Croyez-vous, comme l'ex-premier ministre Jacques Parizeau, que le Québec se fait avoir avec le Plan Nord? En plus de percevoir des redevances, le gouvernement devrait-il devenir actionnaire dans des projets miniers? LES COMMENTAIRES DOIVENT ÊTRE SIGNÉS. MAXIMUM DE 150 MOTS.

Richard Vigneault

Consultant en communication et membre de l'Idée fédérale.



LA PARANOÏA QUI EMPOISONNE

L'avantage des personnes qui sont loin de l'action, c'est qu'elles peuvent, du confort de leur salon du Sud,  commenter ce qui se passe dans le Nord sans avoir à s'embarrasser des responsabilités qui viennent avec la prise de décision. Quand il était aux Finances, M. Parizeau avait la main lourde en  ce qui a trait aux interventions directes de l'État. Elles n'ont pas toujours été heureuses. On se rappellera simplement l'aventure de l'amiante qui, à elle seule, a englouti des sommes considérables. Une méfiance malsaine s'est installée au Québec pour ne pas dire une paranoïa, qui engendre des oppositions et génère des suspicions qui finissent par empoisonner toute initiative de développement, le Plan Nord comme beaucoup d'autres. Que cela vienne du gouvernement ou de l'entreprise privée, on suppose toujours des intentions douteuses. La culture de l'opposition et la recherche de l'unanimité conduisent tout simplement à la paralysie, au non-développement et à l'appauvrissement. Aucun gouvernement n'a aujourd'hui les moyens de développer seul ses ressources sans l'apport de capitaux privés, qu'ils soient canadiens ou étrangers. Nous avons suffisamment de lois pour baliser ces interventions pour qu'elles respectent les personnes, l'environnement et la redistribution équitable des bénéfices. On aime se gargariser avec l'idée que nous sommes riches de ressources naturelles en tous genres au Québec et on aime surtout se dire qu'elles n'ont pas de prix. Comme le célèbre gâteau, on veut le manger et on veut le garder.  On peut passer son temps à se dire qu'on se fait avoir par tout le monde, le résultat sera simplement qu'on ne recevra rien de personne. Le Plan Nord ne sera peut-être pas parfait, mais au moins, il y a un plan pour ceux qui veulent construire.

Jean-Martin Aussant

Fondateur du parti Option nationale et député de Nicolet-Yamaska.



PROPRIÉTÉ COLLECTIVE

Il faut nationaliser nos ressources naturelles et ce n'est pas une mesure communiste. L'entreprise privée doit être encouragée dans les secteurs relevant de l'innovation et de l'initative, mais des ressources naturelles que personne n'a inventées doivent être de propriété collective. L'État sera maître d'oeuvre et décidera des projets qui iront de l'avant et selon quelle répartition de la richesse en découlant. Hydro-Québec, issue d'une nationalisation, fait tout de même appel aux firmes privées pour bâtir ses infrastructures. La nationalisation n'exclut donc pas le privé mais collabore avec lui. Que l'on rémunère le travail du privé pour l'exploration, l'extraction ou la distribution est normal. Et si le privé innove, par exemple, dans ses méthodes d'extraction, qu'on le rémunère mieux en conséquence. Mais la propriété de la ressource doit demeurer collective. Ceux qui s'élèvent contre la nationalisation des ressources naturelles ont le même discours que ceux qui voulaient empêcher la création d'Hydro-Québec. Heureusement, René Lévesque a su garder l'intérêt collectif en tête et a décidé d'aller de l'avant. Cela s'appelle avoir de la vision et du courage.

photo : Sylvain Mayer

Jean-Martin Aussant, le 19 septembre, lors de l'annonce de la fondation d'Option nationale.

Adrien Pouliot



Président de Draco Capital Inc., société d'investissement privée et membre de la commission politique de l'ADQ.



L'ÉCHEC EST LA NORME



Les étatistes ont la mémoire courte même si leur route est pavée de bonnes intentions. Ils oublient de façon commode les désastreux investissements du passé dans les ressources naturelles, entre autres dans la forêt (Abitibi-Consolidated, Domtar, Gaspésia), le pétrole (Sceptre) et l'amiante (Société de l'amiante).  Dans ce dernier cas, le rêve de M. Parizeau de transformer le Québec en l'équivalent de l'OPEP de l'amiante aura coûté au Québécois au moins 208 millions$. Rappelons quelques réalités boursières. L'action de Junex a atteint 6,75 $ au sommet de son engouement pour ne valoir plus que 0,92$ aujourd'hui (baisse de 86%). Celle de Gastem a touché un sommet de près de 4$ avant de retomber à 0,09$ (baisse de 98%). L'exemple fétiche de François Legault, le gisement Old Harry, est aussi spectaculaire : l'action de Corridor Ressources (qui a acquis en 1996 les droits d'exploration du gisement) a atteint 7,74$ en mars 2010, mais ne vaut plus que 2,27$ (baisse de 71%). Seul un projet d'exploration sur 2000 franchit toutes les étapes qui mèneront à la mise en production d'une mine. M. Legault veut jouer au Monopoly avec le bas de laine des Québécois en investissant dans une industrie où l'échec est la norme et où les prix fluctuent sans cesse.  Bon plan pour redresser nos finances publiques!

