Quel legs laisse Jean Charest comme premier ministre du Québec? Quelles ont été ses plus grandes réalisations durant ses neuf années au pouvoir? LES COMMENTAIRES DOIVENT ÊTRE SIGNÉS.

Jean Gouin

Directeur général de la Fédération des médecins résidents du Québec.



UN VISIONNAIRE DE PREMIÈRE CLASSE



La politique est un métier très ingrat et les politiciens le savent. Être premier ministre du Québec n'est pas de tout repos non plus. La personne qui accepte la charge aux noms de ses concitoyens doit se revêtir d'une chape de plomb pour faire face aux nombreuses critiques qui lui sont adressées sur une base quotidienne, tout en demeurant sensible et ouvert aux préoccupations de la population. M. Charest était fait pour ce métier. Vingt-huit ans comme politicien dont près de dix comme premier ministre du Québec est tout à l'honneur de Jean Charest. Faire progresser le Québec fut son leitmotiv. Quoiqu'on en dise, les legs de Jean Charest sont nombreux et ce, même s'ils n'ont pas tous été réalisés. Qu'il nous suffise de penser au Plan Nord. M. Charest a voulu avec ce dossier insuffler aux Québécois une dose d'optimisme  et placer le Québec en position de force sur la scène internationale et ça, c'est énorme. M. Charest fut le principal commis voyageur du Québec à travers le monde, à la recherche de nouveaux marchés communs et encore, sur ce plan, on peut dire qu'il a réussi. Économiquement, il a su nous placer un peu en retrait de la crise financière mondiale où, encore une fois, il a été un visionnaire de première classe. Bien qu'il ait éprouvé certaines difficultés avec la crise étudiante, on peut lui lever notre chapeau pour avoir maintenu une paix sociale relative, tant au Québec qu'avec le reste du Canada. M. Charest ne sera plus mon souffre-douleur, mais je m'incline devant sa force de caractère et ses réalisations.

Jean Gouin

Adrien Pouliot

Président et chef de direction de Draco Capital.

DES RÉSULTATS MITIGÉS

Pourtant si importante pour M. Charest, la performance économique de la province sous son règne n'a pas fait mieux que de se classer en milieu du peloton des provinces canadiennes.  Pendant les sept années mesurées par l'Institut Fraser (de 2003 à 2010), la croissance de l'appareil étatique québécois s'est poursuivie au-delà de la croissance de l'économie, la province a continué de taxer ses citoyens particuliers et corporatifs plus que presque partout ailleurs au pays, les déficits se sont poursuivis, le ratio dette/PIB ne s'est pas amélioré, le montant de la dette du secteur public a explosé et les Québécois se sont moins enrichis que leurs concitoyens canadiens.  Le Québec a bien traversé la récente crise, mais ça ne suffit pas à faire oublier le courageux Jean Charest de 2003 qui avait promis un sevrage de l'aristocratie syndicalo-bureaucratique s'abreuvant aux mamelles du gouvernemaman.  Chaque réforme qui n'a pas rencontré le consensus social scénarisé par les groupes d'intérêts fut rapidement diluée (incluant la hausse des droits de scolarité).  J'aime bien ses qualités d'homme et d'homme d'État et ses nobles intentions.  J'admire le fin renard politique et je crois en son amour pour le Québec au sein du Canada.  Mais force est de constater que pendant son règne, M. Charest n'aura pas, les deux mains sur le volant, changé le cap du tranquille déclin du Québec entrepris bien avant lui.

Adrien Pouliot

Mélanie Dugré

Avocate.

UN GRAND STRATÈGE

La politique étant un sport dangereux où tous les coups sont permis, dont certains laissent de douloureuses cicatrices, les citoyens qui acceptent de sauter dans l'arène méritent un minimum de respect et de reconnaissance. Les talents d'orateur, de rassembleur et de stratège de Jean Charest doivent  être reconnues et saluées. Son bilan est loin d'être honteux et le Québec lui doit une fière chandelle pour avoir pris les mesures nécessaires afin que la province ne sombre pas dans les bas-fonds de la dernière crise financière mondiale. Les rénovations faites dans plusieurs hôpitaux et les améliorations apportées au réseau des CPE valent également mention. Quant au Plan Nord, porteur d'espoir pour le futur, souhaitons qu'il survive au départ de Jean Charest. Il est donc coutume de flatter le capitaine qui quitte le navire. Il y a certes matière à félicitations, mais je persiste à croire qu'il y a aussi, derrière la décision de Jean Charest, un incroyable sens du « timing » et de la stratégie puisqu'au cours des prochains mois, tous les yeux seront tournés vers la commission Charbonneau qui sera l'hôte de percutantes et saisissantes révélations. Des révélations que Jean Charest préférera certainement entendre dans le salon de sa maison que dans le salon bleu de l'Assemblée nationale.

Mélanie Dugré

Pierre Simard

Professeur à l'ENAP à Québec.

UN ARTISTE DE LA POLITIQUE



Jean Charest est un artiste. Parmi les plus doués de sa génération. Il a maîtrisé l'art de la politique mieux que quiconque. Pendant 28 ans, il a appliqué à la lettre la recette édictée au XVIIIe siècle par Jonathan Swift : faire croire aux citoyens des faussetés politiquement correctes, ne pas leur en faire avaler trop à la fois, soustraire ces mensonges à toute vérification possible et éviter d'outrepasser les bornes du vraisemblable. Il est ainsi devenu à la fois une figure politique des plus admirées et des plus détestées. Un brillant politicien qui aura malheureusement contribué à renforcer le désaveu et le cynisme des citoyens envers la classe politique. Sa plus grande réalisation? Avoir réussi à mettre en veilleuse les velléités souverainistes du Québec. Celui qu'on surnommait à une époque Monsieur Canada aura aussi été un excellent ambassadeur du Québec sur la scène internationale. Sur le plan économique, la réingénierie de l'État promise n'aura finalement été que ça : une promesse électorale. Sous sa gouverne, le Québec aura peut-être été épargné des soubresauts de la dernière crise, mais il laisse la province dans une situation financière précaire. Cela dit, M. Charest est encore jeune et... les grands artistes ne meurent jamais.

Pierre Simard

Jean Bottari

Préposé aux bénéficiaires.

TROP DE PROMESSES NON TENUES

Tant qu'à moi, Jean Charest n'aurait jamais du être premier ministre du Québec. Je me souviens de son programme électoral de 2003 où il était écrit noir sur blanc qu'un gouvernement du PLQ allait travailler en partenariat avec les employés de la fonction publique, dont je suis. M. Charest disait aussi qu'au lendemain de l'élection d'un gouvernement du PLQ, les nombreux problèmes du réseau de la santé seraient réglés. À l'époque, ces deux affirmations m'avaient totalement séduit. À un point tel que je suis devenu membre de son parti et que j'ai voté pour son candidat. Quelques mois plus tard, Jean Charest et Philippe Couillard modifiaient considérablement le fonctionnement du réseau de la santé, sans jamais daigner nous consulter. Une autre belle promesse électorale non tenue est l'abolition des régies régionales de la santé. M. Charest n'a aboli que le nom. Les structures sont demeurées en place et ont continué de grossir. Le code du travail fut aussi modifié afin de donner aux directions d'établissements de santé le pouvoir de privatiser nos emplois. Mont Orford, le Suroit, la commission Bouchard-Taylor, voilà autant de gaffes commises par le gouvernement Charest. N'oublions pas non plus toutes les allégations visant le PLQ et certains ministres, ainsi que la commission Charbonneau qui a été instaurée après deux ans de pression populaire, médiatique et les demandes répétées des partis d'opposition.