La Terre compte maintenant 7 milliards d'habitants. La population de la planète pourrait grimper jusqu'à 10 milliards avant la fin du siècle. Faut-il s'en inquiéter? Craignez-vous que les ressources alimentaires et énergétiques ne puissent éventuellement être suffisantes pour composer avec une augmentation constante de la population?

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Robert Gagné

Directeur du Centre sur la productivité et la prospérité à HEC Montréal

ASSEZ DE NOURRITURE

Cette question hantait également l'économiste britannique Thomas Malthus au 18e siècle. Malthus observait à l'époque que la population augmentait sans cesse et craignait une famine parce que les terres cultivables existaient en quantité limitée. L'histoire a donné tort à Malthus puisque les innovations technologiques ont largement compensé pour la rareté des terres cultivables. Le développement d'engrais et de semences plus performants ainsi que la mécanisation de la production agricole permettent aujourd'hui de produire suffisamment de nourriture pour nourrir l'ensemble de la population de la planète. Si, encore aujourd'hui, certaines populations souffrent de la famine, c'est une question de redistribution et non pas de production en quantités insuffisantes. La croissance actuelle de la population mondiale ne m'inquiète pas. J'ai confiance dans la race humaine pour arriver à produire des innovations qui permettront de nourrir 10, 12, 15 ou même 20 milliards d'humains. Pour une fois, soyons optimistes!



Robert Gagné

Pierre-Yves McSween

Comptable agréé, enseignant au cégep régional de Lanaudière et chargé de cours à HEC Montréal.

L'AVERSION À L'INCONFORT

Lorsque mon père était adolescent, la planète comptait la moitié moins d'humains qu'aujourd'hui. Lorsque mon fils sera en âge de mourir, la Terre en comptera le double. Suis-je effrayé à cette idée? Bien sûr! Nous savons que notre économie basée sur la croissance maintient ses assises sur une fausse prémisse : les ressources sont limitées. Ainsi, nous devons réduire notre consommation et devenir plus efficients, ce que nous peinerons à faire. Mais qui plus est, il faut compenser la hausse de la population par une meilleure efficience et de meilleures décisions. Au Québec, dans notre vision à court terme, nous avons développé nos banlieues de façon anarchique pour transformer nos meilleures terres agricoles en centres commerciaux (pensons simplement à l'île de Laval et la Rive-Sud de Montréal).  Maintenant, nous faisons voyager nos légumes sur des milliers de kilomètres en moyenne. Nous avons perdu notre souveraineté alimentaire, nous nous sommes rendus vulnérables. Nous avons fait un choix : le choix du confort à court terme pour les générations en vie au détriment de ceux qui nous suivront. Nous sommes des êtres à la vision étroite, préférant le confort des idées reçues à l'inconfort des révolutions, le confort de la surabondance de matériel à l'inconfort de la simplicité, le confort de l'individualisme à l'inconfort de la collectivité, le confort de notre voiture à l'inconfort du transport en commun, le confort de la relaxation à l'inconfort de l'exercice, le confort buccal de la malbouffe à l'inconfort d'un régime plus équilibré, le confort de la pollution à l'inconfort de l'équilibre, le confort des fraises gazées de la Californie en hiver à l'inconfort des fraises du Québec congelées, le confort de la grande maison à l'inconfort de vivre à l'étroit, le confort des idées préconçues à l'inconfort de la remise en question, le confort de réélire des partis politiques existants plutôt que l'inconfort de la pensée nouvelle. Nous sommes une quête de confort ambulante aveuglée par notre aversion à l'inconfort.



Pierre-Yves McSween

Pierre-Olivier Pineau

Professeur agrégé à HEC Montréal

LE NOMBRE N'EST PAS LE PROBLÈME

L'empreinte écologique des 7 milliards actuels d'êtres humains est déjà supérieure à la capacité de la Terre à continuer de fournir les services qu'elle nous rend: eau, air, terres, etc. Cela signifie que tout comme les gouvernements s'endettent pour la population, les sociétés humaines hypothèques la nature pour maintenir leur niveau de vie. Ce ne sont pas les pays les plus peuplés qui posent le problème, mais les plus riches (nous!): nous puisons plus de ressources que ce qu'il est durable de faire. Le problème n'est donc pas le nombre d'habitants, mais leur style de vie: s'il est impossible, à 7 milliards, de faire durer le modèle bungalow-autos-steak BBQ, il est inimaginable d'ajouter 3 autres milliards aspirant à cette consommation. Par contre, en repensant notre consommation et plusieurs incitatifs économiques pervers qui nous font mal produire et mal consommer (subventions aux industries des ressources non-renouvelables, subventions à l'agriculture industrielle...), il y aurait moyen de nous enrichir tout en réduisant notre empreinte environnementale. La terre pourrait ainsi accueillir plus de personnes. Cela demanderait de changer: manger mieux et moins, se déplacer autrement, se loger plus efficacement. Des défis à relever de toute manière, avec ou sans ces 3 milliards de personnes.




