Si ce n'était pas son meilleur discours, c'est qu'il a quelques chefs-d'oeuvre à son actif, et que cette fois, la tâche était surhumaine.

Comment redonner confiance à ceux qui ont cru en lui quand, dans deux semaines, un homme qui renie presque exactement tout ce qu'il a défendu prend les commandes du pays ?

Comment dire au peuple américain de croire en cette merveilleuse démocratie quand il a donné 3 millions de votes de plus à Hillary Clinton... pour la voir perdre contre Donald Trump ?

Comment vanter l'importance de politiques publiques fondées sur les preuves et la science quand des idéologues et des représentants d'intérêts financiers prennent le contrôle du gouvernement américain ?

C'est un acte de foi, presque une prière démocratique, qu'a prononcé Barack Obama hier soir à Chicago. Une foi sublime, sans doute, une prière inspirée... Mais devant des fidèles ébranlés.

Sérieusement, quand, dans l'Histoire américaine, un président sortant aura-t-il été en face d'une succession politique aussi hostile, déterminée et bien armée ?

Les institutions mêmes qu'a vantées le président Obama sont méprisées par Donald Trump, ridiculisées, décrites comme corrompues, inefficaces, incompétentes.

Le progrès n'est pas une ligne continue, a-t-il dit en guise de consolation : pour deux pas en avant, il arrive qu'on en fasse un en arrière. En effet, c'en est tout un...

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Bien sûr, j'aime comme la première fois cette élévation dans le propos. Le sens de l'Histoire qui traverse les discours d'Obama. Cette manière de puiser aux sources mêmes des mythes fondateurs de la nation pour les réactualiser. Cet art exceptionnel qu'il a de mettre en relief le plus grand dénominateur commun. Le meilleur en chacun.

De la guerre d'indépendance à la lutte des esclaves aux guerres « justes » à la lutte pour les droits civiques et à la conquête de l'espace... Tout défile sous nos yeux comme un récit héroïque, un destin d'émancipation qui ne cesse de s'accomplir. Les discours d'Obama ont toujours quelque chose d'épique et de vibrant. Puis, l'image se pose sur des individus, des luttes d'aujourd'hui. Incarnations concrètes de l'idéal américain de progrès, de « poursuite du bonheur ». Accomplissements extraordinaires de gens ordinaires, avancées scientifiques...

Il est passé assez vite sur ses faits d'armes, on ne va pas le lui reprocher.

Mais son message essentiel était ailleurs. Aussi grandiose que soit cette démocratie, la Constitution américaine n'est qu'un vieux parchemin si le citoyen ne la fait pas vivre.

Le fondement de la démocratie, son institution la plus importante, ce n'est pas la présidence, ce n'est pas le Congrès : c'est le citoyen.

Dans un pays qui a un des plus bas taux de participation aux élections, il faut se battre pour rendre le vote plus facile, pas plus difficile, a-t-il dit. C'est une attaque contre les règles mises en place dans plusieurs États républicains pour contrer le vote noir, notamment. L'auditoire a apprécié. Mais encore faut-il que les citoyens se battent, s'organisent, se mobilisent. La voilà, la condition essentielle à la vie démocratique.

Montrez-vous, plongez, présentez-vous comme candidat...

Après tout, cette élection a été perdue par les démocrates en bonne partie parce que des citoyens, qui avaient voté démocrate en 2008 ou en 2012, ne sont pas allés voter dans des États-clés.

Je ne suis pas bien sûr qu'il soit aujourd'hui « plus optimiste encore » que le jour de son arrivée au pouvoir en 2008, vu tout ce qu'il a réussi à accomplir, comme il a dit hier.

Mais quand cet homme, qui a commencé sa carrière comme organisateur communautaire dans les rues de Chicago, fait un plaidoyer pour l'engagement social et politique, ça sonne vrai.

Il l'a dit avec plus d'élégance, mais c'était un message à tous les progressistes et les gens de bonne volonté qui se lamentent depuis l'élection de Trump : et vous, qu'avez-vous fait récemment pour cette démocratie ?

Réveillez-vous, les amis...