L'appui sans équivoque donné à sa chef Pauline Marois et les résolutions adoptées à son congrès sont-ils susceptibles d'accroître (ou non) les chances du PQ d'être porté au pouvoir aux prochaines élections?

LES COMMENTAIRES DOIVENT ÊTRE SIGNÉS. MAXIMUM DE 150 MOTS.

Marc Simard

Professeur d'histoire au collège François-Xavier-Garneau, à Québec.

LE PQ N'EST PAS LE QUÉBEC

En obtenant un vote de confiance de 93% et en affrontant victorieusement ses militants sur la langue d'affichage, Mme Marois a démontré qu'elle avait le Parti québécois bien en mains, jusqu'à la prochaine crise. Car ce parti, coalition de souverainistes durs et pragmatiques, qui rassemble des partisans disséminés sur le spectre idéologique, est plus difficile à dompter qu'un mustang. Mais c'est là son plus simple défi. Car il lui faut encore convaincre les Québécois de lui accorder le pouvoir en dépit du fait qu'une majorité d'entre eux ne désire pas la souveraineté et qu'une proportion plus forte encore ne veut pas de nouveau référendum. De plus, les résolutions sur l'utilisation de fonds publics pour promouvoir la souveraineté, sur l'imposition de la loi 101 dans les cégeps et sur le gel des droits de scolarité, adoptées par le parti, constitueront des cibles de choix pour les libéraux et pour les adéquistes, qui n'en demandaient pas tant. Sans compter sur les deux écueils redoutables qui se dressent devant elle: la formation d'un parti politique par François Legault (lequel pourrait en outre fusionner avec l'ADQ) et le possible remplacement de Jean Charest par un chef libéral moins honni et plus charismatique.

Louis Bernard

Avocat, consultant et ancien haut fonctionnaire au gouvernement du Québec.

UN PLUS POUR NOTRE DÉMOCRATIE

Dans notre système démocratique, le rôle des partis politiques est fondamental. Que ce soit dans une situation de bipartisme ou de multipartisme, la présence de partis politiques bien organisés, bien structurés et bien dirigés assure le bon fonctionnement de nos institutions. L'alternance étant un rouage essentiel de notre système, il est nécessaire que le parti qui est temporairement au pouvoir puisse avoir en face de lui un autre parti capable de prendre sa place si l'électorat ne veut pas lui renouveler sa confiance. Dans ce sens, tous les citoyens devraient se réjouir du succès du Parti québécois et de sa chef lors du congrès de la semaine dernière. Cela fait en sorte que, lors des prochaines élections, les électeurs pourront exercer un véritable choix entre les partis en lice. Évidemment, d'ici là, Mme Marois et le PQ feront le maximum pour tirer le plus grand bénéfice possible de leur nouveau programme et, surtout, de l'autorité renforcée de la direction et de l'unité retrouvée de leurs militants. Cela devrait les aider, à court terme, à monter dans la faveur populaire. Mais les élections sont encore loin et bien des choses peuvent encore changer d'ici là.

Richard Vigneault

Consultant en communication et membre de l'Idée fédérale.

LA VRAIE QUESTION

Après avoir fait la vie dure à tous ses chefs, le PQ vient de donner un appui clair à Pauline Marois. Il faut féliciter cette dernière. C'est un tour de force d'avoir réussi à unifier un parti souvent traversé par des courants agités. Toutefois, avec le vote, d'abord positif, en faveur d'une proposition sur l'affichage unilingue français, puis rappelée et finalement battue, le congrès de cette formation nous a encore fourni la preuve qu'une bonne partie de ses membres n'hésiterait pas à lancer les Québécois sur la voie de divisions profondes. Par ailleurs, le gel des droits de scolarité nous amène à penser que le PQ est prêt à bien des compromis sur les problèmes réels du Québec pour susciter des adhésions. Dans un programme de gouvernance souverainiste dans lequel chaque mot est pesé pour ne pas effaroucher l'électorat, que ferait le PQ de Pauline Marois une fois au pouvoir? La priorité ira-t-elle à la souveraineté ou au développement économique? Les Québécois voudront savoir. La perspective de longues chicanes Québec-Ottawa - avec divisions, études, tactiques et référendum à la clé - permettra-t-elle à Mme Marois d'être plébiscitée dans la population comme dans son parti? Voilà la vraie question.

Mathieu Bock-Côté

Chargé de cours en sociologie à l'UQAM.

LE MYTHE DE LA RADICALISATION

Ceux qui ont reconnu dans son dernier congrès une radicalisation du PQ succombent à une mauvaise propagande héritée de la culture politique post-référendaire. Le souverainisme vient plutôt de se réenraciner dans sa continuité historique, dans le sillon d'abord tracé par René Lévesque. Pauline Marois y a non seulement confirmé son autorité mais imposé une stratégie, la «gouvernance souverainiste», associée au virage identitaire de 2007. De ce point de vue, la proposition la plus importante de ce congrès est certainement l'application de la loi 101 au cégep. Mme Marois doit s'y tenir fermement sans l'atténuer pour plaire à ceux qui ne voteront jamais PQ de toute façon et qui fantasment ouvertement sur un retour au bilinguisme collectif. Plus globalement, le PQ devra réaffirmer la vocation intégratrice de la majorité historique française tout en s'ouvrant aux préoccupations socio-économiques des classes moyennes. Le sens du prochain mandat péquiste? Non pas atteindre une souveraineté malheureusement irréalisable à court terme, mais défendre l'identité québécoise dans le contexte de la crise mondialisée du multiculturalisme et du blocage constitutionnel canadien. Cette stratégie avantagera le PQ, qui n'a plus ainsi à viser un 50% + 1, mais un peu plus de 40%, score suffisant pour obtenir un clair mandat réformateur.

Pierre Simard

Professeur à l'École nationale d'administration publique, à Québec.

RIEN N'EST MOINS SÛR

Un double défi attendait Mme Marois le week-end dernier: galvaniser ses militants tout en évitant de s'aliéner le reste des Québécois. De toute évidence, elle aura su relever le premier des deux: l'appui de 93% de ses militants montre qu'elle a son parti bien en mains. Pour ce qui est de convaincre les Québécois d'adhérer à la plateforme péquiste, rien n'est moins sûr. Le PQ est demeuré fidèle à lui même. Il n'y a jamais rien de permis dans le monde péquiste. Tout doit être obligatoire ou interdit: le cégep en français obligatoire, des cours obligatoires de francisation pour les immigrants, mais surtout pas question de permettre aux cégeps d'offrir aux étudiants qui le désirent une session d'immersion en anglais. Dans une province où une frange importante de l'électorat est de plus en plus sceptique face à l'omniprésence de l'État dans sa vie, où sont de plus en plus nombreux ceux qui en ont assez de toujours voir l'État décider à leur place, il est à se demander si le PQ ne vient pas de contribuer, encore une fois, à la désaffection politique des citoyens et à l'absentéisme électoral. À moins, évidemment, que ce congrès du PQ ne serve... l'ADQ.