Selon vous, quelle serait la signification de l'élection de la chef du Parti québécois, Pauline Marois, comme première femme au poste de premier ministre du Québec? LES COMMENTAIRES DOIVENT ÊTRE SIGNÉS.

Jana Havrankova

Médecin endocrinologue.



VICTOIRE PAR DÉFAUT



Il serait certainement réjouissant de constater que les Québécois croient à l'égalité des sexes au point d'élire une femme comme première ministre. Mais l'élection de Mme Marois présenterait-elle une affirmation de cette égalité ou plutôt le fait que les Québécois auront choisi le « moins pire » des candidats en lice? Le Québec a besoin d'un premier ministre, homme ou femme, à l'écoute des collègues de son parti, des autres formations politiques et de la population. Une personne, qui ne compte pas constamment combien de votes chaque décision lui apportera, qui se souviendra que les politiciens sont élus pour promouvoir le bien commun et non pas pour être réélus. Quelqu'un capable d'expliquer ses projets à la population en se basant sur les faits. La seule personne des quatre chefs qui me semble posséder ces caractéristiques n'est pas Pauline Marois, mais Françoise David. Non seulement à cause du débat où elle a brillé, mais aussi pour la logique de ses arguments et la maîtrise des dossiers. Évidemment, Québec solidaire n'accédera pas au pouvoir. Si Pauline Marois devient première ministre, c'est qu'elle a réussi à se maintenir à la tête du PQ malgré les tempêtes. Est-ce suffisant pour devenir une première ministre compétente?



Jana Havrankova

Louis Bernard

Consultant et ancien haut fonctionnaire au gouvernement du Québec.



L'ACHÈVEMENT DE LA LUTTE POUR L'ÉGALITÉ



Comme toute première, l'élection de Pauline Marois comme première ministre du Québec aurait d'importantes répercussions. Quoique surtout symbolique dans l'immédiat, cette nomination ne pourrait que consolider et faire progresser la place des femmes dans notre gouverne politique. Une véritable première n'est pas le simple fruit du hasard, mais bien l'achèvement d'un mouvement social en constante progression. N'oublions pas que ce n'est qu'au milieu des années 40 que les femmes ont obtenu le droit de vote au Québec. Que de chemin parcouru depuis! mais l'objectif d'égalité est encore loin d'être atteint: à peine le tiers de nos députés sont des femmes. Une Première ministre serait un «role model» pour toutes les Québécoises et une étape décisive dans l'atteinte de l'égalité souhaitée. Une première n'est pas, en soi, un gage de succès et Mme Marois devra faire ses preuves pour que son exemple serve vraiment de catalyseur. Mais c'est une personne dont la compétence et l'honnêteté n'ont jamais été mises de doute, qui a mérité son poste et qui donne tous les signes d'être à la hauteur des défis qui l'attendent.


Pierre Simard

Professeur à l'ENAP, à Québec.

RIEN D'IMPORTANT!



La présente campagne électorale est encore une fois haute en couleur. Chacun des chefs de parti promet mer et monde aux électeurs; chacun d'eux s'engage à mener les Québécois vers le bonheur éternel par des décisions toujours plus efficaces. C'est ainsi que pour plusieurs électeurs, l'accession de Pauline Marois comme première femme au poste de premier ministre est annonciateur d'un changement profond de la politique québécoise. Tout ça n'est qu'illusion! Homme ou femme, peu importe le chef élu, il y a peu de chance qu'il réalise ses promesses électorales. Comme l'expliquait le sociologue français Jacques Ellul, le pouvoir politique est la plupart du temps impuissant. Les politiciens ont beau être sincères et déterminés, ils ne maîtrisent guère la machine de l'État ni les impératifs économiques qui conditionnent leur prise de décision. Après les réjouissances des vainqueurs, où l'on portera aux nues les vertus de l'exercice démocratique, il faut s'attendre à la traditionnelle déclaration venant briser tous les espoirs : « Nous n'étions pas au courant du piètre état de nos finances publiques ». Je ne voudrais pas faire mon rabat-joie, mais, pour reprendre la formule d'Ellul, rien d'important ne se passera le mardi 4 septembre 2012!

Pierre Simard

Francine Laplante

Femme d'affaires.



