Comment interprétez-vous les résultats des élections de lundi? Quelle marge de manoeuvre aura la première ministre Marois pour gouverner? LES COMMENTAIRES DOIVENT ÊTRE SIGNÉS.

Louis Bernard

Consultant et ancien haut fonctionnaire au gouvernement du Québec.



DES COMPROMIS DIFFICILES



Dans un Québec indécis et politiquement divisé, un gouvernement minoritaire est peut-être celui qui peut le mieux répondre aux exigences du moment. Malheureusement, nous n'avons pas l'habitude de ce genre de gouvernement et nous n'avons pas développé les manières de faire et de penser qui rendent un tel gouvernement efficace. L'esprit de confrontation qui résulte du bipartisme doit, en effet, y céder la place à un esprit de compromis et de collaboration qui ne nous est pas familier. Les médias aiment les affrontements, et toute concession à l'opposition est rapidement vue comme une faiblesse du gouvernement. Peut-on croire que la Tribune parlementaire va changer sa manière de voir ? Et les partis d'opposition sauront-ils appuyer le gouvernement dans les décisions difficiles, et souvent impopulaires, qu'il aura à prendre  en vue du bien public ? Ou il y aura-t-il obstruction systématique, comme on l'a vu aux États-Unis ? Sa victoire est trop courte pour que le gouvernement veuille gouverner, à la Harper, comme s'il était majoritaire. Il recherchera le dialogue et les consensus. Les compromis seront requis. Mais, dans notre système parlementaire, ils seront difficiles.


Pierre Simard

Professeur à l'ENAP à Québec.



L'AVANTAGE DE LA GLACE



Mme Marois a gagné ses élections, mais elle a concédé l'avantage de la glace à ses adversaires. Hier soir, outre le triste événement du Métropolis, nos grands leaders politiques rayonnaient et n'avaient que de bons mots pour leurs adversaires. Ils avaient tous une bonne raison de se réjouir : le PQ se targuait d'avoir repris le pouvoir, le PLQ d'avoir admirablement survécu au tsunami prédit par les sondeurs d'opinion et la CAQ, d'avoir récolté 27% des suffrages de l'électorat. Cette belle harmonie entre chefs ne devrait durer que le temps de se refaire une santé financière. Une fois ce temps d'arrêt écoulé, la joute politique reprendra et la marge de manoeuvre de Mme Marois sera alors très mince. Simplement parce que lors du prochain match, ce n'est pas Mme Marois qui contrôlera l'agenda électoral. L'opposition pourra la faire tomber à tout moment par un simple vote de censure. On a beau s'imaginer qu'il lui suffira de faire des compromis pour se maintenir au pouvoir, il n'en est rien.  La réalité, c'est qu'un gouvernement minoritaire dure aussi longtemps que les partis d'opposition le décident : le temps que se présente à eux une fenêtre d'opportunité favorable à une reprise du pouvoir. En politique, tout n'est qu'une question d'opportunité.

Pierre Simard

Guy Ferland

Professeur de philosophie au collège Lionel-Groulx de Sainte-Thérèse.



DÉFAITE MORALE



La courte victoire par un point de pourcentage du PQ sur le PLQ représente une défaite morale. Même si l'événement d'une première ministre élue est historique, Mme Marois n'aura aucune marge de manoeuvre pour faire avancer les éléments importants de sa plateforme électorale. Le PQ a les poings et les pieds liés et l'appui de QS n'apportera rien à l'Assemblée nationale. Déjà, on peut prévoir un premier affrontement sur l'abolition de la hausse des droits de scolarité. Comment procéder maintenant, alors que le PLQ et la CAQ pourraient s'opposer à toute tentative d'annuler l'augmentation prévue et d'abroger la loi 12? MM. Charest et Legault ont déjà mentionné que les orientations fondamentales de leur parti étaient à l'opposé de celles du PQ. Manifestement, il y aura d'autres élections bientôt, malgré les mains tendues des chefs de l'opposition. Le PLQ attendra peut-être d'élire un nouveau chef et de se réorganiser avant de faire tomber le gouvernement. C'est la seule possibilité d'une prochaine année sans déclenchement de nouvelles élections. Le débat n'est pas clos entre la gauche et la droite au Québec. Le taux de participation à près de 75% représente le seul point positif de cette élection.

Jana Havrankova

Médecin endocrinologue.



