Le plan de 447 milliards sur l'emploi soumis par le président Obama a-t-il des chances d'être adopté au Congrès ? M. Obama joue-t-il sa réélection avec ce plan ? Ses solutions vous apparaissent-elles appropriées pour relancer l'économie américaine?                

LES COMMENTAIRES DOIVENT ÊTRE SIGNÉS. MAXIMUM DE 150 MOTS.

Guillaume Lavoie

Directeur exécutif de Mission Leadership Québec et membre de l'Observatoire sur les États-Unis de la chaire Raoul-Dandurand

LE PRIX DE LA RESPONSABILITÉ

Yvon Deschamps s'amusait à dire que nous étions chanceux de vivre dans un pays où nous avions des politiciens responsables... «C'est vrai ! Ils sont responsables de ce qui nous arrive!». C'est exactement ce que vit Barack Obama. Bien que la majorité des américains croient que M. Obama a hérité de la crise, c'est à lui qu'ils imputent la responsabilité d'en sortir (ou de ne pas l'avoir encore fait). C'est là le drame du président. À la fin, il est l'ultime responsable. Le parallèle avec Jimmy Carter et l'élection de 1980 offre un bel exemple. Lors du débat télévisé contre Reagan, ce dernier termina son intervention en invitant les Américains à se poser cette question: «Êtes-vous mieux maintenant qu'il y a quatre ans?». Bien sûr, M. Carter faisait face à une crise économique et un choc pétrolier qu'il n'avait pas causé. Mais on embauche les présidents pour des résultats. Jimmy Carter était aux commandes. Il était responsable. Et il avait échoué. Le véritable défi de M. Obama n'est pas seulement quelles sont les mesures qu'il pourra faire accepter au Congrès, mais surtout si ces dernières se traduiront en une réduction du taux de chômage. Autrement dit : l'économie créera-t-elle suffisamment d'emplois d'ici 2012 pour sauver celui de M. Obama?

Robert Asselin

Directeur associé de l'École supérieure d'affaires publiques et internationales à l'Université d'Ottawa

LE OBAMA DES BEAUX JOURS

On peut analyser le discours du président sous deux angles : l'angle politique et l'angle économique. Commençons par la politique : concis, clair et bien ciblé, le discours qu'a prononcé M. Obama a été d'une grande efficacité. Reconnu pour ses talents de tribun, il a fait preuve de pugnacité et de résilience. Il devait prouver à sa base - plutôt démotivée par les temps qui courent - que malgré les mauvais sondages et la chute de sa popularité, il est prêt à se battre. Le ton était particulièrement combatif, les mots percutants; bref, on a revu le Obama des beaux jours. Au coeur de son discours, la stratégie et le message politiques visaient clairement à placer les républicains en position défensive. En pivotant vers la création d'emplois - et laissant derrière lui la bataille qu'il a perdu sur le déficit - il a également posé les jalons de la campagne pour sa réélection. S'il lui sera difficile de  se présenter devant l'électorat comme celui qui a relancé l'économie, il pourra néanmoins s'appuyer sur un plan de relance qui contraste clairement avec Mitt Romney et Rick Perry, ses deux principaux adversaires républicains. Sur le plan économique, la plupart des économistes ont réagi assez positivement à son discours. Ses propositions de baisses d'impôts (payroll taxes) financées à même le plan de réduction du déficit plairont aux républicains. Enfin, en s'engageant à préserver les grands programmes sociaux (Social Security and Medicare) et en insistant sur le rôle crucial que doit jouer le gouvernement en temps de crise, il s'inscrit dans le positionnement historique de son parti.

