François Legault et sa Coalition pour l'avenir du Québec proposent-ils vraiment des solutions qui tranchent avec les politiques du gouvernement Charest ou les idées du Parti québécois? En quoi les positions de M. Legault diffèrent-elles? Sont-elles de nature à séduire l'électorat?

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Martin Coiteux

Professeur au service de l'enseignement des affaires internationales à HEC Montréal

MANQUE DE «RADICALISME»

François Legault a suscité d'immenses espoirs en créant sa Coalition pour l'avenir du Québec et en annonçant une trêve de dix ans entre fédéralistes et souverainistes.  Se pourrait-il que pour une fois, on s'extirpe d'un débat stérile pour résoudre les problèmes du présent?  Quels sont-ils ces problèmes du présent?  Un État québécois devenu incapable de livrer correctement la marchandise dans presque tout ce qu'il touche, une dette qui croît plus rapidement que notre capacité de rembourser, des infrastructures qui se désagrègent, une culture généralisée des exigences minimales et de l'impunité, un cynisme corrosif à l'égard de politiciens pliant devant le moindre lobby syndical ou corporatiste, et une allergie dangereuse au développement économique.  François Legault a-t-il l'intention de s'attaquer à tout cela?  Pour l'instant, ses propositions se limitent à de nouvelles injections ciblées de ressources, injections financées par quelques réaménagements administratifs mais surtout par une nouvelle ponction imposée à Hydro-Québec.  Certaines de ces propositions sont valables mais l'ensemble ne s'attaque pas à la racine du problème.  Les Québécois voteront peut-être pour François Legault, mais ils auraient intérêt à lui demander avant de faire preuve de ce «radicalisme» que lui reproche sans raison Jean Charest.  Autrement, ils pourraient malheureusement être déçus.

Mélanie Dugré

Avocate

LA THÉORIE ET LA PRATIQUE

A priori, plusieurs propositions de la Coalition de M. Legault sont attrayantes de par leur nouveauté, leur originalité et leur audace. Cependant, il suffit de parler à des intervenants sur le terrain, notamment des médecins à qui la Coalition propose de travailler plus en contrepartie de plus gros salaires ou des enseignants dont on veut évaluer le rendement annuellement, pour comprendre que les théories de la Coalition ne s'harmonisent pas tout à fait avec la pratique et la réalité. Plusieurs médecins déjà exténués, pères et mères de famille, vous diront que ce n'est pas plus d'argent qu'ils souhaitent mais plus de temps. Des enseignants s'inquiéteront du risque que les enfants en difficulté, susceptibles de nuire à l'évaluation du professeur, soient ostracisés.

Sans nécessairement être réalistes et pragmatiques, les idées véhiculées par cette Coalition pourraient toutefois profiter du profond désir de changement politique qui anime présentement les Québécois. Entre les libéraux qui s'enlisent progressivement dans un certain confort et le Parti Québécois dont les membres s'entredéchirent à coups de poignard dans le dos, la Coalition de M. Legault pourrait représenter une option intéressante pour les électeurs advenant qu'elle devienne un parti officiel. Reste à voir si la théorie et la pratique pourront se concilier.

Mélanie Dugré

Pierre Simard

Professeur à l'ÉNAP, à Québec

UN PÉTARD MOUILLÉ!

François Legault cherche à nous vendre l'image d'un politicien en mission. Celle du politicien désintéressé et insensible aux préoccupations électoralistes. Celle du politicien résolu à relancer le Québec à l'intérieur d'un ou deux mandats (ça dépend des jours) et qui quittera la vie publique par la suite. Séduisant? Bien sûr! À condition de se faire élire. Or, pour y arriver, la CAQ procède exactement comme tout bon vieux parti politique. Elle nous a concocté de vagues et timides réformes dont la principale caractéristique est de plaire à tel ou tel groupe d'électeurs, tout en s'assurant de ne pas trop froisser les divers groupes d'intérêt qui profitent actuellement des largesses de l'État. Des propositions qui, somme toute, ne sont guères plus originales ou ambitieuses que celles avancées par les autres partis d'opposition (PQ, ADQ). En réalité, François Legault ne fait qu'apporter de l'eau au moulin de la théorie des choix publics voulant que les partis politiques proposent des politiques en vue de gagner leurs élections, et non à gagner des élections en vue de mettre en oeuvre des politiques. La CAQ est sans doute une opération de marketing politique à succès, mais...  Dites, vous connaissez l'histoire du pétard mouillé?

