Puisqu'il a adopté une loi spéciale pour interdire un conflit de travail à Air Canada, le gouvernement Harper devrait-il aussi intervenir pour tenter d'empêcher la fermeture d'Aveos et la mise à pied de ses 1800 employés à Montréal?   LES COMMENTAIRES DOIVENT ÊTRE SIGNÉS.

Pierre Simard

Professeur à l'ENAP



INVESTIR DANS NOTRE APPAUVRISSEMENT



À chaque annonce d'une fermeture d'usine, on réclame l'intervention de nos politiciens. La liste des réclamations est interminable : les Chantiers Davie, Papiers White Birch, etc. Je ne voudrais pas faire mon rabat-joie, mais si Aveos était une entreprise efficace et compétitive, elle ne serait pas obligée d'enclencher un processus de faillite. C'est essentiellement parce qu'Air Canada obtient un meilleur service ou un meilleur prix pour l'entretien de ses appareils qu'elle va chez un concurrent. En fait, il n'est pas rare que des entreprises disparaissent face à une concurrence qui a su innover ou rationaliser ses coûts. C'est ce que le grand économiste Joseph Schumpeter appelle la « destruction créatrice ». Les entreprises incapables d'acquérir de nouvelles compétences ou de s'adapter disparaissent au profit d'autres entreprises plus innovantes. J'en conviens, c'est triste pour les travailleurs qui se retrouvent au chômage et doivent se trouver un nouveau travail. Mais s'opposer à ces fermetures, c'est freiner le moteur de notre croissance économique. Lorsque nos politiciens se présentent en correcteur de marché en adoptant des lois coercitives ou en accordant des subventions à des entreprises inefficaces, ils ne font que retarder un processus d'adaptation normal dans une économie saine. Sans le savoir, ils investissent dans l'appauvrissement de notre économie.

Pierre Simard

Adrien Pouliot

Président de Draco Capital Inc., société d'investissement privée.



DÉSCLÉROSER LE MARCHÉ DU TRAVAIL



Nos lois du travail faussent le jeu du libre marché et de la concurrence dans le marché des contrats de louage de services (communément appelés « contrats d'emploi »).  Elles en augmentent les prix artificiellement en bafouant la liberté des fournisseurs d'ouvrage de contracter avec l'employeur.  L'offre de travail étant artificiellement restreinte, les coûts de main-d'oeuvre augmentent au point où les produits et services de l'employeur ne concurrencent plus ceux des entreprises non syndiquées (d'ici ou d'ailleurs).  L'employeur doit alors recourir à des mesures extrêmes, par exemple le lock-out ou la grève ou la délocalisation après d'entreprises non syndiquées (d'ici ou d'ailleurs), sinon il risque de perdre ses clients et éventuellement de faire faillite.  Dans le cas d'Aveos, c'est ce dernier scénario qui s'est produit.  Chez Air Canada, on a voulu décréter un lock-out et affronter une grève, des tentatives bloquées par l'intervention maladroite du législateur tentant de minimiser l'effet pervers des lois qu'il a lui-même adoptées et d'éviter la grogne chez les électeurs.  Plutôt que d'adopter de telles lois, par exemple en « sauvant » Aveos, les gouvernements devraient déscléroser le marché du travail pour permettre une vraie concurrence et un prix du travail qui reflète mieux la réalité économique et la valeur des services offerts.

Adrien Pouliot

Denis Boucher

Associé au sein d'un cabinet de relations publiques.



IL FAUT ÊTRE PRUDENT



La fermeture d'Aveos est tragique pour toutes les personnes qui sont touchées directement ou indirectement. Il s'agit de milliers d'emplois bien rémunérés qui disparaissent de l'économie canadienne. Ce qui est particulièrement inquiétant est de voir qu'il s'agit d'emplois à forte valeur ajoutée. Nous avons vu le secteur manufacturier rétrécir à la faveur de la Chine, de l'Inde et autres pays ou les conditions de vie ne sont pas comparables aux nôtres. Il est à souhaiter que la fermeture d'Aveos ne soit pas le début d'une tendance associée à l'exode d'emplois spécialisés et bien rémunérés. Dans la mesure du possible, il est certain que le gouvernement doit faire tout ce qu'il peut pour éviter cette fermeture. Par contre, l'histoire nous enseigne qu'il faut être prudent avec ce genre d'interventions. Des centaines de millions de dollars en fonds gouvernementaux ont été engloutis pour la sauvegarde d'entreprises qui ont malgré tout mis la clé sous la porte. Avant d'investir l'argent du peuple, il faut, je crois, d'abord établir si Aveos peut survivre au Canada et à quelles conditions. Une fois que l'on aura répondu à ces questions, partie patronale, syndicat et gouvernements pourront déterminer les efforts qu'ils sont prêts à consentir pour que ces emplois demeurent ici au pays.

Denis Boucher

Jean Bottari

Préposé aux bénéficiaires



HARPER DOIT INTERVENIR



Le gouvernement Harper, qui semble friand des lois spéciales qui empêchent les travailleurs d'exercer leurs droits fondamentaux dictés, entre autres par la Charte des droits et libertés, se doit d'intervenir dans le dossier Aveos. Les 1800 employés embauchés par Air Canada se sont retrouvés bien malgré eux chez Aveos, qui avait comme client principal nul autre que Air Canada. Or je crois qu'Air Canada, le syndicat et tous les partis d'opposition devraient faire pression sur le gouvernement Harper ainsi que sur le gouvernement Charest afin qu'ils interviennent vigoureusement pour empêcher cette autre fermeture sauvage. En plus d'envoyer 1800 personnes au chômage, cette fermeture va probablement faire en sorte que l'entretien des avions d'Air Canada sera désormais fait dans des pays de l'Amérique latine. Ce seul fait aura comme effet de me décourager de voler sur un avion d'Air Canada. Les employés d'Aveos doivent obligatoirement avoir un minimum de neuf ans d'expérience avant d'être en mesure de pouvoir certifier un avion. Aurons-nous cette même garantie dans un pays ou le cheap labor est à l'honneur? J'en doute.