Square Victoria, octobre 2011. Plus de 150 tentes fragiles sous le vent et la pluie, sous l'incertitude et les giboulées qui s'en viennent. Des moyens de fortune mais une conscience allumée, des rêves plein la tête comme celui d'une société de justice et de partage et du coeur au ventre. Une atmosphère de joie et de fraternité.

Tout autour, de grandes tours de béton, symboles des puissantes institutions financières qui cherchent à posséder nos vies: Place de la bourse, Centre de commerce mondial (pharaonique), Banque nationale, CIBC et autres milliardaires. Des fourmis face aux géants Tyranausorus Rex. Le contraste est stupéfiant. Audace du coeur et de la jeunesse, dont plusieurs à barbes blanches. Des jeunes que j'ai rencontrés travaillent ou étudient: Éric et Luc, Hélène, Yan et Marie-Claude. Certains ont des enfants et se préoccupent justement de leur avenir. Beaucoup sont engagés dans des groupes et mouvements sociaux. Ils ont des valeurs de justice sociale, de partage et de dignité. Une pluie d'affiches nous le dit clairement et ils le mettent en pratique dans «la cuisine du peuple», le «magasin du peuple» et autres services accessibles à tous. Une utopie de solidarité qui se donne des mains et des pieds. Un souffle puissant traverse ce campement, souffle qui parcourt toute l'histoire de l'humanité.

Avec des amis, je passe souvent au square Victoria, rebaptisé Place du peuple, parce que je suis moi-même indigné et en colère depuis longtemps, comme le dit Françoise David dans son dernier livre, devant un système économique qui est un déni de justice et de démocratie, qui produit plus de pauvreté et d'exclusion que de richesse partagée dans la grande famille humaine. Comme si toute l'évolution du cosmos et de l'humanité devait aboutir à produire un système économique mondial dominé par des prédateurs n'ayant ni foi ni loi. Le ras-le-bol est planétaire et ce «tremblement de conscience» fait de grosses vagues.

Que pouvons-nous y faire? Vérifier l'état de notre conscience et la cohérence de nos propres pratiques économiques et sociales. Puis, assumer nos responsabilités de citoyens et citoyennes, en gardant une conscience informée et allumée, libérée du formatage capitaliste, en demeurant vigilants et actifs, comme tous ces indignés. Les puissances de l'argent et de la force brutale n'arrêteront jamais le souffle de liberté qui soulève les consciences partout depuis toujours et ce souffle aura le dernier mot.