Pierre Simard

Richard Vigneault

Consultant en communication et membre de l'Idée fédérale

UN LEADER DOIT ÊTRE CLAIR

En déclarant qu'il ne répondait plus à la définition d'un souverainiste, François Legault a pris ses distances du Parti québécois.  C'est présentement ce qu'il y a de plus clair chez lui. On ne peut donc guère le soupçonner non plus d'avoir des affinités avec Québec solidaire. On sait par ailleurs qu'il fréquente assidûment les adéquistes et que ça pourrait finir par un mariage. En somme, on ne  juge pas encore la Coalition Legault pour ce qu'elle est, faute de précisions sur le fond. Si François Legault finit pas former un parti, ce sera, on s'en doute, pour affronter le gouvernement libéral.  Mais quand on ouvre une entreprise, l'objectif premier n'est pas de concurrencer celle du voisin, mais d'offrir mieux et de faire vraiment différent. Un parti politique doit être mu par un mouvement de base qui repose sur autre chose que  la popularité par défaut de ses dirigeants. Or, en quoi les propositions avancées par François Legault et Charles Sirois jusqu'à présent offrent-elles une nouvelle vision de l'avenir du Québec et surtout, la garantie que les nombreux problèmes qu'ils évoquent seront réglés? Dire «je vais couper ici pour dépenser ailleurs», ça ne fait pas un programme. Déjà vu, comme disent les anglais! Refaire encore des structures en éducation ou en santé ? Ces secteurs n'arrivent même pas à digérer les réformes des dernières années. Ce qu'on veut savoir, c'est qui est donc vraiment François Legault et qu'a-t-il à offrir comme substance, comme alternative et comme changement véritable ? Ce sera déjà un tour de force de n'être ni fédéraliste, ni souverainiste tel qu'annoncé, mais n'y a-t-il pas une limite à se définir par ce qu'on est pas ? Jusqu'à maintenant, et on est bien obligé de spéculer, car tout ce qu'on peut  lire entre les lignes des propos de M. Legault ressemble  davantage à du conservatisme social et économique, soutenu par quelques élans populistes susceptibles de racoler les mécontents. Le Québec qui a massivement soutenu la gauche néo-démocrate à la dernière élection fédérale est-il prêt à se jeter dans les bras d'une droite populiste fondée sur une logique strictement gestionnaire? François Legault et Charles Sirois viendront-ils faire le grand ménage du Québec pour cinq ans seulement, comme des redresseurs d'entreprise, pour s'en retourner par la suite à leurs affaires? C'est une responsabilité qui vient avec la popularité que de dire franchement où l'on veut conduire un peuple.

Daniel Landry

Professeur de sociologie au Collège Laflèche de Trois-Rivières

LA SÉDUISANTE NOUVEAUTÉ

La nouveauté paie en politique. L'ADQ en 2007, Barack Obama en 2008 ou le NPD en 2011 en sont de récentes preuves. À gauche comme à droite, la recette est la même : miser sur les faiblesses des «vieux partis», attendre leur déroute et se positionner comme l'alternative idéale. Être à la bonne place au bon moment! C'est le pari que s'est lancé la Coalition pour l'avenir du  Québec face à l'usure du pouvoir des libéraux et la longue agonie politique de Pauline Marois. Cette future formation diagnostique efficacement plusieurs maux de notre société (décrochage scolaire, dévalorisation de la profession enseignante, intégration difficile des immigrants, manque de médecins de famille, péril du français). Or, les remèdes proposés n'ont rien de novateurs. En droite ligne avec le manifeste des lucides (2005), François Legault et ses pairs font parader les notions d'efficacité, de productivité et de concurrence. Tantôt ils rhabillent des idées adéquistes d'un manteau neuf (abolition des commissions scolaires), tantôt ils copient plutôt les croquis libéraux (augmentation des frais de scolarité). Cette nouveauté touche à la partisannerie et à l'image. Celle dont le Québec a urgemment besoin concerne plutôt des projets de société connus et attendus depuis longtemps : réforme des institutions démocratiques, création d'un régime public universel d'assurance-médicaments, instauration d'un impôt progressif, politiques pour réduire l'empreinte écologique du Québec, commission d'enquête sur la construction. À quand ce courage politique?

