Tous les domaines de l'activité humaine: la science, l'économie, la médecine, les arts, les lettres (sauf les religions - à tout le moins, la religion catholique) ont évolué et habitent notre siècle. Mais le système judiciaire, lui, stagne toujours et encore. Les juges et les avocats portent encore la «soutane».

Tous les domaines de l'activité humaine: la science, l'économie, la médecine, les arts, les lettres (sauf les religions - à tout le moins, la religion catholique) ont évolué et habitent notre siècle. Mais le système judiciaire, lui, stagne toujours et encore. Les juges et les avocats portent encore la «soutane».

C'est complètement dépassé. Lorsque le principe du jury a été adopté, c'était pour contrer l'arbitraire du puissant, pour faire en sorte que la personne accusée ne soit plus jugée par son poursuivant, mais par des gens de son rang, ses pairs. De sorte qu'il obtienne vraiment justice. Très bien au Moyen-Âge, mais aujourd'hui? Peut-on espérer qu'une personne normale, détachée de ses fonctions professionnelles pendant un an, à un salaire dérisoire, soit capable de se souvenir des témoignages rendus un an auparavant? «Le juge résume les faits», répond-on. D'accord, mais le verdict reflétera alors la perception subjective des faits du juge, malgré tous les efforts de ce dernier pour être objectif et le jugement sera finalement et probablement celui que le juge aurait rendu s'il avait été seul.

Le procès de Guy Turcotte illustre très bien l'absurdité du procès devant jury. On a demandé à 11 personnes, des citoyens «ordinaires» de décider lesquels des experts entendus au procès avaient raison sur l'état mental de l'accusé au moment du meurtre de ses enfants.  Une telle question ne devrait jamais être décidée par des gens qui n'ont pas la moindre formation dans le domaine. C'est plutôt un panel d'experts choisis avec soin par les parties qui devrait se prononcer sur une telle question, dans un climat de calme et de sérénité et non dans celui si tendu d'un procès.

Il était important aussi que l'accusé fût présent au cours de son procès pour éviter une quelconque entourloupette. Aujourd'hui, avec la qualité et la compétence des membres du Barreau, cette perspective n'existe tout simplement pas. Si, d'aventure une telle manoeuvre se pointait, elle serait décelée très rapidement et si, par tous les hasards, telle chose se présentait et que l'avocat ne la voit pas, ce n'est certainement pas l'accusé qui la verrait.

Au cours d'un procès, les avocats de la défense contre-interrogent les témoins de la poursuite pour tenter de trouver des failles dans leurs témoignages et miner leur crédibilité. Il les «torturent» parfois. Les procès sont devenus aujourd'hui de véritables affrontements entre avocats.  

Le juge Jean-Guy Boilard, que j'ai eu le privilège de côtoyer pendant plus de 30 ans, s'est désisté il y a quelques années lors d'un procès qui s'éternisait et au cours duquel les avocats de la défense essayaient par tous les moyens que la loi leur permettait d'étirer la sauce le plus possible. Je comprends très bien M. Boilard. Ce génie du droit, obsédé par la compétence, la rigueur et l'efficacité, a dû «s'écoeurer» de toutes ces procédures inutiles, mais par ailleurs légales et faites par des avocats très honnêtes. Se sentant obligé de présider un tel cirque, son honnêteté intellectuelle et son intégrité l'ont probablement poussé à se désister. C'est comme si on avait demandé à Victor Hugo de rédiger les publicités de Meubles Léon ou à Michel-Ange de repeindre le salon...

Je ne prétendrai pas connaître toutes les solutions. Je pense cependant que le système devrait être repensé complètement. Au départ, l'abolition de procès devant jury me semble une priorité. Le procès de Guy Turcotte plaide abondamment en ce sens.