Que retenez-vous de cette première semaine de la campagne électorale? À votre avis, quel chef, quel parti s'est le plus imposé? Quelle promesse pourrait rapporter le plus auprès de l'électorat?

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Gaétan Frigon

Président exécutif de Publipage Inc et ancien président-directeur général de la Société des alcools du Québec et de Loto-Québec

LA TENDANCE SE MAINTIENT

Après cette première semaine de campagne, il n'y a aucun événement majeur qui aurait pu faire changer fondamentalement les résultats escomptés. D'une part, Michael Ignatieff a fait mieux que prévu, notamment avec son programme de financement des études supérieures, mais pas au point de convaincre les gens qu'il peut être le prochain premier ministre. D'autre part, Stephen Harper a fait moins bien que prévu, notamment avec des irritants de début de campagne, mais pas au point de lui faire perdre la possibilité de former un gouvernement majoritaire. Passé maître dans l'art de la politique, M. Harper est un calculateur rationnel. À titre d'exemple, il sait très bien que son annonce d'aide au financement du développement hydroélectrique de Terre-Neuve/Labrador lui fera gagner plus de sièges qu'il pourrait en perdre au Québec où il a déjà une prise contre lui avec l'histoire de l'amphithéâtre. Quant à Jack Layton, c'est dommage mais il perd toute crédibilité en disant qu'il fait campagne pour devenir le prochain premier ministre. Ce ne sera pas le cas et il le sait. C'est tout simplement la mauvaise approche. Finalement, Gilles Duceppe est fidèle à lui-même. Il fait flèche de tout bois et n'a qu'une cible: M. Harper. À moins que ce dernier n'arrive avec d'importantes annonces concernant le Québec au cours des prochaines semaines, les chances sont que M. Duceppe va lui ravir plusieurs sièges, notamment dans la région immédiate de Québec.

Pierre-Yves McSween

L'auteur est comptable et chargé d'enseignement à HEC Montréal

JE RÊVE D'AUTRE CHOSE

Les chefs de partis politiques me semblent sans saveur et sans odeur. Entourés de doreurs d'images, chaque mot est pesé, chaque mot est réfléchi. Depuis une semaine, je ne vois que de la politique partisane, je ne vois que des enjeux électoraux. On stigmatise une coalition d'un côté, et on diabolise la partie adverse de l'autre. Quelle promesse pourrait rapporter le plus de dividendes auprès de l'électorat? Il y a autant de promesses à faire que de groupes d'intérêts à séduire. Celle que j'aimerais me faire proposer est la suivante: «Je vais gérer l'État comme si chaque dollar était le mien. Je vais m'occuper de l'avenir des Canadiens comme s'ils étaient mes enfants. Je vais penser à l'avenir des trois générations futures dans chacune de mes décisions. Je vous promets de faire passer l'intérêt des Canadiens avant les miens, peu importe si cela me coûte mon poste.» En discussion autour d'une bouteille de vin hier, nous refaisions le monde. Nous parlions du leader que nous souhaitions. Quelqu'un de charismatique, de rassembleur, de déterminé, d'intègre et de fonceur. Un chef d'État qui gagnerait notre respect, notre admiration. Présentement, je me sens comme une personne affamée regardant le menu des choix disponibles se disant: «Il n'y a rien qui me tente là-dedans».

Éric Bédard

Historien

AVANTAGE LAYTON

Jack Layton est celui qui a proposé l'idée la plus intéressante cette semaine: plafonner les taux d'intérêt des compagnies de crédit. Faire beaucoup d'argent parce qu'on a eu une idée originale et qu'on a trimé dur, fait des sacrifices et pris des risques, j'ai toujours trouvé cela normal et sain. Améliorer son sort et celui de sa famille est un mobile d'action tout à fait noble dans une société libre. Mais engranger les profits avec l'argent des autres, sans créer la moindre richesse collective, ne m'a jamais beaucoup impressionné. Je comprends que les financiers offrent des services et qu'ils sont un rouage nécessaire au fonctionnement de l'économie capitaliste. Mais je suis de ceux qui croient qu'on doit civiliser ce secteur qui, laissé à lui-même, donne lieu aux pires excès de cupidité. Jusqu'au milieu du XIXe siècle, il existait au Canada des lois qui prévoyaient le plafonnement des taux d'intérêt. Pour des raisons morales, on considérait que c'était le travail qui devait générer la richesse. Seul bémol: s'il faut à nouveau plafonner les taux d'intérêt, peut-être faudrait-il aussi rendre le crédit à la consommation plus difficile. L'endettement des ménages de la classe moyenne reste très préoccupant.