Adrien Pouliot

Président de Draco Capital Inc., société d'investissement privée

COMME LES VIEUX PARTIS

Le péquiste Jean-François Lisée commentait le texte économique de la CAQ ainsi : « (s)i François Legault n'avait pas démissionné de son poste de député péquiste et qu'il devenait, comme prévu, ministre de l'Économie et des Finances d'un futur gouvernement Marois, il n'aurait absolument aucune difficulté à faire adopter, lors de son tout premier budget, la totalité des réformes économiques qu'il a proposées.»  Mais voilà que le libéral Raymond Bachand, lui, disait au sujet du même document : « Au fond, je constate que M. Legault est d'accord avec les politiques du gouvernement Charest ». Les sondages confirment cette confusion des genres et démontrent que la population est en mal de trouver un nouveau Messie. Mais M. Legault offre le même projet de société que les vieux partis : des solutions étatistes qui ne fonctionneront pas parce qu'elles sont basées sur la fausse croyance que l'État a toutes les réponses et qu'il ne s'agit que de mieux cibler les priorités et éliminer le gaspillage pour miraculeusement régler tous les problèmes du Québec. Pour reprendre l'illustration de Vincent Marissal dans La Presse d'hier, les Québécois charmés à l'idée d'avoir un nouveau char devraient décider s'ils veulent un neuf ou un usagé et, dans ce dernier cas, ils feraient mieux de regarder sous le capot plutôt que de se fier aveuglément au vendeur!

Adrien Pouliot

Caroline Moreno

Écrivain

LE POUVOIR AVANT TOUT

La coalition menée par François Legault est le fantôme de l'ADQ. On se souvient que Mario du Dumont avait lui aussi milité en faveur de l'indépendance du Québec avant de décider que le Québec pouvait s'accommoder de son statut de province canadienne. Non seulement M. Legault reprend-il les thèmes chers à M. Dumont,  mais il est animé d'une même ambition qu'il partage avec Pauline Marois et Pierre Curzi : diriger le Québec à tout prix. Ces gens songent davantage à leur carrière qu'à l'avenir du Québec. Ce sont des vendeurs de votes qui cherchent à séduire l'électorat dans le seul but d'obtenir le pouvoir. Ils peuvent renier leurs idéaux ou lancer des états généraux pour gagner du temps. C'est ce qui explique qu'il existe de moins en moins de différences entre les partis politiques et que les électeurs ne voient plus la nécessité de participer aux élections.

Jean Gouin

Directeur général de la Fédération des médecins résidents du Québec

SAVOIR MAINTENIR SON CAPITAL POLITIQUE

L'apparition, ou devrions-nous dire, la réapparition de François Legault dans le paysage politique québécois n'est pas étrangère au ras-le-bol que ressent présentement la population québécoise face  à ses élites politiques. Certains diront que M. Legault, après avoir porté les couleurs du Parti québécois, nous revient sous une autre bannière par opportunisme, alors que d'autres voient en lui l'empêcheur de tourner en rond et celui qui saura insuffler un vent de changement en ce qui a trait aux politiques gouvernementales. À savoir maintenant si les positions que prône M. Legault auront un attrait pour la population québécoise, il est encore beaucoup trop tôt pour le dire. Une chose est certaine cependant. Les Québécois accepteront que M. Legault fasse la pluie et le beau temps en autant que les acquis demeurent. Abolir les commissions scolaires et les agences régionales de la santé est une chose. Mais vouloir introduire des politiques qui diminueront les services auxquels les Québécois ont accès, en est une autre. Le coup de barre et le changement de culture proposé par M. Legault et son équipe ne sauront séduire les Québécois que si la population y trouve réellement son compte. Il est vrai que la population québécoise fait valoir son mécontentement face aux politiques gouvernementales et qu'elle est désabusée de ses élites politiques qui accumulent les faux pas. Mais quand viendra le temps de faire sa croix dans l'isoloir, beaucoup, beaucoup d'eau aura coulé sous les ponts. Deux ans en politique sont une éternité et M. Legault devra faire des pirouettes pour maintenir son capital politique.

