L'autoroute Ville-Marie, le pont Champlain, l'échangeur Turcot, le pont Mercier... Les incidents s'accumulent sur les grandes artères de la région métropolitaine depuis quelque temps. Notre système routier est-il en train de tomber en ruine? Faut-il s'inquiéter pour la sécurité des automobilistes?

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Gaétan Frigon

Président exécutif de Publipage inc. et ancien président-directeur général de la Société des alcools du Québec et de Loto-Québec

UN SYSTÈME ROUTIER EN RUINE

Je me souviens que, dans les années 80, les gouvernements successifs avaient sensiblement coupé les budgets de construction et de conservation des routes au Québec. Il s'agissait dans le temps de mesures de compression pour en arriver à boucler les budgets à la suite d'une récession qui avait fait mal. De telles mesures signifiaient évidemment que la durée de la période entre la construction d'une route et son entretien obligatoire était allongée. Nous avons la preuve aujourd'hui que de telles mesures ont été néfastes pour l'ensemble de notre système routier. Au cours des 30 dernières années, nos routes et nos autres infrastructures routières se sont lentement mais sûrement dégradées pour en arriver à la situation que l'on connaît aujourd'hui. Notre système routier est vraiment en train de tomber en ruine au point où certains automobilistes refusent d'emprunter certaines routes ou certains ponts. Le bon côté de cette situation tient au fait que, par obligation et par souci de sécurité, le gouvernement a depuis quelques années pris le taureau par les cornes et a mis en place un ambitieux programme de rénovation du système routier. Ponts, viaducs, routes, tout y passe. Il nous reste à espérer qu'il n'y aura pas d'autres incidents malheureux d'ici à ce que la refonte de nos infrastructures routières soit complétée. D'ici là, on peut toujours invoquer Saint-Christophe, le patron des automobilistes...

Gaétan Frigon

Guy Ferland

Enseignant de philosophie au Collège Lionel-Groulx de Sainte-Thérèse

JE CRAINS PLUS LES AUTOMOBILISTES

Les Gaulois avaient peur que le ciel leur tombe sur la tête. Les Québécois craignent que des blocs de ciment atterrissent sur le toit de leur voiture. Autre temps, autre peur. Pourtant, lorsqu'on circule sur le réseau routier du Québec, c'est bien plutôt le comportement à risque des autres conducteurs qu'il faudrait craindre. Combien de morts par année sur les routes du Québec? Environ 500? Combien de décès dus à l'écroulement de structures du réseau routier? Aucune mort depuis l'écroulement du viaduc de la Concorde en 2006. Ce qui ne veut pas dire qu'il n'y a pas de risques que d'autres incidents du genre de celui du tunnel Ville-Marie se produisent et que des pertes de vie s'ensuivent. Le gouvernement du Québec a tardé à restaurer le réseau routier qui s'est fragilisé. Mais, depuis quelques années, les travaux de réfection et les inspections de surveillance vont bon train. C'est plutôt le comportement à risque de certains conducteurs qui ne tend pas à changer. Nous avons honte de l'état de nos routes, mais bien souvent, nous nous vantons autour de nos festins d'été de nos exploits de conduite imprudente. Uderzo ne ferait pas un meilleur scénario.

Jean Gouin

Directeur général de la Fédération des médecins résidents du Québec

UN SÉVÈRE AVERTISSEMENT

Les déconvenues que nous font subir nos infrastructures devenues vieillottes avec le temps, nous font prendre conscience de notre manque de discipline sur les plans de la prévention, de la sécurité, de l'entretien et de la budgétisation annuelle. Il n'est pas normal que nous soyons en constante réaction en ce qui concerne la rénovation de nos infrastructures. Et nous sommes très chanceux de ne pas avoir à déplorer plus d'accidents mortels, à l'exception de celui survenu lors de l'effondrement du viaduc du boulevard de la Concorde en 2006, lequel a fait cinq morts et plusieurs blessés. Il n'est pas tout de dire nous sommes désolés, encore faut-il réagir. Notre système routier urbain laisse définitivement à désirer et relève parfois du parcours du combattant. Je veux bien suivre la consigne du maire Tremblay à l'effet qu'il n'y a pas lieu de s'inquiéter mais, en politicien qu'il est, peut-il dire autrement ? L'effondrement de poutres de béton à l'entrée du tunnel Ville-Marie de l'autoroute 720 est un sévère avertissement que rien ne peut être laissé au hasard. On ne peut plus repousser les échéances comme ont tendance à le faire nos politiciens. Il est grandement temps que l'on s'occupe de nos infrastructures, avant que celles-ci ne deviennent totalement désuètes et non sécuritaires.

Jean Gouin

Richard Vigneault

Consultant en communication et membre de l'Idée fédérale

LA CONFIANCE A UN COÛT

L'inquiétude que suscite l'effondrement d'une poutre dans le tunnel Ville-Marie s'ajoute malheureusement à celle portant sur l'état de Turcot, des ponts Champlain et Mercier. On a évité de justesse une catastrophe et il est fort probable que s'il y a une explication, il y aura une responsabilité. On souhaite circuler sans avoir à faire sa prière chaque fois que l'on passe sous un viaduc ou sur un pont! En dehors de la sécurité, priorité pour les usagers, c'est toute l'économie de la métropole qui va souffrir des impacts négatifs découlant de cette situation. En attendant l'ouverture de l'autoroute 30 qui permettra aux infrastructures de Montréal de souffler un peu, il est primordial que les trois paliers de gouvernement unissent leurs efforts pour accélérer les chantiers d'un nouveau pont Champlain, d'un nouvel échangeur Turcot, mais également pour mieux coordonner et renforcer les équipes d'inspection et d'entretien de nos infrastructures. L'argent investi par le gouvernement du Québec depuis 2006 est essentiel, mais le rétablissement de la confiance du public exige encore plus. Une ville de la taille de Montréal ne peut se passer d'un réseau routier conséquent. Cette grande corvée de remise à niveau exigera la patience des usagers, mais aussi des efforts et des priorités budgétaires qu'il faudra accepter et notamment le retour des péages sur les ponts et d'autres segments d'autoroutes, afin d'en consacrer les revenus à l'entretien permanent. La confiance a un coût et les gouvernements ne peuvent nous l'offrir qu'en fonction des contributions que nous lui versons.

