Le budget Bachand est-il responsable? Électoral? Quelles sont ses meilleures mesures? Les moins bonnes? Les commentaires doivent être signés.

Jean-Pierre Aubry

Économiste et fellow associé au CIRANO.



UNE GLACE TRÈS MINCE

Ce budget est dans la continuité de celui de l'an dernier, mais avec des perspectives économiques plus faibles. Le retour à l'équilibre budgétaire se fait, tel que prévu, en 2013-2014 en bonne partie grâce à la compensation fédérale pour l'harmonisation de la TVQ à la TPS de 733 millions $ en 2012-2013 et de 1,47 milliard $ en 2013-2014. Il est loin d'être certain que le gouvernement pourra restreindre le taux de croissance de ses dépenses à 2% dans les deux prochains exercices financiers et à près de 3% dans les trois suivantes. Même si le gouvernement a investi et continuera d'investir massivement dans les infrastructures collectives (exclusion faite des actifs d'Hydro-Québec, les actifs non financiers du gouvernement passeront de 47,4 milliards $ en 2011 à 82,0 milliards $ en 2017), le taux de croissance moyen du PIB réel est prévu d'être seulement de 1,9 % sur la période 2012-2016.  La baisse de l'emploi enregistrée depuis l'automne dernier est très inquiétante. Pour 2012, le gouvernement prévoit un niveau d'emploi de près de 1% inférieur au niveau qu'il prévoyait l'an dernier. Le gouvernement s'endette beaucoup et beaucoup plus qu'il ne le prévoyait (voir le dernier rapport du Vérificateur général du Québec). À cet amas de dette (une dette brute de 210 milliards $ en 2017), il faut ajouter un autre 8 milliards $ pour l'écart entre la valeur comptable et  la valeur marchande des régimes de retraite des employées de l'État.  À tout cela, il faudrait même ajouter les déficits actuariels des régimes de pension des municipalités et celui des régimes publics de pension. Sans une meilleure performance économique, il sera impossible de protéger le niveau des services sociaux, surtout avec le vieillissement de la population, et la situation financière du gouvernement sera encore plus fragile advenant un ralentissement de la croissance de l'économie mondiale.

Jean-Pierre Aubry

Denis Boucher

Associé au sein d'un cabinet de relations publiques.



LES CIGALES ET LE FMI*



Les cigales ayant dépensé

Depuis des années

Se trouvèrent fort dépourvues

Quand le budget fut venu :

Plus un seul sou à trouver,

Pas un seul programme à annoncer.

Elles allèrent chez le FMI,

Le priant de leur prêter

Quelques euros, dollars ou autre papier.

Vous serez remboursé, lui dirent-elles,

Quand l'économie sera plus belle.

Le FMI n'est pas prêteur :

C'est là son moindre défaut.

Que faisiez-vous pendant que la croissance était à son plus haut?

Dit-il à ses emprunteurs.

- Nuit et jour à tout venant

Nous dépensions ne vous déplaise.

Vous dépensiez? J'en suis fort aise.

Eh bien! Payez maintenant.

*Texte évidemment inspiré de la fable de Jean de la Fontaine. Les cigales : L'ensemble des pays occidentaux. FMI : Fonds monétaire international.



Ceci étant dit, M. Bachand fait ce qu'il peut avec ce qu'il a. Difficile de donner la lune quand on engouffre plus de 11% de son budget dans le paiement de la dette. Imaginez ce que l'on pourrait faire avec les 8 milliards qui partent en fumée! Heureusement on semble être en route vers l'équilibre fiscal et éventuellement vers un remboursement graduel de cette colossale dette de 183,8 milliards. Le fait de ne pas pelleter nos dettes à nos enfants n'est probablement pas électoraliste, mais c'est certainement responsable. On ne peut demander aux autres de payer pour nos excès.

Denis Boucher

Guy Ferland

Professeur de philosophie au collège Lionel-Groulx de Sainte-Thérèse.



