Le Parti québécois et Québec solidaire auraient-ils avantage à conclure une alliance pour ne pas se faire compétition dans certaines circonscriptions et ainsi augmenter leurs chances de récolter plus de sièges de part et d'autre aux prochaines élections? LES COMMENTAIRES DOIVENT ÊTRE SIGNÉS. MAXIMUM DE 150 MOTS.

Marc Simard

Professeur d'histoire au collège François-Xavier-Garneau à Québec.



QS PAR K.-O.



Dans ses épanchements de samedi dernier au Devoir, Bernard Drainville propose une alliance électorale entre le Parti québécois et son frère ennemi Québec solidaire. M. Drainville dit croire qu'un tel pacte pourrait sauver le PQ de la débâcle lors des prochaines élections provinciales. Il a tout faux! D'abord parce que les écueils sont omniprésents. Non seulement Pauline Marois y est-elle opposée, mais il est douteux que les péquistes, particulièrement ceux de l'est de Montréal, aillent à l'abattoir avec enthousiasme. De plus, il n'est pas certain que les militants de QS eux-mêmes désirent s'acoquiner avec le PQ, parti qu'ils ont déserté dans de grandes souffrances idéologiques il n'y a pas si longtemps. Enfin, il faudra convaincre plusieurs candidats péquistes (principalement à Montréal) et encore plus de candidats solidaires (ailleurs au Québec) de renoncer à se présenter, ce qui ne se fera pas sans qu'on déchire beaucoup de chemises, une des spécialités du mouvement souverainiste. Ensuite parce que ce serait, pour le PQ, un marché de dupes à cause de la concentration de l'électorat solidaire dans les villes. QS pourrait en effet abandonner la lutte dans un grand nombre de circonscriptions de province où il est marginal, et ce sans gains tangibles pour le PQ, en échange du désistement des péquistes dans une vingtaine de comtés urbains où il aurait une chance réelle de faire des gains. Résultat : le PQ n'en retirerait que très peu de sièges tout en perdant un grand nombre de suffrages (et donc de subventions), tandis que QS ferait élire plusieurs députés, bonifiant ses finances et augmentant son audience à peu de frais. Une idée d'apprenti-sorcier!

Daniel Landry

Professeur de sociologie au Collège Laflèche.



L'AVENIR DU PQ EN DÉPEND



Des élections générales sont attendues en 2012 au Québec. Le Parti québécois y risque gros. Devant l'hécatombe des derniers mois, Bernard Drainville s'inquiète même de l'éventuelle disparition du PQ. Les départs de Pierre Curzi, Louise Beaudoin, Lisette Lapointe et Jean-Martin Aussant remettent directement en question le leadership de Pauline Marois. Mais ils symbolisent une crise identitaire beaucoup plus profonde. Depuis le référendum de 1995, le Parti québécois est incapable de maintenir la coalition qui lui avait donné naissance en 1968. Il a rapidement perdu l'appui de la gauche avec son virage néolibéral sous Bouchard (1996-2001). Il perd aujourd'hui les plus pressés des souverainistes (pensons à Aussant) et les plus avides du pouvoir (pensons à Charrette, Ratthé et Rebello). À moyen terme, il serait en effet à l'avantage de l'option souverainiste que le PQ laisse une plus grande place à Québec solidaire (et peut-être même à Option nationale), quitte à conclure des alliances dans certaines circonscriptions. Mais depuis 1995, le PQ s'obstine à exclure plutôt qu'inclure, au point où plus personne ne souhaite être associé à ce parti en perdition. Celui-ci aurait pourtant grandement intérêt à regrouper les forces nationalistes de gauche, plus éparpillées que jamais sur l'échiquier partisan. Son avenir en dépend. L'avenir de l'option souverainiste en dépend. Mais le PQ saura-t-il faire passer son option avant lui? Mme Marois (ou le prochain chef) manquera de temps - et peut-être de volonté - avant les prochaines élections générales. Mais rien ne nous empêche d'amorcer dès à présent le post mortem.

Richard Vigneault

Consultant en communication et membre de l'Idée fédérale.



PQ: UNE ALLIANCE AVEC LUI-MÊME!



