Pour espérer ramener tous les étudiants en classe afin de sauver leur session, le gouvernement Charest devrait-il décréter un moratoire sur la hausse des droits de scolarité?               LES COMMENTAIRES DOIVENT ÊTRE SIGNÉS.                

Louis Bernard

Consultant et ancien haut fonctionnaire au gouvernement du Québec

UN COMPROMIS PLUS NÉCESSAIRE QUE JAMAIS

Après trois mois de grève et une tentative infructueuse de règlement, le gouvernement du Québec est confronté à une exigence fondamentale: préserver le bien commun et l'ordre public. Pour y arriver, il n'y a plus présentement qu'une alternative: décréter un moratoire ou en arriver rapidement à un règlement négocié. Car la poursuite de la grève mène inévitablement à l'annulation de la session pour un grand nombre d'étudiants, ce qui aurait des répercussions importantes sur le recrutement universitaire et causerait une congestion catastrophique dans la plupart des cégeps. L'intérêt public exige donc une solution immédiate. Étant donné que le décret d'un moratoire serait vu comme une victoire complète des étudiants et un écrasement de la part du gouvernement, la solution ne peut venir que d'un assouplissement de la position gouvernementale sur les droits de scolarité. Ce qui pourrait être fait sans grandes conséquences financières, compte tenu du coût de la poursuite de la grève. Il y a plusieurs semaines, j'ai proposé, comme compromis, que chaque partie fasse la moitié du chemin et que les droits de scolarité pour 2012 soient réduits de la moitié. Je maintiens cette suggestion et j'invite les parties à la considérer sérieusement.

Louis Bernard

Denis Boucher

Associé au sein d'un cabinet de relations publiques

DÉNI DE DÉMOCRATIE

Je dois mal comprendre quelque chose, c'est à n'en pas douter! J'ai toujours pensé que l'on élisait des gouvernements pour gérer, pour prendre des décisions. Si, après un mandat, on se trouve insatisfait des décisions prises, on peut renverser ce gouvernement. Le gouvernement actuel a pris une décision par rapport aux droits de scolarité. Il a fait preuve d'une certaine souplesse en étalant la hausse sur sept ans au lieu de cinq et en offrant d'autres accommodements. Cette notion de moratoire est injustifiée et indéfendable en ce qu'elle représente un déni de la démocratie la plus élémentaire. Si on décrète un moratoire sur les droits de scolarité, dans la même logique on doit nécessairement faire de même pour les hausses des tarifs d'électricité, des immatriculations, des permis de conduire, alouette! C'est sur l'immobilisme que l'on devrait imposer un moratoire au Québec! Il y a un temps pour les discussions et les négociations, mais il y a aussi un temps pour les décisions. Le cynisme envers la classe politique serait peut-être un moins grand si on lui permettait enfin de gouverner et ainsi pouvoir la juger sur ses réalisations. Si la majorité de la population juge que la hausse des droits de scolarité doit être un enjeu électoral, ce sera à elle de décider. La démocratie est ainsi faite. Ce serait important que plusieurs se le remémorent.

Denis Boucher

Jana Havrankova

Médecin endocrinologue

OUI, ET QUE ÇA PRESSE !

N'en déplaise à ceux qui en appellent à la reprise des négociations entre le gouvernement et les étudiants, les droits de scolarité constituent un enjeu qui dépasse ces deux parties. Il s'agit manifestement d'un débat de société. Ce débat ne peut avoir lieu dans le climat malsain qui sévit actuellement. Le gouvernement devrait déclarer une trêve et en profiter pour décréter des états généraux sur le financement des universités, incluant les droits de scolarité. Qu'est-ce que le financement adéquat? À quoi doit servir ce financement? L'enseignement et la recherche constituent évidemment les raisons d'être des universités. Mais a-t-on besoin des programmes multipliés à l'infini? A-t-on besoin d'investir tant dans des campus extérieurs? Quelle est la pertinence de certains projets immobiliers? Qu'en est-il des bonus juteux aux hauts dirigeants? L'autonomie des universités ne peut être absolue, puisqu'elles sont subventionnées en majeure partie par les deniers publics. Ensuite, comment assurer ce financement? Quel modèle désire-t-on adopter? La gratuité ou presque, assortie des examens d'admission et du contingentement pratiqués dans certains pays européens? Ou le principe d'utilisateur-payeur qui prévaut dans les pays anglo-saxons? Étant donné qu'il faut que quelqu'un finance l'enseignement postsecondaire, la discussion s'élargira. Un véritable débat de société s'impose.

