M. Roy, les faits que vous relatez dans votre éditorial, je les constate souvent moi aussi. Pendant mon adolescence au début des années 80, on disait «No Future!». Mais c'est des peanuts comparativement à aujourd'hui. Je suis âgé dans la quarantaine et je crois que depuis quelques années, l'atmosphère sociale et politique s'est gravement détériorée. Plusieurs facteurs pourraient expliquer ce fait à mon avis.

Avons-nous affaire à des enfants-rois mal élevés, une progéniture de boomers qui n'a jamais eu à faire face à l'autorité, parce que l'autorité, c'est méchant? A-t-on affaire aux enfants du Thatcherism, de la Reaganomics, de la chute du mur de Berlin, du triomphe de la cupidité, du laisser-aller social et du au-plus-fort-la-poche économique? Au fruit d'un système d'éducation soumis à des compressions budgétaires successives et à des expérimentations de pédagogues schizophrènes qui ont mal tourné? À une génération qui, comme elle n'est pas issue d'un baby-boom comme leurs parents, se retrouve avec un poids démographique négligeable, une influence presque nulle? Une génération qui se retrouve par conséquent en proie à la résignation, devant l'impression que tout va mal et qu'ils ne peuvent rien y faire: les injustices sociales grandissantes, la corruption qui afflige une élite immorale, médiocre et despotique, l'endettement collectif, les guerres de religion, la détérioration dramatique de l'environnement en voie d'anéantir la race humaine en quelques décennies seulement?

Et que dire de cette culture populaire actuelle qui découle de tout ça, genre Bling-Bling Gangsta Rap? Les gangsters, les pimps et les prostitués sont élevés au statut de modèles et de héros. L'intimidation et l'agression sont érigées en philosophie, en mode de vie.

«Sans motif et sans profit», vous dites? Moi, c'est tout ça que je vois derrière ces pieds sur les bancs de métro, ces airs bêtes et ces majeurs tendus vers le haut si rapidement décochés.