Les commentaires du chroniqueur Alain Dubuc au sujet de la position du cardinal Marc Ouellet sur la question de l'avortement sont fort intéressants. Toutefois, je doute que le cardinal ait sciemment brassé la cage (Mario Roy et, à la SRC, Alain Crevier pensent aussi que Mgr Ouellet a non pas gaffé, mais bien cherché à créer la controverse qu'on sait, question de ramener cette question dans le débat public, fut-ce au prix de sa propre crucifixion symbolique).

Les commentaires du chroniqueur Alain Dubuc au sujet de la position du cardinal Marc Ouellet sur la question de l'avortement sont fort intéressants. Toutefois, je doute que le cardinal ait sciemment brassé la cage (Mario Roy et, à la SRC, Alain Crevier pensent aussi que Mgr Ouellet a non pas gaffé, mais bien cherché à créer la controverse qu'on sait, question de ramener cette question dans le débat public, fut-ce au prix de sa propre crucifixion symbolique).

Une des observations de M. Dubuc soulève un point généralement ignoré, à savoir que le catholicisme n'est plus depuis 50 ans la religion de l'Occident, mais bien celle des pays du sud; les Occidentaux ne comptent plus que pour un tiers des catholiques du monde entier, dont le nombre ne cesse de s'accroître et non de décroître à l'échelle planétaire.

Le cardinal Ouellet, qu'on accuse d'ignorer les valeurs de la société où il vit, serait donc non pas lunatique, mais plutôt soucieux de prendre en compte celles des pays où l'Église progresse et dont les fidèles, logiquement si on veut, sont plus conservateurs qu'au Québec où la désaffection est générale.

Cette analyse est valable, mais elle néglige un élément: c'est qu'au Québec aussi, le catholicisme est de moins en moins la religion des francophones de vieille souche et de plus en plus celle des communautés culturelles.

D'abord, le catholicisme «culturel», identitaire, qui se combine avec une tradition familiale de grands événements (baptêmes, mariages, enterrements, temps des Fêtes) tout en ayant lâché la «pratique» dominicale, et qui a subsisté presque massivement pendant une quarantaine d'années après la Révolution tranquille, ne se transmet plus aux nouvelles générations. La moitié des membres des jeunes générations, selon les enquêtes, ne s'identifie même plus nominalement au catholicisme. Chez les francophones de vieille souche, la chaîne de transmission de ce patrimoine «culturel» est désormais brisée.

D'autre part, contrairement aux impressions que créent certains débats, la majorité des immigrants au Québec sont chrétiens. Il ne faut pas non oublier la contribution, chez les catholiques, des anglophones et de certaines communautés culturelles établies de plus longue date, dont les membres ne sont pas nécessairement beaucoup plus religieux que la société d'accueil, mais qui sont plus jeunes et pratiquent quand même davantage, et dont les valeurs sont souvent plus conservatrices. À Montréal, c'est flagrant, que ce soit à l'Oratoire ou dans les paroisses de maints quartiers.

Tous ces gens ne vibrent pas forcément à l'évocation des combats des baby-boomers de chez nous, ni à la célébration de la mémoire de la Révolution tranquille. Certains d'entre eux sont peut-être plus susceptibles d'être ouverts aux appels d'un cardinal Ouellet. Pourquoi, pensez-vous, celui-ci prenait-il la peine, à Québec, de faire organiser l'an passé une messe multiculturelle où quelque 60 ethnies étaient représentées?

Pour ma part, je tire de ces observations quelques conclusions un peu lapidaires, mais pas uniquement provocatrices. D'abord, l'Église catholique sera peut-être, compte tenu de l'évolution en cours, la première grande institution québécoise que la majorité francophone «historique» (ethnique, si on veut) cessera un de ces jours de contrôler.

Ensuite, ce n'est pas l'Église catholique québécoise qui semble appelée à disparaître ou à se transformer radicalement, c'est l'Église canadienne-française, cette organisation communautaire qui a rendu service à une époque et qui a existé ailleurs dans ce pays avant de s'effacer progressivement, pour intégrer les cultures d'autres Canadiens.