PAS EXCEPTIONNEL



Peut-être suis-je trop terre à terre, mais pour moi le fait qu'une femme soit élue première ministre n'est en rien exceptionnel. Ce que je veux voir à la tête de mon gouvernement, c'est la personne la plus compétente, qui démontre le plus de gros bon sens, qui est honnête et audacieuse, et qui respecte le contenu de son programme et de ses engagements. Que cette personne soit une femme ou un homme, qu'elle soit noire ou blanche, homosexuelle ou hétérosexuelle ne change absolument rien à mes attentes. Je trouve dommage que nous ayons encore aujourd'hui à nous prononcer sur une telle question ici au Québec. J'ose espérer que Mme Marois ne recevra pas de votes sous le seul prétexte qu'elle est une femme. Je veux être fière tout court de mon chef d'État, qu'il soit en jupe ou en pantalon!

Jean Bottari

Préposé aux bénéficiaires.



LA COMPÉTENCE L'EMPORTE SUR LE SEXE



La société québécoise en est une de justice et d'équité particulièrement en ce qui concerne l'égalité entre femmes et hommes. L'élection pour la première fois d'une femme au poste de premier ministre serait sans aucun doute une source de grande fierté pour la majorité d'entre nous. La question est de savoir si Pauline Marois est la femme de la situation actuellement. Élire Madame Marois en se basant uniquement sur le fait que l'élection d'une première femme à la tête de l'État serait source de fierté serait en mon humble avis une grave erreur. Lors d'une élection la compétence l'emporte inévitablement sur le sexe de la personne aspirant au poste de premier ministre. Ce que j'ai vu et entendu durant la présente campagne électorale de la part de Mme Marois me laisse totalement indifférent à son égard et jamais malgré mon appui à la cause des femmes, je ne lui donneraid ma confiance en ayant justement comme prétexte cet appui. Pauline Marois mérite malgré tout notre plus grand respect, car elle a été en mesure d'évoluer et surtout de progresser dans ce milieu traditionnellement masculin qu'est la politique.

Adrien Pouliot

Président de Draco Capital Inc., société d'investissement privée.



POURQUOI EN FAIRE UN PLAT ?



La place de la femme dans la société québécoise aujourd'hui n'est plus, depuis bien longtemps, celle qui lui était réservée dans les années 1950, alors pourquoi faire un plat de l'élection d'une femme comme premier ministre?  Comme disent les jeunes, le féminisme est devenu un discours de « loser ».  Oui, le féminisme était nécessaire dans le temps des nos mères et il a promu l'égalité de femmes (malheureusement pas toujours l'égalité de droit devant la loi et plus souvent l'égalité des résultats).  Avec le temps, le féminisme s'est mis à flirter de plus en plus avec le lobby de gauche, probablement pour masquer son manque de pertinence (si on a élu une femme comme premier ministre, n'est-ce pas une preuve que la bataille est gagnée et qu'on peut démobiliser l'armée?).  Un peu comme le syndicalisme, le mouvement féministe est resté accroché dans ses vieilles préoccupations de la génération des baby-boomers et tente, pour sauver sa peau, d'élargir le débat sur des sujets qui n'ont aucun lien avec l'égalité homme-femme, comme le pacifisme, l'environnement et la violence dans les sports. Si Mme Marois gagne la semaine prochaine, ne dénigrons pas son succès en soulignant le fait qu'elle est une femme. Admirons plutôt sa victoire acquise grâce à ses talents, son expérience et sa ténacité.

Adrien Pouliot

Jean Gouin

Directeur général de la Fédération des médecins résidents du Québec.

LA FIN DU CHAUVINISME POLITIQUE

Enfin, le Québec, à l'instar de bien des pays et de certaines provinces canadiennes, pourrait vaincre ses démons et élire, pour la première fois de son histoire, une femme comme première ministre. Il serait temps qu'une femme prenne les rênes de notre gouvernement et puisse conduire les affaires de l'État. Le Québec faisait vieux jeu avec son attitude pour le moins chauvine dans ce domaine. Pourquoi trouvons-nous normal que des femmes soient présidentes d'importantes firmes, de compagnies, d'industries et d'institutions financières d'une part et que, d'autre part, nous ayons été si hésitants à élire une femme à la tête du gouvernement du Québec? Il y a fort à parier que les approches seront différentes pour arriver aux résultats escomptés. On a bien vu des conseils de ministres femmes-hommes à parts égales, peu souvent, reconnaissons-le, mais maintenant nous pourrions nous targuer que nous avons enfin évolué en consacrant une femme première première ministre. Les Québécois ne peuvent ignorer la très vaste expérience de notre dame de béton, comme  elle fut si affectueusement surnommée. Au contraire, Mme Marois saurait nous faire valoir tous ses talents de politicienne aguerrie à la tête d'un gouvernement qui a de grandes chances d'être minoritaire. J'en ressentirai une grande fierté, si cela devait se produire le 4 septembre prochain.

Jean Gouin