Adrien Pouliot

Jean Gouin

Directeur général de la Fédération des médecins résidents du Québec.



SE VENDRE AU PREMIER VENU

Depuis que le premier ministre Jean Charest s'évertue à jouer les commis voyageurs pour vendre son Plan Nord à l'étranger, moyennant des redevances qui ne permettraient même pas au Québec de faire ses frais, j'éprouve un fort sentiment de me faire avoir. Les discours des ministres Raymond Bachand et Sam Hamad et du premier ministre sont loin de m'avoir convaincu d'adhérer à leur thèse d'exploitation de nos ressources non renouvelables. Il me semble qu'un bon gestionnaire se doit, à tout le moins, de s'assurer que les investissements qu'il s'apprête à effectuer rencontreront minimalement les dépenses qu'engendreront ce qui a été promis en infrastructures, routes, port en eau profonde, etc. Le Québec avait adopté un principe de base en matière d'exploitation de ses ressources minières: celui de faire payer à l'exploitant le coût des infrastructures. Pourquoi alors faire fi de ce principe et, au nom de quoi? Je me range du côté de la position défendue par M. Jacques Parizeau, parce qu'elle permet vraiment au Québec de tirer son épingle du jeu dans cette aventure minière. Notre sous-sol est riche de certaines matières premières dont le zinc, le cuivre, l'or, entre autres minerais. Ce minerai est la propriété des Québécois et il serait grandement temps, si l'on en permet l'extraction, que le Québec dispose également d'usines pour sa transformation. Ainsi, nous n'aurions plus l'impression de nous vendre au premier venu, mais plutôt d'avoir la chance comme Québécois de participer à notre essor économique.

Jean Gouin

Philippe Faucher

Professeur au département de science politique et chercheur associé au Centre d'études et recherches internationales de l'Université de Montréal.



MAXIMISER LA RENTE EST UNE ERREUR

Il y a toujours moyen d'exiger davantage. L'important, ce n'est pas le montant des redevances payées par les entreprises minières, mais la mise en valeur du territoire et le soutien à l'amélioration des conditions de vie des populations du Nord. Il existe deux avenues pour assurer le contrôle gouvernemental sur la production. La première, plus classique, consiste à accorder des concessions aux minières et à percevoir des rentes. Le cadre fiscal, adapté à chaque exploitation, doit envoyer les bons signaux, de manière à assurer l'exploitation responsable et éviter les stratégies de pillage. L'alternative prend la forme d'un contrat de  partage de la production. L'État est partenaire, il participe à l'investissement et se rembourse à même les revenus nets. C'est une formule de partage du risque qui suppose une très bonne connaissance du marché. L'essentiel est ailleurs. Il est question des routes subventionnées et pas assez des fabriques d'équipements et des industries de transformation qui devraient s'implanter dans les territoires ouverts à l'exploitation minière. Statoil et Norsk Hydro de Norvège exportent leur expertise développée en mer du Nord. L'État norvégien a imposé des partenaires locaux aux investisseurs étrangers et exigé le transfert des technologies et la formation des travailleurs. Ces compétences valent bien plus que quelques millions en redevances.

Philippe Faucher

Françoise Bertrand

PDG de la Fédération des chambres de commerce du Québec.



UNE OCCASION UNIQUE

À la FCCQ, nous sommes d'avis que le Plan Nord est un projet d'avenir créateur de richesse pour le Québec. C'est d'ailleurs l'approche que nous privilégions dans les consultations prébudgétaires du gouvernement. M. Parizeau suggère une nouvelle augmentation des redevances et une participation dans les entreprises minières. La FCCQ a déjà appuyé le régime de redevances prôné par le budget Bachand qui, une fois majoré, amène dans les coffres de l'État plus de 40% des profits des entreprises minières, une part plus élevée qu'en Ontario et en Colombie-Britannique. Rappelons que le territoire québécois ne possède pas l'exclusivité des ressources naturelles. Malgré ce que dit M. Parizeau, d'autres provinces sont prêtes à recevoir ces investissements. Finalement, la prise d'intérêts est une idée valable et c'est pourquoi la FCCQ appuie les sommes dédiées à Investissement Québec à ce propos. Pour sa part, la Caisse de dépôt et placement est déjà investisseur, mais il faut garder en tête l'importance de miser sur la pérennité des fonds dont ils sont les gestionnaires.

Photothèque Le Soleil, Laetitia Deconinck

Françoise Bertrand, présidente-directrice générale de la Fédération des chambres de commerce du Québec