Jana Havrankova

Pierre Simard

Professeur à l'ÉNAP

UN MORATOIRE SUR LES MORATOIRES

Le statu quo est la solution prisée par les opposants à tout projet politique. Il suffit d'annoncer un projet public - construction domiciliaire, gaz de schiste, Plan Nord, etc. - pour qu'on réclame un moratoire. Encore aujourd'hui, nos soi-disant progressistes n'en finissent plus d'écrémer le dictionnaire des synonymes pour dégoter un terme séduisant permettant de remettre à demain une hausse des droits de scolarité. Comme si personne n'avait compris qu'un moratoire, une trêve, un gel ou un armistice rimait avec capitulation gouvernementale. Les droits de scolarité auraient dû être augmentés depuis trop longtemps. La crise que nous traversons aujourd'hui n'est pas uniquement celle des droits de scolarité. C'est aussi la crise d'une gouvernance qui, pendant des décennies, a refusé d'assumer ses responsabilités de gestionnaire des affaires publiques. C'est la crise de politiciens qui, pour des raisons électoralistes, n'ont jamais osé affronter les groupes de pression en quête de privilèges. C'est la crise d'élus qui ont trop souvent plié l'échine devant ceux qui défient la loi et l'ordre et terrorisent les citoyens. Et si, pour une fois, notre gouvernement gouvernait? Plutôt que de céder aux étudiants, il pourrait commencer par décréter un moratoire sur les moratoires et prendre des mesures pour faire respecter la loi. Ce serait déjà ça!

Pierre Simard

Jean-Martin Aussant

Chef de l'Option nationale

COMMISSION PARLEMENTAIRE

Oui et rapidement. Il doit surseoir à la hausse décrétée de droits de scolarité pour l'année 2012, permettant le retour en classe des étudiants. Il devrait ensuite mettre sur pied de façon urgente une commission parlementaire non partisane qui réunira toutes les formations politiques représentées au Parlement, les principales associations étudiantes et tout organisme ou personne qui désirera se faire entendre dans le cadre des travaux de cette commission, afin de tenir ce nécessaire débat de société sur la valeur de l'éducation, l'accessibilité aux études, la gestion des universités et les droits de scolarité au Québec. Si l'intérêt collectif passe avant le calcul politique partisan, on voit mal comment le gouvernement pourrait s'opposer à une telle démarche. L'importance de l'éducation pour le Québec, comme pour tout pays du monde, n'est plus à démontrer. Une société mieux formée et plus instruite mène à une plus grande égalité dans la répartition des richesses, à une population globalement plus en santé et à un développement économique plus responsable. Ce débat est vital pour l'avenir du Québec et il est urgent de le tenir dans le cadre de cette commission, dont les coûts seraient à peu près nuls.

Le chef d'Option nationale, Jean-Martin Aussant

Adrien Pouliot

Président de Draco Capital Inc., société d'investissement privée

NE CÉDONS PAS À L'INTIMIDATION

Cessons d'infantiliser nos étudiants! Traitons-les comme des adultes majeurs et vaccinés qui savent assumer les conséquences de leurs gestes de protestation (qui, en passant, n'ont que pour seul but d'éviter aux familles prolétaires gagnant plus de 100 000$ par année d'encourir la hausse) et laissons-les sauver eux-mêmes leur session. Décréter un moratoire ne ferait que retarder le problème à la session d'automne où la « crise » existentielle recommencera de plus belle.  Rappelons que la « crise » n'en est pas une : la plupart des Québécois ne sont pas affectés (s'ils ne lisaient pas les journaux ou ne regardaient pas les bulletins d'info, ils ne sauraient même pas qu'il y a boycottage) et la majorité des étudiants sont en classe.  Plutôt que de mettre de la pression sur M. Charest pour régler à tout prix, il faut au contraire encourager le gouvernement à ne pas céder au chantage, à l'intimidation et à la violence.  Par ailleurs, M. Charest devrait annoncer que les contribuables ne feront pas les frais des conséquences du boycottage et que les cégeps et universités n'auront pas de budgets additionnels pour donner les cours de rattrapage aux boycotteurs.