POUR LE BIEN COMMUN



Que Mme Marois soit élue comme première ministre témoigne de sa ténacité et de la maturité de l'électorat, qui n'a pas dénié cette fonction à une femme. Toutefois, la population n'a pas donné à Pauline Marois un chèque en blanc, loin de là. Le PQ, élu par 32 % des électeurs, ne pourra pas mettre en oeuvre les projets les plus radicaux de son programme. En particulier, la promotion de la souveraineté s'avérera difficile devant la double opposition formée du PLQ fédéraliste et de la CAQ, qui refuse parler de l'indépendance. Ces deux partis occuperont 69 sièges sur 125 et représenteront 58% des électeurs. Même en s'alliant avec Québec solidaire, les forces souverainistes demeureront minoritaires. Dans ce contexte, la nouvelle première ministre devra convaincre tout d'abord la population que son parti est capable de gouverner efficacement dans l'intérêt du bien commun. Et il y a tant à faire! Seulement en santé, il existe plusieurs sujets consensuels : alléger les structures, bâtir une première ligne solide, promouvoir une meilleure gestion des médicaments, instaurer des programmes de prévention de l'obésité. La population exigera des résultats concrets et une coopération entre les partis. Assez de chicanes, svp ! Et oubliez des élections hâtives!

Jana Havrankova

Adrien Pouliot

Président et chef de direction de Draco Capital.



LE VRAI PROGRESSISME



Le thème de la stabilité et de la loi et l'ordre, martelés tout au long de la campagne par le fin renard libéral, a convaincu les indécis et les discrets.  Mais en constatant les résultats du scrutin dans la circonscription de M. Charest et dans celles des gros canons du PLQ, on peut se demander si la population ne voulait pas un changement de premier ministre plutôt qu'un changement de parti au pouvoir.  L'autre constat à tirer à chaud, c'est que sans la division occasionnée par le vote caquiste, le PQ n'aurait pas pu se faufiler à former un gouvernement avec seulement 33% des votes populaires.  Les forces du vrai progressisme, celles qui veulent réformer notre État nounou à l'encontre de l'immobilisme de l'aristocratie syndicalo-bureaucratique québécoise accrochée aux mamelles du gouvernemaman, doivent, dans un système uninominal à un tour, s'unir autour d'un seul chef et d'un seul parti pour défaire le PQ et les autres apôtres du modèle québécois passé date.  Seul un chef dont le discours est fondé sur des valeurs de libertés et de responsabilités individuels orientées par une solide boussole idéologique qui ne pointe pas dans toutes les directions pour racoler le plus d'électeurs possibles pourra unir la classe moyenne autour d'un nouveau projet de société pour le Québec.

Adrien Pouliot

Denis Boucher

Associé au sein d'un cabinet de relations publiques.



ENTRE L'ARBRE ET L'ÉCORCE



À la lumière des résultats, la première conclusion qui saute aux yeux est que ni Mme Marois ni M. Legault ont été en mesure de tirer profit des différentes allégations et enjeux entourant le Parti libéral. Jamais un chef de parti souhaitant se faire élire aurait-il pu espérer un terreau aussi fertile. Or, il est maintenant clair que plus des deux tiers des Québécois n'adhèrent pas au programme péquiste. Ces Québécois ont ainsi exprimé leur désaccord envers les hausses d'impôts, le gel des droits de scolarité et le sempiternel débat au sujet de l'indépendance du Québec. Mme Marois risque fort de se retrouver prise entre l'arbre et l'écorce, talonnée par ses militants pour mettre la barre à gauche et suivie à la trace par la majorité des Québécois qui ne souscrivent pas à la doctrine péquiste. Cela, Mme Marois le sait très bien. Si elle tente de pousser trop fort, trop vite, elle risque de précipiter le Québec en élections sans pouvoir compter sur les quelques points de pourcentage d'appui qu'elle était allée chercher sur la base de la grogne sévissant à l'endroit du Parti libéral. Avec quatre sièges la séparant des libéraux, c'est un luxe qu'elle ne peut se permettre.

Denis Boucher

Mélanie Dugré

Avocate.