Caroline Moreno

Écrivain

LA  SÉCURITÉ N'EST PAS UN LUXE

Les temps ont changé. Le volume de véhicules a augmenté. Il faut repenser le décor routier en fonction de cette réalité, ce qui signifie des  structures plus résistantes  certes, mais aussi le développement de  notre réseau ferroviaire (trains de banlieue, TGV), l'instauration de lignes  de tramway, le prolongement des lignes de métro, l'augmentation des pistes  cyclables et des voies piétonnières. Pour aider au financement de ces travaux,  des postes de péage (avec pénalités pour les poids lourds) pourraient être  envisagés. Ces mesures devraient renforcer la sécurité routière et permettre  au Québec de prendre un virage écologique.

Pierre Simard

Professeur à l'École nationale d'administration publique, à Québec

NE CHERCHEZ PAS NOTRE PREMIER MINISTRE!

En février 2011, Robert Gagné et Alexandre Haarman, des HEC, dressaient un portrait de l'évolution des investissements du Québec dans ses infrastructures publiques. Leur constat? « Le gouvernement du Québec a délibérément réduit ses investissements en infrastructures de transport entre le milieu des années 1970 et la fin des années 1990. » Aujourd'hui, si tout s'écroule, c'est d'abord et avant tout attribuable à ce sous-investissement de 25 ans. Faut-il s'en surprendre? Pas vraiment! C'est connu, les autorités politiques préfèrent annoncer en grande pompe un nouveau projet plutôt que d'investir dans les dépenses d'entretien peu visibles, donc moins rentables politiquement. D'ailleurs, au lendemain de l'affaissement d'une poutre sur l'autoroute Ville-Marie, au moment même où les infrastructures montréalaises tombent en ruine, que font nos autorités politiques? Ne cherchez pas Jean Charest, ni son ministre délégué aux Transports. Ils participaient lundi à une conférence de presse à Chibougamau pour confirmer que le gouvernement du Québec investira près de 280 millions $ sur cinq ans pour la construction de la route des monts Otish. Un peu ironique, non?

Pierre Simard

Jean-Pierre Aubry

Économiste

LE PRIX DE LA MYOPIE

Le système routier n'est pas en train de tomber en ruine. En fait, on est en train de faire des investissements majeurs dans ce réseau. Mais dans les dernières décennies, nos administrations publiques ont acculé des retards importants dans l'entretien des infrastructures existantes. Et on est loin d'avoir fait et même d'avoir planifier des investissements suffisants pour combler ces retards. Les administrations publiques ont beaucoup privilégié les dépenses publiques liées a mise en place de nouvelles infrastructures au détriment du maintien ou du remplacement d'infrastructures existantes. Aujourd'hui, on paye le prix de ces retards par un plus grand nombre d'incidents et par des coûts plus importants d'entretien.  Quand on attend que le toit coule pour changer son revêtement ou quand on attend le plus longtemps possible pour changer les bandes de freins sur son automobile, ça risque un jour de nous coûter beaucoup plus cher... Un réseau routier bien entretenu est plus sécuritaire qu'un réseau moins bien entretenu.  Selon moi, il est faux de prétendre que tous ces retards dans l'entretien du réseau n'ont pas réduit, ne réduisent pas et ne réduiront pas la sécurité des utilisateurs. De plus, plus il y a d'incidents graves, plus la probabilité qu'il y en ait d'autres est élevée. Il faut que les électeurs valorisent beaucoup plus des dirigeants politiques qui planifient à long terme et qui accordent autant d'importance au maintien des infrastructures publiques existante qu'à en ajouter de nouvelles.

Jean-Pierre Aubry

Françoise Bertrand

PDG de la Fédération des chambres de commerce du Québec

LES ENTREPRISES ÉCOPERONT

L'état global de détérioration des infrastructures au Québec et particulièrement à Montréal est alarmant. Il est certain que cette situation influencera les décisions des gens d'affaires. Comment va-t-on convaincre les entreprises de s'installer sur l'île quand leurs employés perdent un temps précieux dans les travaux routiers et les détours qu'ils occasionnent? Les difficultés de transport deviennent des obstacles à la productivité et le coût de transport des marchandises sera vraisemblablement à la hausse. Ce coût sera immanquablement absorbé par les entreprises, qui devront nécessairement augmenter leurs prix par la suite. L'accès à la métropole, qui demeure un moteur important de notre économie, est primordial. Au-delà de l'image négative du Québec à l'étranger, c'est un important corridor de commerce qui est ici en jeu. Le pont Champlain, c'est plus de 50 millions de véhicules par année et le point central de notre lien avec l'État de New York, destination de 14% des exportations québécoises. Comptons-nous donc chanceux qu'il n'y est pas eu de victimes, mais agissons pour que l'économie du Québec n'en devienne pas une.

Imacom, Frédéric Côté

Françoise Bertrand