un engagement du PQ défi sous-estimé, c'est celui de la réduction des gaz à effet de serre, qui a le potentiel de transformer la société québécoise : -25% d'émissions en 8 ans. La coopération des ministres de l'Environnement, des Ressources naturelles et du Transport (premier secteur d'émissions) est primordiale. Mais il faudra beaucoup plus que la collaboration des trois ministères. Toute la société québécoise devra collaborer - une chose difficile lorsque les principaux porteurs de dossier ont un historique de prises de position pugnaces.


Karel Mayrand

Directeur général pour le Québec de la Fondation David Suzuki.



LE GOUVERNEMENT LE PLUS VERT DE L'HISTOIRE?



«Les verts sont au pouvoir». C'est en ces termes que le nouveau ministre de l'Énvironnement, Daniel Breton, a commenté la formation du nouveau cabinet Marois. Avec la nomination de M. Breton à l'Environnement et de Martine Ouellet aux Ressources naturelles, il est vrai que deux des leaders les plus articulés du milieu écologiste se retrouvent aux postes les plus stratégiques pour l'environnement. Et il y a lieu de s'en réjouir. Jamais un gouvernement du Québec n'aura eu une présence écologiste si forte. Mais si les personnes nommées ont surtout retenu l'attention, c'est la liste des chantiers mis de l'avant par la première ministre au moment de leur déléguer leurs responsabilités qui impressionne le plus : déclassement de Gentilly 2, fin de l'exploitation de l'amiante, élaboration d'une nouvelle stratégie énergétique, réduction de la consommation de pétrole, réduction des émissions de gaz à effet de serre, refonte du régime minier et du Plan Nord, approche de prudence sur le gaz et le pétrole, la liste est longue et ambitieuse. Ce gouvernement sera-t-il le plus vert de l'histoire ? Souhaitons qu'il ait le temps de faire sa marque.

PHOTO FOURNIE PAR KAREL MAYRAND

Karel Mayrand.

Nestor Turcotte

Retraité de l'enseignement collégial.



CASSE-TÊTE INCOMPLET



Visiblement, ce conseil des ministres prend l'allure d'un casse-tête inachevé. Qui plus est, certains morceaux ne sont pas à leur place. Certaines parties du casse-tête occupent l'endroit qui leur convenait. La Santé et les Finances sont de ceux-là. Qui aurait pu prendre la Santé et les Finances du Québec sans MM. Hébert et Marceau? Je n'en vois aucun ! Pour le reste, il y a des déplacements et des nominations qui inquiètent. Les aînés (de plus en plus nombreux) perdent leur ministère. Disparition incompréhensible pour eux. La perte du ministère du Développement économique me désole, en un temps où l'économie mondiale chancelle, où les perspectives ne sont pas roses. L'arrivée de certains radicaux verts n'est pas là pour promouvoir le développement économique. Bien des projets risquent d'être bloqués ou tout simplement disparaître. La remise en place du leader parlementaire Bédard ne fera qu'attiser à nouveau l'acrimonie et les chicanes. Il n'est pas à sa place. Mme Malavoy, issue du secteur de l'éducation, me ravit. C'est une femme de tête. Jean-François Lisée a été mis hors circuit comme ministre des Relations internationales. Il aura moins de temps pour préparer la succession à son chef. Le grand perdant de ce conseil des ministres est Bernard Drainville. Assis sur le coin de sa chaise, il n'avait pas l'air d'apprécier particulièrement sa nomination aux réformes démocratiques. Ce cabinet ne passera pas à l'histoire. Le PQ se targuait d'avoir une équipe comparable à celle de Lévesque, en 1976. Je ne vois rien qui la dépasse ou qui l'égale. C'est un cabinet très faible. Enfin, on ne pouvait faire mieux avec les disponibilités du moment. La prochaine fois?

Nestor Turcotte

François Bonnardel

Député caquiste de Granby.