PAS DE CHÈQUE EN BLANC



Deux taches assombrissent les célébrations de Pauline Marois. D'abord, cet attentat qui a coûté la vie à un homme et en a blessé un autre. Ensuite, la timidité et la réserve avec lesquelles les citoyens lui ont confié le mandat de diriger la province. Les Québécois n'étaient visiblement pas disposés à signer un chèque en blanc au Parti québécois, ce qui pourrait écourter le règne de notre première ministre. La façon dont le Parti libéral a tiré son épingle du jeu aura par ailleurs été la surprise de la soirée. De deux choses l'une : les partisans du PLQ ont caché leurs intentions aux sondeurs ou par la campagne sans tache qu'il a menée, Jean Charest a su convaincre les électeurs qu'il demeurait l'homme de la situation. Il ne saurait toutefois se gonfler de la fierté du paon puisque sa propre défaite dans son comté est un message clair du ras-le-bol de la population de Sherbrooke. Le navire de la première ministre risque d'être happé par de fortes vagues au cours des prochains mois. Nos élus auront tout avantage à s'unir pour faire avancer le Québec car la division et la contestation nous feront reculer et nous mèneront tout droit vers de nouvelles élections.

Mélanie Dugré

Jean Gouin

Directeur général de la Fédération des médecins résidents du Québec.



GOUVERNER PAR COMPROMIS



Les Québécois ont fait mentir les sondages et donné raison une fois de plus à Jean Charest, qui n'a eu de cesse de répéter qu'il ne fallait aucunement se fier à ceux-ci. On s'attendait à un gouvernement minoritaire et davantage péquiste que caquiste. La surprise nous est venue des libéraux et il s'en est fallu de peu pour qu'ils ne forment LE gouvernement minoritaire. Le Parti libéral doit le résultat de cette élection à Jean Charest qui a démontré que rien n'est jamais terminé, tant que la fin de la récréation n'a pas été sonnée. Lors de cette élection, M. Charest a pensé à son parti d'abord. Il a agi comme un chef d'État et la dignité de son discours à la fin de la soirée était sans pareille. Avec un tel résultat au final, les marges de manoeuvre des uns et des autres sont bien minces. Mme Marois prendra rapidement conscience de ses repères et devra composer avec une opposition beaucoup plus forte que son parti. Dans un certain sens, c'est bien, car, sur le plan économique, on n'a pas hésité à promettre mer et monde pour s'attirer les faveurs de l'électorat. Le gouvernement devra se concentrer à équilibrer le budget et à trouver des stratégies pour diminuer la dette à long terme. Le compromis sera le maître-mot de ce gouvernement, ce qui devrait nous procurer une certaine stabilité... Et si d'aventure, libéraux et caquistes décidaient de former un gouvernement!

Jean Gouin

Nestor Turcotte

Retraité de l'enseignement collégial.



UN GOUVERNEMENT EN SURSIS



Le Québec vient d'élire un gouvernement minoritaire. Fortement minoritaire. C'est sans doute l'amère défaite de ce nouveau gouvernement. Il n'a pas l'appui populaire. 70 % des électeurs n'ont pas préféré le PQ aux autres partis. Tout le monde savait que le gouvernement sortant était en difficulté. Les sondages prédisaient une déconfiture sans pareille, une descente historique. Cela ne s'est pas produit. A qui la faute? Sans doute à l'incapacité de l'opposition de capitaliser sur les déboires et l'usure du pouvoir, mais, surtout, à cause du «flou artistique» présenté par une équipe qui semblait désorientée, tirant dans toutes les directions. L'opposition, qui a mis à l'écart sa propre raison d'être à des fins électoralistes, a fait fuir les indépendantistes, mécontentés les insatisfaits. Le nouveau gouvernement n'a vraiment pas les coudées franches : adieu la nouvelle loi 101, adieu la charte de la laïcité, adieu le gel des droits de scolarité, adieu l'abolition de la taxe santé. Adieu surtout, à la gouvernance souverainiste. Si tant est que cette expression avait un sens bien précis dans notre régime politique actuel. La composition d'un conseil des ministres sera un véritable casse-tête. Le gouvernement passera sans doute l'hiver. Mais, quand viendra le temps de présenter le prochain budget (mars 2013 sans doute!|) dans lequel, forcément il y aura une hausse des impôts et des taxes, il sera battu à plate couture. Le Québec sera à nouveau plongé dans une autre campagne électorale. Les libéraux, n'ayant pas perdu de temps pour mettre à leur tête un nouveau chef, ces derniers peuvent espérer reprendre le pouvoir.

Nestor Turcotte

Daniel Gill

Professeur agrégé à l'Institut d'urbanisme de l'Université de Montréal.