Jean Bottari

Préposé aux bénéficiaires

UNE PROMESSE QUI ME LAISSE PERPLEXE

À mon avis, cette première semaine de campagne électorale nous démontre à quel point Stephen Harper veut être élu à tout prix à la tête d'un gouvernement majoritaire. Sa promesse de baisser les impôts d'ici trois ou quatre ans me laisse perplexe. Afin de réaliser cette promesse, nous devrions réélire M. Harper lors du prochain scrutin? De plus, je ne comprends pas le mépris que semble entretenir Stephen Harper et son entourage envers les journalistes. N'a-t-il pas compris que les médias sont le meilleur moyen d'atteindre l'électorat et de véhiculer son message? Outre le chef du Parti conservateur, Jack Layton me surprend. Sa fougue et sa grande volonté de changer les choses pour la classe moyenne percent l'écran. Sa bouille sympathique et son honnêteté le rendent plus proche de la population en générale et en font l'ennemi de grandes corporations. Quant à lui, M. Duceppe ne fait que voguer sur la vague souverainiste et ne peut promettre autre chose que de barrer la route aux troupes de M. Harper. Mais à quel prix? Aurons-nous encore droit à un gouvernement minoritaire libéral ou conservateur grâce aux votes reçus par le Bloc? Quant à Michael Ignatieff, son attitude, ses paroles et surtout ses promesses ne m'impressionnent guère. Il aura beau promettre mer et monde, si son image ne passe pas, son parti ne passera pas non plus. Et Elizabeth May, dans cette mer de promesses et de candidats vedettes? Elizabeth who?

Paul-Daniel Muller

Économiste

IL MANQUE 2 MILLIARDS AUX LIBÉRAUX

En quatre jours cette semaine, les libéraux ont déjà fait des promesses au coût total de 3,7 milliards de dollars par an: 1) bonification du supplément de revenu garanti (700 millions); 2) subventions aux étudiants collégiaux et universitaires (1 milliard); transferts aux provinces pour cofinancer de nouvelles places en services de garde (1 milliard); 4) soutien financier pour les aidants naturels (1 milliard). À 30 jours du scrutin, cela promet! Pour financer ces nouvelles dépenses budgétaires et fiscales, M. Ignatieff répète qu'il ramènerait le taux de l'impôt sur les sociétés à 18%, annulant la baisse à 15% prévue par les conservateurs. Selon les libéraux, ce relèvement de trois points dégagerait une marge de manoeuvre de 6 milliards. Or, selon l'expert en politique fiscale Jack Mintz, ce relèvement ne produirait que 1,8 milliard par an. Il manquerait donc déjà près de 2 milliards par an pour financer les promesses libérales. Traditionnellement, les politiciens sont loquaces sur les avantages de leurs promesses, et discrets sur la manière de les financer. M. Ignatieff n'a pas encore eu à s'expliquer là-dessus. À quand l'heure des comptes?

Jean-Pierre Aubry

Économiste

CINQ POINTS SAILLANTS

1) La fragilité du plan budgétaire 2011. Ce dernier aurait dû contenir une dépense additionnelle de 2,2 milliards de dollars en 2011-2012 pour l'harmonisation de la TPS et la TVQ, et une dépense additionnelle de 2,5 milliards en 2015-2016 pour la baisse d'impôt aux parents d'enfants mineurs (promesse des conservateurs).  2) Le Parti conservateur a beaucoup de difficultés à présenter une vision à long terme, sauf celle de baisser les taxes et impôts. Après cinq ans au pouvoir, il refuse de dire quels services seront réduits ou coupés suites aux réductions de dépenses incluses dans les plans budgétaires de 2010 et 2011. 3) Si Stephen Harper avait un véritable plan pour favoriser la production et le transport des énergies vertes, il l'aurait annoncé et expliqué au public avant d'annoncer sa garantie de prêt à Terre-Neuve. 4) L'appétit des partis fédéraux pour envahir les champs de compétence provinciale (famille, éducation, transport de l'électricité...) est toujours très grand; cela reflète leur besoin de plaire à l'électorat. 5) Les jeux politiques qu'on a vus cette semaine, surtout ceux liés à la question de la «coalition», n'encourageront pas un plus haut taux de participation aux élections, bien au contraire.