L'auteur réagit à l'opinion de Frédéric Bastien intitulée «Livres d'histoire: les Québécois méritent mieux», qui a été mise en ligne sur Cyberpresse le 12 octobre.

Après avoir lu votre lettre pour la première fois, j'ai été choqué. D'abord de manière enfantine, parce que j'ai côtoyé les professeurs que vous accusez de faire un travail historique de moindre importance. Puis, parce que vous omettez de soulever plusieurs questions en lien avec le travail d'un historien qui se consacre à la recherche universitaire.

D'abord, puis-je vous rappeler qu'il n'est pas dans le mandat de l'historien de renforcer le sentiment national. Les dérives en ce sens ont été funestes, l'Allemagne nazie en est sans doute l'exemple le plus troublant, quoique toutes les nations doivent composer avec ce paradoxe.

Vous demandez aussi à la communauté historienne d'étudier à nouveau des personnages marquants de l'histoire québécoise. On ne peut être contre la vertu. Néanmoins, vous semblez négliger que le travail d'analyse scientifique que produisent les historiens se veut cumulatif. En ce sens, ils ne peuvent reposer sans cesse les mêmes questions. Une simple recherche rapide dans le répertoire de la bibliothèque de l'université de Sherbrooke m'a permis de constater que les termes René Lévesque et Pierre Elliott Trudeau étaient repérés plus de 100 fois. Est-ce bien nécessaire de produire sans cesse des biographies qui tôt ou tard finiront par se répéter? Où n'est-il pas plus sage de financer des recherches qui étudient des phénomènes beaucoup plus complexes et délaissés par l'historiographie traditionnelle?

Finalement, vous semblez sous-entendre qu'une recherche qui se traduirait par un succès en librairie se devrait d'être subventionnée de manière plus importante qu'une recherche donc l'écho populaire sera moins grand. Je me demande si vous saisissez toute l'atrophie intellectuelle que provoquerait une telle politique. Le champ d'analyse se rétrécirait peu à peu pour finalement ne laisser qu'une vision idéologisée et minimaliste de l'histoire nationale, qui répondrait uniquement à une logique de marchandisation et non d'acquisition de connaissance. Ce n'est sans doute pas votre but.