PAS BON POUR LA CLASSE MOYENNE ET LES JEUNES

Le budget Bachand appauvrit considérablement une famille de la classe moyenne avec deux enfants d'âge scolaire postsecondaire. En plus de la hausse des droits de scolarité de 325 $ par enfant dès l'automne prochain, la contribution au système de santé augmente de 100 $ à 200 $ par citoyen, ce qui représente des dépenses de 1050 $ de plus pour cette même famille. Pas de déductions supplémentaires ou de crédits d'impôt pour la classe moyenne. Par ailleurs, il n'y a rien pour les jeunes qui continueront de payer pour les contributions au système de santé et au fonds des générations toute leur vie. Les nouvelles mesures pour les aînés comme celles visant le maintien à domicile et les crédits d'impôt pour le maintien à domicile ne les concernent pas. Le seul élément qui touche les jeunes directement, c'est l'augmentation du financement des universités qui se fait en grande partie sur leur dos. Mais rien pour alléger le fardeau fiscal des étudiants qui contribueront, comme tous les autres citoyens, à la hausse de la taxe de vente et à celle sur l'essence. D'ici cinq ans, Québec investira 2,7 milliards de plus pour les aînés. Combien pour les étudiants? La solidarité ne se ferait-elle que dans un sens au Québec, les jeunes devant se sacrifier toute leur vie pour les personnes âgées?

Richard Vigneault

Consultant en communication et membre de l'Idée fédérale.



RÉALISME ET RESPONSABILITÉ



Le budget Bachand 2012 est en parfaite logique avec les orientations économiques du gouvernement. Pour se payer les services que nous avons, il faut développer notre économie et exploiter nos ressources. C'est le message général du budget. Revenir à l'équilibre budgétaire pour retrouver une marge de manoeuvre pourrait être le sous-titre de cet exercice. C'est une attitude cohérente et responsable du ministre des Finances et de son gouvernement, surtout quand on contemple le montant de la dette publique.  Le budget Bachand contient à cet effet des mesures qui vont favoriser le développement de nos ressources tout en restant prudent sur le niveau de risque que l'on peut prendre avec l'argent des contribuables. Il y a peu de nouvelles dépenses si ce n'est pour répondre aux besoins des clientèles les plus vulnérables, notamment les aînés, une classe d'âge qui est en droit de s'attendre à une plus grande solidarité compte tenu que pour un bon nombre d'entre eux, ils ne sont plus en mesure de participer à la richesse collective, mais y ont largement contribué dans le passé. On comprend qu'il n'y ait pas de nouvelles taxes ou de nouveaux impôts, le point de saturation étant déjà atteint depuis longtemps. La réduction des dépenses du gouvernement demeure certainement une proposition censée qui évitera que l'on coupe brutalement dans les services. Quant à la volonté du ministre Bachand de ne pas fléchir sur l'augmentation des droits de scolarité, on comprendra certainement que c'est l'attitude que le gouvernement tiendra tant et aussi longtemps que les étudiants  resteront sur leur position rigide et intraitable. Comme les contribuables, nos futurs diplômés doivent accepter de faire leur part.

Pierre Simard

Professeur à l'ENAP.



LES ESCLAVES



Mardi était un jour de gala à l'Assemblée nationale : notre ministre des Finances a annoncé les heureux élus de la loterie du budget. Cette année, beaucoup de gagnants se sont partagé des petits lots. La joie était palpable chez plusieurs lauréats. Il fallait voir le maire Labeaume encenser la clairvoyance gouvernementale pour avoir réservé 30 M $ au « Diamant » de Robert Lepage (déjà qu'avec l'amphithéâtre...). Quant aux perdants, on savait depuis deux ans déjà que ce serait les contribuables. C'est comme ça! On a pris l'habitude d'annoncer les perdants à l'avance, histoire d'inhiber l'exaspération de ceux qui doivent assumer les constantes hausses d'impôts décrétées par notre ministre du Bonheur. D'ailleurs, lorsque vient le temps de trouver de nouvelles sources de revenus, M. Bachand ne manque pas d'imagination. En 2012, par exemple, le contribuable assumera une hausse de la TVQ à 9,5%, une hausse de la contribution santé à 200$, une hausse de la taxe sur l'essence, une hausse des cotisations à la RRQ, etc. Si notre ministre était aussi imaginatif pour couper ses dépenses que pour trouver de nouvelles façons de nous plumer, le contribuable n'aurait pas toujours l'impression d'être un esclave au service des ambitions politiciennes.

