Cela fait maintenant cinq semaines que nous, citoyens de Montréal et d'ailleurs, occupons la place des peuples. Au milieu de ces buildings, nous avons construit ensemble un lieu d'échange et de partage comme il n'en a certainement jamais existé avant.

Cela fait maintenant cinq semaines que nous, citoyens de Montréal et d'ailleurs, occupons la place des peuples. Au milieu de ces buildings, nous avons construit ensemble un lieu d'échange et de partage comme il n'en a certainement jamais existé avant.

Ici, se côtoient des travailleurs, des étudiants, des sans-abris, des idéalistes, des artistes, des écrivains, des journalistes, des politiciens, des personnes à la retraite, des enfants... Beaucoup de ces femmes et ces hommes ont trouvé ici un espace pour exprimer leurs frustrations et leurs espoirs face au monde dans lequel nous vivons. Se rendre compte que nous ne sommes pas seuls nous a donné la force d'inventer, de communiquer nos idées pour chercher ensemble des solutions.

Nous avons mis en place au square Victoria une démocratie participative à travers l'assemblée générale, mais aussi une cuisine commune, des ateliers sur la non violence, une chorale de rue, des rencontres sur le capitalisme, des lectures publiques, de la poésie, des projections de documentaires... La liste est déjà longue, et chaque nouvelle personne qui s'implique contribue à l'allonger. Nous avons cherché ensemble une autre manière de s'exprimer, de communiquer et de prendre des décisions. Nous avons parfois buté, nous n'avons pas toujours été d'accord. Et c'est normal, car nous restons un groupe d'humains hétéroclite où la communication n'est pas toujours évidente. Mais nous avons réussi à trouver des moyens de s'écouter et se comprendre pour surmonter ces épreuves.

Contrairement à d'autres communautés à travers l'histoire, nous ne nous sommes pas isolés dans la campagne pour tenter de créer une nouvelle société. Nous avons bâti cette microsociété au coeur  même du problème, au milieu des banques et des grandes entreprises, car c'est de l'intérieur qu'il faut agir pour créer le changement. Nous avons aussi choisi de nous implanter dans un espace physique qui appartient à tous et facilement accessible : la rue. Ce choix représente aussi un défi, car nous vivons quotidiennement avec des gens qui ont été marginalisés, exclus de notre société par une logique de performance et de profits. Certains ont véritablement trouvé leur place dans ce mouvement, et ont travaillé fort pour le faire exister. Pour d'autres, plus marqués par la vie, cela prend plus de temps, et l'alcool et la drogue donnent parfois lieu à des actes de violence. Nous avons mis en place notre propre équipe de sécurité afin de faire régner la tranquillité sur le camp. Mais il est évident que nous ne sommes pas tous formés à faire face à des gens qui ont perdu tous repères. Accueillir ces personnes est à la fois une chance, et notre plus grand défi, car nous souhaitons bâtir une société ou personne ne soit exclu.

Le maire de Montréal nous a permis jusqu'ici de vivre cette expérience et nous l'en remercions. Mais il nous demande aujourd'hui de partir pour des raisons de sécurités et de violence.  Or ces problèmes sont préexistants au mouvement Occupy. Ils sont seulement plus visibles, car regroupés au même endroit et continuellement sous les projecteurs. Si la ville nous en donnait les moyens, nous pourrions faire de ce lieu un espace sécuritaire pour tous, qui permette aux personnes à la rue de se réintégrer et de nous aider à créer le changement. Nous souhaitons simplement continuer à faire vivre ce lieu et en faire un lieu d'éducation populaire, de partage de solutions, où tous trouveraient leur place, y compris les plus démunis.