VICTOIRE FRAGILE



Avec une certaine surprise, nous devons admettre que les élections d'hier ont fait que des gagnants.  Québec solidaire a réussi à faire élire Mme David et doubler le nombre de représentants QS à l'Assemblée nationale. La CAQ, que de nombreux analystes considèrent comme le grand perdant de cette élection, a fini la soirée uniquement avec 200 000 votes de moins que les deux grands partis politiques. Compte tenu de leurs faibles moyens financiers et du fait que ce parti n'existait pas il y a moins d'un an, détenir la balance du pouvoir constitue sans nul doute une belle victoire. De ce fait, M. Legault détient un certain contrôle sur l'agenda politique des prochains mois. Quant aux libéraux, la défaite tant attendue se résume par une victoire morale.  Ce parti dont on voyait la disparition a obtenu à peine 30 000 votes de moins que le PQ. Il aurait tout simplement fallu que M. Charest garde sa circonscription et les deux autres perdues à Laval, pour que ce parti conserve le pouvoir. La réalité, c'est que la vraie victoire leur a échappé de peu. Enfin, même si Mme Marois a mené ses troupes à la victoire, il n'en demeure pas moins que celle-ci demeure fragile. Avec moins d'un électeur sur trois, l'appui populaire est plutôt faible.  Dans un gouvernement minoritaire, au sein d'un parti assassin de ses chefs, Mme Marois aura très peu de marge de manoeuvre, et ce d'autant plus que la population a principalement donné son appui aux forces fédéralistes et de centre droite.

Daniel Gill

Jean Bottari

Préposé aux bénéficiaires.



LA SOUVERAINETÉ, PAS POUR L'INSTANT



Il est clair que le timide mandat accordé par le peuple au PQ ne donne pas à Mme Marois le contrôle qu'elle souhaitait. Pourra t-elle donner suite à un référendum populaire favorable à la souveraineté? Encore faudra t-il qu'elle puisse faire adopter une loi instaurant de telles consultations. Son gouvernement devra faire face à une forte opposition de la part des libéraux et sans doutes aussi de la part des caquistes qui, eux aussi, sont aux antipodes de la ligne de pensée et des orientations du PQ. Mme Marois doit composer avec le fait qu'une partie de la population lui a donné sa confiance tout en la mettant sous haute surveillance. Les deux sièges obtenus par QS sont insignifiants en matière d'appuis au PQ. Mme David a beau dire qu'elle appuiera le PQ si QS se retrouve sur la même longueur d'onde que son parti, mais sans l'appui de la CAQ ou de celui improbable des libéraux, Mme Marois ne pourra pas avoir les coudées franches tant souhaitées. Elle ne pourra donc réaliser qu'une infime partie de ses promesses électorales qui rejoignent les orientations de la CAQ. Je ne voudrais pas être à la place de Pauline Marois.

Raymond Gravel

Prêtre dans le diocèse de Joliette et ex-député bloquiste de Repentigny.

DES RÉSULTATS PLUS QUE DÉCEVANTS



J'étais rivé hier soir à ma télé pour assister en direct au dépouillement du vote dans les 125 circonscriptions du Québec. Dès le début de la soirée, on pouvait prévoir que les résultats seraient très serrés, mais pas à ce point. Comment se fait-il que les libéraux aient autant performé avec tous les scandales de corruption et de collusion qui pèsent sur eux? Les lacunes de notre système électoral font en sorte que la Coalition avenir Québec n'a pu obtenir plus de 19 sièges, malgré l'appui de 27% du vote populaire. On voit très bien que la population est divisée en trois parties presque égales. Un gouvernement aussi minoritaire qu'hérite le Parti québécois avec, à sa tête, la première femme qui occupe le poste de premier ministre, doit faire preuve d'un doigté exceptionnel, s'il veut survivre plus d'une année. Je crois sincèrement que c'est possible si chacun des partis travaillent ensemble pour le mieux être de la population du Québec. Par ailleurs, je ne suis pas très optimiste, car les députés de tous les partis confondus visent beaucoup plus le pouvoir que le service de la population qui les a élus. Et pourtant, ce serait l'occasion de faire adopter par l'Assemblée nationale ce qu'il y a de meilleur dans les programmes de chacun des partis. Je serais même d'avis que le conseil des ministres soit formé par des députés de différents partis pour un fonctionnement maximal du gouvernement de Mme Marois. Peut-on l'espérer? Il en va de sa survie!