Adrien Pouliot

Mélanie Dugré

Avocate

AVANCER VERS L'ARRIÈRE

Un moratoire a ceci d'attrayant pour le gouvernement qu'il permettrait de calmer les esprits échauffés, contribuerait à ramener la paix sociale à Montréal et ferait de la question de la hausse des droits de scolarité un enjeu électoral qui, selon les sondages, favoriserait les libéraux. Mais aussi tape-à-l'oeil qu'elle puisse être, cette option n'en est pas une. Ce qui en apparence nous permettrait d'avancer d'un pas en avant nous en ferait en réalité faire deux en arrière et n'aurait pour conséquence que de remettre à plus tard une discussion, déjà bien entamée, sur un sujet qui, depuis la nuit des temps, a toujours soulevé les passions et provoqué la contestation. Interrompre l'exercice fastidieux et douloureux auquel s'astreignent gouvernement et étudiants pour le reporter aux calendes grecques serait symptomatique d'une abdication certaine et d'une grande lâcheté. Il est plutôt impératif que s'assoient à une même table des intervenants possédant la crédibilité et la légitimité qu'exigent les circonstances afin que les discussions reprennent, que ceux qui ont eu l'impression d'être floués puissent être entendus et que les correctifs nécessaires soient apportés à l'entente. Quant à notre responsabilité collective, elle consiste à refuser de voir le débat stagner et à exiger d'avancer vers l'avant plutôt que vers l'arrière.

Michel Kelly-Gagnon

PDG de l'Institut économique de Montréal, Il s'exprime à titre personnel.

UNE DÉCISION À APPLIQUER

Non. Par contre, un compromis additionnel, en sus de la bonification des prêts et bourses déjà octroyés et de l'étalement sur 7 ans au lieu de 5 ans, pourrait être que la hausse en question n'entre en vigueur qu'à partir de l'année 2014 et qu'elle soit diminuée si de véritables économies sont dégagées dans la gestion des universités. Autrement, décréter un moratoire maintenant reviendrait, dans les faits, à exactement la même chose que de poursuivre le gel des droits de scolarité. Or, cette question a déjà été débattue en long et en large. Un gouvernement élu démocratiquement se doit de prendre des décisions, et de les appliquer. C'est ce que le gouvernement Charest fait dans ce dossier, pour une fois.

Michel Kelly-Gagnon

Jean Bottari

Préposé aux bénéficiaires

LE GROS BON SENS

Le conflit étudiant qui perdure n'aide en rien la cause des étudiants. Le public qui, au début, semblait favorable à leur cause est aujourd'hui déstabilisé par les nombreuses manifestations et surtout par les actes violents commis par les casseurs. Je veux bien croire que les étudiants ne sont pas responsables collectivement du vandalisme commis lors de ces rassemblements. Si tel est le cas, pourquoi ne font-ils pas comme le font les centrales syndicales en instaurant un service d'ordre afin d'arrêter les perturbateurs avant qu'ils n'agissent? Cela dit, je crois que là où nous en sommes rendus, seul un moratoire sur les hausses de droits puisse sauver la donne. C'est une question de gros bon sens. Le gouvernement doit cesser de tenter de capitaliser sur cette crise et agir dans l'intérêt des étudiants et par le fait même pour le bien commun. Une fois instauré, ce moratoire donnerait un temps précieux aux partis afin de discuter des moyens qui pourraient satisfaire à la fois les étudiants et le gouvernement et permettre le retour en classe avant qu'il ne soit trop tard. Si lors de cette pause, les associations étudiantes et le gouvernement de Jean Charest n'en viennent pas à une entente, la nomination d'un médiateur pourrait alors être légitime. Cette personne, après avoir entendu les revendications des deux côtés imposera sa décision qui deviendra applicable et ne pourra être contestée. Si rien n'est tenté, la réputation du Québec en prendra pour son rhume. Réputation qui, avant même cet affrontement, laissait à désirer.

Jean Bottari