Le cri de désespoir, pour ne pas dire le signal de détresse lancé par Bernard Drainville en fin de semaine dernière, le départ de députés en cascades, les transfuges, les difficultés rencontrées par Pauline Marois, ne placent pas nécessairement le PQ dans la meilleure position de négociation d'une alliance avec qui que ce soit. Sur les  orientations de fond,  le PQ, un parti plutôt social-démocrate du centre, est à des années-lumière du socialisme autoritaire professé par Québec solidaire. Interventions massives de l'État et déresponsabilisation des citoyens, démonisation du secteur privé, anti-américanisme primaire, politique fiscale qui revient à faire payer les riches, voilà autant d'orientations générales  du discours de Québec solidaire qui le place très loin du PQ. N'est-ce pas le parti qui proposait encore récemment la nationalisation des médias? Bien sûr, les deux partis se réclament de la souveraineté. Toutefois, dans le programme de Québec solidaire, la souveraineté vient au 7e rang des huit engagements pris en 2008 par cette formation politique. Au PQ, la souveraineté figure toujours dans l'article 1 du programme comme la priorité absolue et la raison d'être de cette formation. En outre, une telle coalition reviendrait à former une créature à trois têtes, avec une Pauline Marois dont on imagine mal les affinités avec Amir Khadir et Françoise David.  Le comté de Mercier vaut-il les concessions que devrait faire le PQ? Non.  Ce dont le PQ a probablement  besoin, c'est d'une alliance avec lui-même.

Denis Boucher

Associé au sein d'un cabinet de relations publiques.



UN PACTE IMPROBABLE



Il va de soi que la division du vote conduit nécessairement à un affaiblissement de l'ensemble des partis. Par ailleurs, la venue de nouveaux partis a souvent mené à la disparition, jusqu'alors inconcevable, de formations politiques pourtant établies de longue date. On peut se rappeler l'Union nationale ou le Parti créditiste et plus récemment encore l'Action démocratique (bien que l'acte de décès ne soit pas encore signé). Forcément, ce sont les plus vieux partis qui souffrent de l'arrivée de nouveaux courants politiques. La nouveauté et le changement sont des attraits qui s'avèrent aussi difficiles de résister que le chant des sirènes! Le Parti progressiste-conservateur ne s'est jamais remis de la montée du Bloc québécois et du Parti réformiste. Devant l'évidence que le Reform ne passerait jamais en Ontario et dans les Maritimes et que le Parti conservateur était maintenant marginalisé dans l'Ouest, les deux formations ont compris que le pouvoir leur échapperait tant et aussi longtemps que le vote de droite serait divisé. Après quelques échecs électoraux, les formations qui ne peuvent trouver un moyen de se regrouper risquent fort d'entrer éventuellement dans les oubliettes politiques. Cependant, la fusion de deux formations sous-tend obligatoirement un examen de conscience puisque là commence les concessions pour conclure un pacte. Bien qu'un pacte de non-agression ou le regroupement du Parti québécois et de Québec solidaire pourrait théoriquement se traduire par un plus grand nombre de sièges pour chacune des formations, les membres de chaque formation pourraient ne pas apprécier de baisser pavillon devant ce qui, après tout, est une formation. Je doute fort que Mme Marois ou la direction bicéphale David/Khadir entrevoit aussi d'un bon oeil un renouveau conjugal lorsque l'on pense au divorce acrimonieux qui a mené à Québec solidaire.

Denis Boucher

Guy Ferland

Professeur de philosophie au collège Lionel-Groulx de Sainte-Thérèse.



QS N'A PAS BESOIN DU PQ



La capitaine du paquebot du Parti québécois ne tient plus la barre de son navire ingouvernable depuis que les trop nombreuses mutineries ont fait échouer son rêve de conduire la province vers la terre promise de l'indépendance. Même les plus farouches matelots de la souveraineté songent à quitter le bateau et à voter Québec solidaire pour que leur voix soit entendue. Dans ce contexte, Québec solidaire doit y penser à deux fois avant de conclure une alliance qui lui assurerait quelques sièges à l'Assemblée nationale. Si la tendance se maintient, le parti d'Amir Khadir et de Françoise David n'aura pas besoin de l'appui du PQ pour aboutir au même résultat, tout en préservant son indépendance à l'égard d'un parti qui touche le fond. Par contre, pour éviter les écueils, Mme Marois aurait tout avantage à proposer une alliance avec Québec solidaire dans certains comtés. Les timoniers de QS pourraient tenir la barre et ramener le paquebot dans le chenal. Mais les avaries sont trop nombreuses pour renflouer le bateau du PQ et empêcher le naufrage. Comme aurait pu l'écrire Nelligan: «Qu'est devenu le PQ, navire déserté? Hélas, il a sombré dans l'abîme du Rêve!»

Pierre Simard

Professeur à l'ENAP.