Jean Gouin

Léo Bureau-Blouin

Président de la Fédération étudiante collégiale du Québec (FECQ)

BEAUCOUP DE BRUIT, PEU DE CHANGEMENTS

François Legault fait beaucoup de bruit, mais certaines de ses recommandations sont loin d'inspirer un vent de changement. Pour des fins de démonstration, analysons une de ses propositions. En matière d'éducation, M. Legault reprend une vieille proposition libérale visant à augmenter de manière drastique le coût de l'université tout en permettant aux facultés « payantes » comme médecine de charger plus cher que les facultés « moins payantes» comme l'enseignement. Or, à la suite de l'implantation de telles politiques, les facultés du reste du Canada ont vu une nette diminution du nombre d'étudiants provenant de la classe moyenne et des milieux défavorisés. Ces facultés n'ont donc plus les meilleurs médecins, mais les plus fortunés. Une solution pour l'avenir du Québec? Pas si sûr que ça...

Donnons plutôt la possibilité à chaque enfant d'avoir accès à l'université en maintenant abordable le coût des études. L'avenir du Québec passe par des jeunes éduqués. Pensons aussi aux familles. Les familles québécoises sont déjà lourdement endettées et augmenter le coût des études de leurs enfants leur nuira grandement. D'autres positions de la Coalition Legault séduisent l'électorat, mais s'il veut convaincre davantage de jeunes et de familles de sauter dans son projet, François Legault aurait tout avantage à réviser ses positions en matière d'accès à l'éducation.

Jean Bottari

Préposé aux bénéficiaires

JE N'Y CROIS PLUS

Il faut dire que le cynisme engendré par les politiciens actuels me rend très méfiant envers François Legault, ainsi que toute autre personne qui fait des belles promesses.  En quoi les annonces de MM. Legault et Sirois vont-elles améliorer mon avenir? Deux hommes issus du monde des affaires sont-ils en mesure de comprendre mon quotidien? Pourquoi moi qui remets 42% de mes revenus aux deux paliers de gouvernement devrais-je avoir confiance en ce futur parti politique? François Legault n'a-t-il pas été ministre de la Santé sous la bannière du PQ?  Pourquoi n'a-t-il pas tenté d'améliorer le réseau de la santé au moment où il était en poste? Fera t-il mieux que Jean Charest qui promettait, dès 2003 de régler les nombreux problèmes? Nos personnes âgées seront-elles traitées avec respect et compassion? Seront-elles lavées plus d'une fois par semaine? Non, je me suis laissé prendre en 2003. M. Charest, que plusieurs voyaient comme le sauveur, m'a beaucoup déçu et continue de la faire. Les péquistes, toujours en chicane, ne m'inspirent pas du tout. Quant à ce futur parti, je n'y vois rien d'attrayant. C'est bien de vouloir du changement, mais le messager doit aussi être différent, rassembleur et charismatique. Pour l'instant, je ne retrouve pas ces qualités au sein de la CAQ. Honnêtement, s'il y avait des élections d'ici les prochains mois, je n'aurais aucune idée pour qui voter. De toutes façons, les chansons sont toutes les mêmes et une fois élus, les promesses deviennent vite mensonges. Cynique, désabusé et athée de la politique? Oui et je l'assume!

Raymond Gravel

Prêtre dans le diocèse de Joliette

QUE DU VENT

Quand j'entends M. Legault parler de santé, d'éducation, de culture et de langue française, je ne vois aucunement l'arrivée d'un vent de changement. Ce qu'il dit, tout le monde est d'accord avec ça. De plus, il ne propose aucune mesure concrète pour améliorer la situation actuelle du Québec. Au contraire, plus je l'écoute, plus je me rends compte que ce n'est que du vent : un vent qui fera des vagues pour un temps... mais pour combien de temps? Comme au Québec, nous avons l'habitude des vagues, on n'a qu'à se rappeler l'élection de l'ADQ et le scrutin fédéral du 2 mai dernier. J'ai l'impression qu'aux prochaines élections, François Legault pourrait diviser le vote souverainiste au profit du Parti libéral. Ce serait très malheureux, mais c'est peut-être le chemin qu'il nous faut prendre pour réaliser que les Québécois ont la mémoire courte et que leurs émotions l'emportent sur leur raison. En colonisés que nous sommes, nous n'avons pas encore compris que la souveraineté est la seule alternative possible pour vivre comme francophone au sein d'une mer anglophone, afin d'être respectés pour ce que nous sommes. La souveraineté est un principe et une valeur que je ne veux surtout pas tabletter. Et ma raison l'emporte sur mes émotions quand il s'agit de mon avenir comme Québécois francophone...C'est une question de dignité!

Raymond Gravel