UNE ÉQUIPE ÉCONOMIQUE FAIBLE  



Le développement économique est certes un sujet prioritaire pour les Québécois. Et ma formation politique est prête à collaborer avec les nouveaux ministres péquistes sur ce terrain. Cependant, le dévoilement de la composition du conseil des ministres a malheureusement confirmé la crainte de plusieurs observateurs de la scène politique : le talon d'Achille de ce gouvernement est incontestablement la faiblesse de son équipe économique. Pauline Marois, qui n'a même pas prononcé les mots «Plan Nord» dans son discours d'hier, a décidé de confier l'avenir de l'exploitation des ressources naturelles du Québec à Martine Ouellet et Daniel Breton qui, il n'y a pas si longtemps, parlaient des minières avec un mépris total. À l'heure où le Québec a besoin d'exploiter ses ressources, ces nouveaux ministres activistes risquent de gérer le Québec à grands coups de moratoires. Nicolas Marceau commencera donc son mandat de ministre des Finances avec les mains attachées par le tandem Breton - Ouellet. Ces deux anciens activistes écologistes, si on se fie à leurs déclarations récentes, nuiront grandement à la création de richesse au Québec. Ce faisant, les entrées de revenus diminueront, tandis que les dépenses, elles, continueront d'augmenter. En effet, le gouvernement Marois n'a pas de plan pour financer l'annulation de la hausse des droits de scolarité, le remboursement de la dette et le trou de 800 millions laissé par les libéraux.

Archives La Presse

François Bonnardel

Jean Bottari

Préposé aux bénéficiaires.



PAS LE CHOIX



Mme Marois n'avait d'autre choix que de former un cabinet réduit. Elle qui reproche au gouvernement Charest ses nombreuses incartades économiques depuis des années doit donner l'exemple, et c'est ce qu'elle a fait. Avec seulement 54 élus et par la force des choses à la tête d'un gouvernement minoritaire, les nominations effectuées par Pauline Marois me semblent appropriées à première vue. Un seul bémol cependant, je me demande ce que voulait dire Nicolas Marceau lorsqu'il vantait les mérites du PQ en matière économique qui selon ses dires a tout fait afin de respecter les budgets. J'espère qu'il ne pensait pas à la période ou le PQ, obsédé par le déficit zéro, a précipité à la retraite des milliers d'employés des réseaux de l'éducation et de la santé. Il ne faut pas répéter cette grossière erreur pour laquelle nous payons toujours le prix aujourd'hui. Si jamais le PQ a assez de courage, il devrait plutôt diminuer le nombre effarent de postes-cadres et de postes d'encadrement au sein de nos institutions publiques. Il pourrait ainsi économiser des dizaines voir des centaines de millions de dollars qu'il pourrait réinvestir en services directs à la population. Il aurait probablement les coudées franches pour ce faire car la CAQ appuierait sans doute une telle initiative.

Guy Breton

Recteur de l'Université de Montréal.



UNE IMPORTANCE ACCRUE À L'ÉDUCATION ET À LA SCIENCE



En créant un ministère dédié à l'Enseignement supérieur, à la Recherche, à la Science et la technologie, la première ministre, Mme Marois, indique clairement son intention de faire de l'éducation et de la recherche l'un des moteurs du développement du Québec. C'est une bonne nouvelle et j'ai eu déjà l'occasion d'offrir mon entière collaboration au nouveau ministre Pierre Duchesne. Le sommet qu'il a le mandat d'organiser sera l'occasion de débattre des enjeux fondamentaux de l'enseignement supérieur. J'ai confiance dans la capacité de M. Duchesne de créer les conditions nécessaires à un débat constructif et surtout, à travailler au développement de tout le réseau d'enseignement postsecondaire. D'autre part, Mme Marois a confié les responsabilités des Relations internationales et des dossiers de la métropole au même ministre, Jean-François Lisée. Sa connaissance des enjeux internationaux et montréalais constitueront un atout dans cette double mission. Notre métropole est le moteur du rayonnement international du Québec et nous aurons en M. Lisée, un ambassadeur compétent et dynamique.

Photo Olivier Pontbriand, La Presse

Guy Breton, recteur de l'Université de Montréal.