Robert Asselin

Adrien Pouliot

Président de Draco Capital Inc., société d'investissement privée

LE CHANT DU CYGNE

L'ère des interventions gouvernementales surfaites - plans de relance, plans de création d'emplois, interventions des banques centrales, orgies de dépenses en infrastructures - est terminée.  C'est ce qui se dégage des préparatifs pour le prochain sommet des ministres des finances des pays du G7 à Marseille.  Le chancelier de l'échiquier James Osborne affirmait récemment que le moyen pour le Royaume-Uni et les autres pays de retrouver le chemin de la croissance n'est pas en injectant encore une autre dose de dépenses financées par la bulle des déficits qui nous a amenée dans la dèche où nous nous retrouvons aujourd'hui.  Notre ministre Jim Flaherty a ajouté que les engagements du G20 à Toronto à l'effet de réduire les déficits et d'atteindre des budgets équilibrés sont essentiels «et nous gardons le cap ».  Les exhortations de dernière minute de la nouvelle prodigue Lagarde, ses collègues expansionnistes des Nations unies, les centrales syndicales et autres keynésiens du passé ne changeront pas l'avis du G7.  Ces ministres ont compris la définition de la folie d'Albert Einstein : c'est de faire la même chose plusieurs fois et d'espérer un résultat différent.  M. Obama a-t-il sombré dans la folie?

Adrien Pouliot

Jean-Pierre Aubry

Économiste et fellow associé du CIRANO

L'AVANT-DERNIÈRE CARTOUCHE?

Le gouvernement américain compte encore une fois sur un plan de relance qui a pour but d'accroître temporairement la demande intérieure alors que les problèmes de l'économie américaine semblent être de nature plus structurelle. Encore une fois, on est en mode réactif et on veut gagner un peu de temps en espérant que le secteur privé prenne la relève plus tard. Encore une fois, le grand emprunteur demande à son banquier une augmentation de son prêt avec la promesse de payer à plus long terme et même plus rapidement que ce qu'il avait promis de le faire il y a à peine quelques semaines. Je doute que les ménages américains qui doivent encore reconstituer leurs avoirs minés par la dernière crise dépenseront un très haut pourcentage des revenus temporaires générés par ce programme. Certes, un tel programme pourrait faire en sorte que l'économie américaine soit un peu plus forte en 2012, une année d'élection. Par contre, l'après-2012 risque d'être plus difficile. Le fait que le gouvernement n'ait pas présenté simultanément le programme de dépenses et son financement montre jusqu'à quel point il agit en mode réactif et à quel point le financement de ce programme sera difficile à budgéter.  La dernière cartouche risque d'être une autre ronde d'ajustements quantitatifs faits par la Réserve fédérale. Tout ça risque d'être mal perçu par les marchés et les prêteurs étrangers.

Jean-Pierre Aubry

Jean Gouin

L'auteur est directeur général de la Fédération des médecins résidents du Québec

DE LA MÉFIANCE À LA CONFIANCE

Barack Obama tente par tous les moyens d'insuffler la confiance chez ses concitoyens, pour contrer une économie chancelante qui fait craindre le pire aux consommateurs américains. Le nouveau plan de 447 milliards $ qu'il a soumis fait suite à un plan non moins ambitieux de 700 milliards $, il y a quelques années. Qui s'en souvient ? Ce nouveau plan n'aura de chance de réussite que si l'on s'attaque avec vigueur à la dette américaine. Nous avons tous été témoins des chicanes de ménage entre républicains et démocrates il y a de cela quelques semaines, lorsque ce fut le temps d'adopter les mesures pour éviter un défaut de paiement et relever le plafond de la dette. Barack Obama, pour éviter le pire, avait cédé beaucoup de terrain aux républicains. Avec ce nouveau plan, la guerre des clans reprendra là où on l'a laissée. Et la méfiance s'installera et prendra le pas sur la confiance, alors que le but poursuivi par Barack Obama est le contraire. Comme consommateurs, quand l'économie va mal, la tendance est de payer nos dettes et d'éviter l'impulsivité dans nos achats. On engrange en prévision de jours meilleurs. M. Obama n'a plus le choix s'il veut être réélu. Ce plan doit être adopté possiblement avec quelques changements et doit fonctionner. Il en sera de même avec le plan de la réduction de la dette que le président des États-Unis présentera sous peu. Si Barack Obama parvient à relancer l'économie, sa réélection sera assurée. Mais les républicains veillent au grain et ne lui rendront certes pas la tâche facile. Eux aussi pourraient perdre au change. L'objectif ultime est de donner confiance aux consommateurs. Démocrates et républicains devront en tenir compte.

Jean Gouin