Daniel Gill

Professeur agrégé à l'Institut d'urbanisme de l'Université de Montréal.

LE MODÈLE OCCIDENTAL NE POURRA SURVIVRE

7 milliards d'humains sur terre, faut-il vraiment s'en réjouir? Il est à se demander si, non pas uniquement la Terre, mais également nos villes sont en mesure de supporter un aussi grand nombre d'individus, car c'est bien dans celles-ci que la moitié d'entre eux vivent.  Oui, mais à quel prix et dans quelles conditions. Si on peut douter de la capacité de la Terre de répondre aux besoins d'autant d'individus, force est cependant d'admettre qu'elle ne pourra le faire selon le modèle occidental. Actuellement, le monde se divise en deux, des sociétés développées vieillissantes et riches, et de l'autre, des sociétés en pleine expansion démographiques et pauvres. Assurément, ce modèle ne pourra se maintenir, encore moins avec  10 milliards d'individus. Même à 7 milliards d'individus, un partage de la richesse devra se faire avec les conséquences que l'on observe déjà sur le monde occidental. Notre modèle de développement ne tient plus la route, mais malheureusement c'est le modèle que les pays émergents ont décidé d'épouser également. Cependant peut-on leur reprocher?  À voir la vitesse à laquelle ils se développent, assurément la Terre ne tiendra pas le coup.  Aux plus optimistes de croire que nous saurons relever ce défi de façon équitable pour tous, on peut cependant fortement en douter.



Daniel Gill

Adrien Pouliot

Président de Draco Capital Inc., société d'investissement privée

FAUSSE ALERTE

Nous assistons depuis trois décennies à un ralentissement de la croissance, le nombre moyen de naissances par femme étant passé de plus de 5 à 2,6 aujourd'hui. La moitié de la planète a aujourd'hui un taux de fertilité moindre que le taux de remplacement à long terme. Ce phénomène s'explique par de meilleures conditions sanitaires et une croissance de la richesse économique planétaire. Le profil démographique des femmes baby-boomers est tel que les démographes prévoient une stabilisation de la population d'ici le milieu du siècle. Ces données n'empêchent pas l'élite de proposer un contrôle de la croissance de la population mondiale en invoquant que l'Homme cause les changements climatiques qui vont amener rien de moins, disait par exemple Ted Turner, que la destruction de la race humaine. L'environnementaliste Paul Erich avait lancé le bal dans son bestseller The Population Bomb en 1968.  Le malthusianisme de ces alarmistes démontre leur inhabilité à voir les changements autour d'eux. Leurs appels à la fin du monde les empêchent de comprendre l'impact des nouvelles technologies, de l'économie de marché, des entrepreneurs et de la concurrence pour répondre aux besoins de l'humanité - mais ne les empêche pas d'obtenir des subventions pour continuer leur oeuvre de désinformation!



Adrien Pouliot

Jean-Pierre Aubry

Économiste et fellow associé au CIRANO.

GESTION À COURT TERME

Oui, il faut s'inquiéter d'une progression constante de la population mondiale. Il faut également s'inquiéter de la hausse constante de la demande de ressources alimentaires et énergétiques qui découle à la fois de  la hausse de la population et de la surconsommation venant des pays les plus riches.  À ceci s'ajoute la hausse des catastrophes naturelles liées au réchauffement climatique. Tant au niveau planétaire qu'au niveau des pays, les gouvernements souverains semblent être pris dans la gestion du court terme et du moyen terme et se contenter de faire face aux catastrophes alimentaires et naturelles (qu'on aurait pu empêcher ou tout au moins atténuer par une meilleure planification) au fur et à mesure qu'elles arrivent.  Beaucoup de ces gouvernements semblent avoir beaucoup plus de facilité à planifier leur besoin à long terme en armement militaire. On est très loin d'une gestion axée sur le développement durable dans la majorité des pays (incluant le Canada) et encore plus au niveau planétaire.



