On ne peut pas reprocher aux conservateurs de réaliser leurs promesses, mais on peut leur reprocher de ne pas écouter l'avis des experts en criminologie.

Les criminologues répètent depuis longtemps que le durcissement des peines ne contribue pas à la baisse de la criminalité. Si c'était le cas, les États-Unis seraient le pays le plus sécuritaire au monde. Mais même avec le taux d'incarcération le plus élevé des pays industrialisés, il s'y commet plus de crimes et plus de crimes violents qu'au Canada. Même l'application possible de la peine de mort n'empêche pas un taux d'homicide trois fois plus élevé aux États-Unis qu'ici. Plusieurs États américains réalisent maintenant l'échec de l'approche correctionnelle dure, en plus du coût exorbitant qui gruge les budgets et nuit aux autres missions de l'État.

Ces mesures donnent l'impression que le gouvernement travaille pour la majorité respectueuse des lois et des victimes et contre les criminels, mais rien ne garantit que nous attraperons davantage de délinquants. Pour y parvenir, il faudrait donner davantage de moyens aux forces policières et aux équipes de procureurs afin d'augmenter le taux de succès des poursuites criminelles. Au lieu de cela, les mesures proposées vont augmenter la congestion des tribunaux, qui sont déjà fort occupés. Récemment, le juge James Brunton libérait 31 accusés à cause de délais déraisonnables anticipés dans un mégaprocès provoquant, non sans raison, la colère des citoyens. Préparez-vous, car avec ces nouvelles dispositions du Code criminel, cela pourrait se reproduire.

En entrevue, le sénateur Pierre-Hugues Boisvenu avançait que le Canada avait un taux peu enviable de plus de 70% de réincarcération, prouvant que le système carcéral avait besoin d'amélioration. Or, en agrandissant les pénitenciers et en augmentant la durée des sentences imposées, on risque fort d'aggraver les défauts de ce système. Aucun service ni soutien supplémentaire aux victimes ou nouveaux programmes correctionnels n'est garanti pour autant. Au contraire, les moyens financiers de l'État seront amputés de lourdes dépenses pour incarcérer davantage. Serons-nous pour autant mieux protégés ? J'en doute. Nous courons vers l'échec.