Raymond Gravel

Pierre-Yves McSween

Comptable professionnel agréé, enseignant au cégep régional de Lanaudière et chargé de cours à HEC Montréal.



UNE INERTIE TOTALE



Malgré l'insatisfaction générale envers le gouvernement Charest, 50 comtés ont été attribués aux libéraux. Nous pouvons en tirer l'observation suivante : les libéraux purs et durs sont une base solide de 30 %, même en situation d'opposition. Dans les trois principaux chefs, je donnerais un point à M. Charest, il est le seul qui a l'air d'un homme d'État lorsqu'il s'adresse à la population. Il est le seul qui le charisme nécessaire, l'humour et le bilinguisme nécessaire à la fonction de premier ministre du Québec. L'humour n'est pas un atout nécessaire, mais c'est sa carte maîtresse. Il est un tribun formidable et ça lui a bien servi. C'est à croire qu'il a neuf vies. Alors qu'on ne donnait pas cher de la performance du PLQ, il se retrouve dans l'opposition officielle à quatre sièges du pouvoir (si l'on exclut toute alliance tacite entre QS et le PQ). Par contre, nous nous retrouvons dans une situation de gouvernement avec les mains liées. Pauline Marois ne sera pas en mesure d'augmenter les impôts de la tranche supérieure ou d'éliminer la hausse des frais de scolarité sans l'appui de la CAQ ou du PLQ. Et si le PLQ était dirigé par Nathalie Normandeau ou Philippe Couillard aux prochaines élections? D'ici là, nous serons en présence d'un gouvernement au diapason avec la volonté des Québécois de demeurer dans l'inertie et la division des idées campées.

Daniel Landry

Professeur de sociologie au Collège Laflèche.



LE GOÛT AMER DE LA VICTOIRE



La victoire du Parti québécois à l'élection du 4 septembre représente un exploit de taille. Il s'agit pratiquement d'une résurrection après les traumatismes qu'avaient provoqué les départs du caucus péquiste des Curzi, Lapointe, Beaudoin, Aussant, Charette et Rebello dans les 18 derniers mois. C'est aussi un exploit de taille pour Pauline Marois que plusieurs (dont j'étais) déclaraient politiquement morte au début de 2012. La résiliente Marois devient donc la première femme à exercer le rôle de premier ministre dans l'histoire du Québec. Soulignons son flair, son acharnement et son habileté politique. Les réjouissances péquistes seront cependant de courte durée. Pauline Marois devra diriger un gouvernement minoritaire. Et force est d'admettre que l'opposition libérale-caquiste partage peu d'idées avec le programme péquiste. Ainsi, la courte victoire du PQ goûte amer, car le gouvernement Marois aura les mains liées jusqu'à la prochaine élection. Pourtant, le PQ n'a que lui à blâmer pour ce résultat décevant. De nombreux acteurs de la société civile (Appel au front uni, juin 2012) ont appelé les trois partis souverainistes de gauche à adopter une stratégie commune pour cette élection. Québec solidaire et Option nationale ont répondu à cet appel, d'une part en s'alliant dans les circonscriptions de Nicolet-Bécancour et de Gouin, et d'autre part en tendant la main au PQ pour d'éventuelles alliances. En revanche, le parti de Pauline Marois a pris le pari qu'il pourrait obtenir une majorité sans l'aide de tiers partis. Or, la nouvelle réalité politique du Québec le rattrape. Au lendemain de l'élection, dans son point de presse, la nouvelle première ministre reconnaissait elle-même que sa majorité avait été perdue en raison du multipartisme qui caractérise aujourd'hui la politique québécoise. En effet, à la lumière des résultats, la division du vote aurait fait perdre une vingtaine de circonscriptions au Parti québécois. Mais les tiers partis existent bel et bien. Ils croissent même. Et ils n'ont pas à s'en excuser. D'ailleurs, un autre parti de gauche apparaitra probablement d'ici la prochaine élection (NPD-Québec) et sa présence sera tout aussi légitime. Cependant, dans un tel contexte, les coalitions, les alliances stratégiques et, surtout, une réforme du mode de scrutin, semblent plus que jamais nécessaires. Souhaitons que le Parti québécois comprenne cette réalité et s'y prépare pour la prochaine - et pas si lointaine - élection.