Jean-Pierre Aubry

Sylvain Charlebois

Vice-doyen à la recherche et aux études supérieures de l'Université de Guelph, en Ontario

FLAMBÉE DES PRIX NUISIBLE

Pour l'alimentation, contrairement à ce que plusieurs prétendent, l'insécurité alimentaire n'émane pas seulement d'un manque de productivité agricole. Malgré des soubresauts de Dame Nature, la production mondiale a atteint des records ces dernières années, et ce, grâce à la distribution alimentaire et à l'accès continu à une alimentation saine. Ainsi, garantir la sécurité alimentaire exige une approche multisectorielle qui englobe un vaste éventail de politiques publiques. Il est donc possible d'avoir suffisamment de nourriture pour l'ensemble de la planète d'ici la fin du siècle. Par contre, la flambée des prix des denrées agricoles aide les producteurs, surtout au Canada, mais pénalise les citoyens du monde. L'ascension spectaculaire et rapide du prix du blé, du canola, du maïs et d'autres céréales dérange et l'urgence d'agir ne fait plus aucun doute.



Mélanie Dugré

Avocate

RECONSIDÉRER NOS VALEURS

Ce qui est troublant derrière ces chiffres astronomiques, c'est qu'une minorité de la population mondiale consomme, et gaspille souvent, la majorité des ressources disponibles. Il est évident qu'un meilleur contrôle de l'accroissement démographique passe par des programmes d'éducation en matière de planification des naissances au sein des populations des pays défavorisés. Mais nous, pays occidentaux riches et choyés, que pouvons-nous faire afin de préserver ces précieuses ressources? Je crois qu'il ne s'agit plus de discuter uniquement d'environnement et d'écologie mais aussi d'économie et de valeurs fondamentales. La récupération, les collectes sélectives, le compost; ce sont des outils nobles et nécessaires mais il faut désormais pousser la réflexion plus loin et remettre en question notre système de valeurs. Nous vivons dans une société d'avoir et de paraître et sommes entraînés dans une course à la surconsommation qui, au fond, est symptomatique d'un grand malaise et d'un vide douloureux. Ironiquement, ce sont souvent les peuples qui souffrent le plus du manque de ressources qui font preuve de solidarité et de résilience devant l'adversité alors que le mal-être qui nous afflige nous entraîne dans une spirale infernale de dilapidation des ressources. Si nous pouvons enseigner le contrôle des naissances aux pays défavorisés, ces derniers ont fort à nous apprendre sur l'art de préserver les ressources et sur les valeurs humaines.



Mélanie Dugré

Jean Gouin

Directeur général de la Fédération des médecins résidents du Québec

JE SUIS INQUIET

Alors que j'étais adolescent, au début des années 1960, la population mondiale atteignait les 3 milliards d'humains. Cinquante ans plus tard, elle a plus que doublé pour atteindre les 7 milliards. Je ne crois pas qu'on arrive à réaliser vraiment les conséquences d'une surpopulation à l'échelle mondiale. On parcourt notre coin de pays et on se prend à penser que de l'espace il y a. Mais pense-t-on vraiment  à combien se chiffre la pauvreté sur notre planète? Pourtant, 2,5 milliards d'habitants y vivent sous le seuil de la pauvreté. Nos ressources sont de plus en plus accaparées et de plus en plus limitées. Ce ne sont pas tous les pays qui possèdent les ressources alimentaires nécessaires pour subvenir aux besoins de leurs populations respectives. La famine est un problème majeur. On se bat pour avoir le contrôle des ressources naturelles dont font partie, entre autres, les ressources énergétiques. Et, dans certains cas, nous prenons d'énormes risques pour les extraire. Les pays industrialisés n'ont aucune hésitation à spolier certaines ressources, tout en étant conscients des dommages que cela cause à l'environnement. La pollution fait désormais partie de notre quotidien. Et maintenant, nous sommes 7  milliards d'êtres humains sur notre planète bleue. Sept milliards de personnes qui ont un droit : celui de vivre en toute quiétude et d'espérer être en mesure de manger et de boire quotidiennement. Mais ce n'est pas ce qui se passe. Alors, avec 7 milliards d'humains, je suis inquiet pour notre avenir.



Jean Gouin