VULGAIRE MARCHANDAGE POLITIQUE



On a beau nous présenter les accords électoraux entre le Parti Québécois et Québec solidaire comme une noble alliance, tout ça n'est que du vulgaire marchandage politique. L'idée d'une alliance est simple: elle consiste à acheter les votes d'un autre parti pour tenter de former le prochain gouvernement. Les termes de l'échange? Une fois au pouvoir, et pour s'y maintenir, Pauline Marois accepte de voter pour les politiques mises de l'avant par Amir Khadir. De son côté, le chef de Québec solidaire s'engage à voter pour les mesures prônées par le Parti québécois. En somme, on fait copain-copain si chacun accepte de donner son appui aux propositions de l'autre. Ce genre de marchandage conduit à l'adoption de politiques publiques qui font plaisir à un sous-groupe d'électeurs, mais qui n'auraient pas reçu l'adhésion d'une majorité si on les avait regroupées dans un seul programme électoral. À terme, ces alliances favorisent l'adoption d'une macédoine de politiques aussi incohérentes que coûteuses pour la population. En somme, comme le coût des politiques publiques est à la charge de tous les citoyens, les alliances politiques permettent à des intérêts partisans de faire adopter des mesures qui seront payées par une majorité d'électeurs qui les désapprouvent. Ah les manigances politiciennes!

Pierre Simard

Raymond Gravel

Prêtre et ex-député bloquiste de Repentigny.



L'UNITÉ DANS LA DIVERSITÉ



Tout le monde sait que c'est en nous unissant qu'on devient plus fort. C'est évident que pour les souverainistes, c'est la seule façon de prendre le pouvoir et faire en sorte que la souveraineté du Québec devienne réalité. Il y a plus de 40% de Québécois de toutes origines qui croient vraiment que le fédéralisme canadien ne convient plus pour la nation québécoise. Ce 40% ne doit pas se diviser; au contraire, il doit s'unir, malgré ses différences, pour convaincre les autres que c'est la seule option possible, viable et souhaitable. Qu'on ne soit pas d'accord sur tout, c'est normal et sain dans une société démocratique. Par ailleurs, peut-on laisser nos divergences de côté pour nous assurer qu'un parti souverainiste puisse prendre le pouvoir et nous conduire enfin vers la souveraineté tant désirée et attendue depuis plus de 50 ans? Je suis pleinement d'accord avec Bernard Drainville qui implore sa chef et son parti d'aller à la rencontre des autres partis souverainistes pour faire alliance, le temps d'une élection, afin de porter au pouvoir le parti susceptible de nous conduire à la souveraineté. Pour ce faire, il faut que les chefs de ces différents partis travaillent ensemble, non pas pour leur prestige personnel ou dans leur intérêt individuel, mais pour la population québécoise qui aspire à sa pleine autonomie, à sa liberté et à sa souveraineté. Quand on est député ou chef d'un parti, c'est pour servir la population et non pas pour se servir soi-même...

Raymond Gravel

Jean-Pierre Aubry

Économiste et fellow associé au CIRANO.



UN AVEU DE DÉTRESSE



Une telle stratégie pourrait aider ces deux partis à gagner, au total, quelques circonscriptions de plus si nous faisons l'hypothèse que le taux participation aux élections de l'ensemble des électeurs et que les intentions de votes du Parti libéral et de la Coalition avenir Québec demeurent inchangés. Cependant, cette hypothèse ne tiendra pas. Cette stratégie sera perçue comme un mouvement désespéré du PQ pour freiner une débâcle appréhendée.  Cela va accroître le nombre de votes pour la CAQ et, dans une moindre mesure, pour Québec solidaire. Finalement, il en résultera une baisse du taux de participation aux élections d'un bon nombre de partisans du PQ de longue date.

Jean-Pierre Aubry

Jean Gouin

Directeur général de la Fédération des médecins résidents du Québec.



CRISE IDENTITAIRE



Rien ne va plus au Parti québécois. Démissions, défections, et remises en question sont devenues à la mode ces temps-ci au PQ. La récente déclaration de Bernard Drainville à l'effet qu'il faille songer à faire des alliances avec tout ce qui grenouille en termes de souveraineté démontre assez clairement que le Parti québécois ne sait plus quoi faire pour espérer demeurer un parti crédible. À mon avis, ce n'est certes pas en faisant des alliances circonstancielles que ce parti y parviendra, car, chez les souverainistes, de la chicane il y en a toujours et, à la longue, cela tape sur les nerfs. Le discours souverainiste est dépassé, du moins, il ne fait pas partie des préoccupations de la population québécoise en temps de crise économique. Le Parti québécois est dû pour une sacrée bonne remise en question, devrait ranger son discours souverainiste et s'occuper des problèmes auxquels nous faisons face. La crise identitaire qui secoue ce parti est bien réelle. Les purs et durs trouvent que le parti ne va pas assez loin; les plus mous espèrent que l'on ne parlera pas souveraineté pour un bon bout de temps ; alors que d'autres, imbus de pouvoir, délaissent le navire péquiste et n'hésitent même pas à mettre au rancart l'option de la souveraineté pour se présenter sous une autre étiquette. Pouvons-nous une fois pour toutes passer à autre chose?

Jean Gouin