Pierre Simard

Jean Bottari

Préposé aux bénéficiaires.



ÇA SENT LES ÉLECTIONS



Le budget Bachand est purement électoraliste. En 2010, comme il n'y avait pas d'élections en vue, Raymond Bachand en a profité pour nous enfoncer dans la gorge son impôt déguisé qu'il a nommé la taxe santé. En 2008, je me souviens aussi d'un certain Jean Charest qui, en campagne électorale, a baissé notre taux d'imposition. Par un heureux hasard, la taxe santé instaurée par M. Bachand rapportera à terme sensiblement le même montant que les baisses d'impôts accordées par M. Charest. J'aurais bien aimé voir notre ministre des Finances faire un «dégraissage» de l'État. Non pas en abolissant ou en mettant à la retraite les travailleurs comme l'avait fait le PQ, mais plutôt en supprimant de nombreux postes de cadres superflus tant dans le réseau de la santé que dans celui de l'éducation. Du même coup, il aurait été en mesure de supprimer des centaines de postes d'encadrement inutiles et coûteux pour nous, les contribuables. Il n'est pas normal que le nombre de postes-cadres et d'encadrement égalent ou dans certains cas dépassent le nombre d'employés. Aucune compagnie privée ne fonctionnerait de la sorte. Le ministre Bachand aurait avec l'aide du premier ministre eu toute la latitude voulue afin de rendre imputables les personnes occupant des postes décisionnels oeuvrant au sein des sociétés d'État et dans les organismes publics. Il aurait aussi été en mesure d'abolir toute prime de séparation, de performance et de je-ne-sais-quoi offertes aux recteurs d'universités, directeurs d'école et d'hôpital, et même celles offertes aux élus. Nous sommes scandalisés par ce gaspillage éhonté de fonds publics mais personne au gouvernement ne nous écoute. Il faudrait avoir courage pour agir ainsi. Courage que visiblement n'ont pas, ni le ministre des Finances ni le premier ministre du Québec. Je me souviens aussi alors qu'il venait de présenter son budget en 2010, M. Bachand nous demandait de le surveiller car lui et son gouvernement promettaient de faire 62% de l'effort budgétaire. Moi et la grande majorité des Québécois les avons surveillés et nous ne voyons aucune amélioration dans les services offerts à la population et constatons qu'il nous en reste moins sur notre chèque de paie, et plus aux pétrolières et aux différents paliers de gouvernement qui sont passés maîtres en matière de savants calculs auxquels nous ne comprenons rien.

François Bonnardel

Député de Shefford.



UN ENDETTEMENT INQUIÉTANT



Derrière les grandes promesses que contient le discours sur le budget du ministre Raymond Bachand, se cachent des chiffres beaucoup plus inquiétants sur l'endettement du Québec. Quand les libéraux sont arrivés au pouvoir en 2003, la dette brute était de 111,3 milliards $. Depuis, ils ont réussi l'exploit peu enviable de la faire grimper jusqu'à 183,8 milliards $. Concrètement, cela coûte aux Québécois 28 millions de dollars uniquement en intérêts chaque jour ! On ne peux tirer du budget de 2013 qu'un constat d'échec. Ce gouvernement aura démontré beaucoup d'imagination pour taxer davantage les Québécois, mais il aura surtout prouvé son incompétence à bien gérer leur portefeuille collectif. Dans le budget 2012-2013, c'est plus de 10 milliards qui sont consacrés aux intérêts sur la dette et c'est 35% de la hausse des dépenses qui sera consacré à ce poste budgétaire. Ce qui est le plus navrant, c'est que ce sont nos enfants et nos petits-enfants qui paieront cette facture. Il est plus que temps que le Québec gère ses finances en pensant à l'avenir plutôt qu'en se concentrant simplement sur le présent.

photo archives La Voix de l'Est

François Bonnardel