Deux semaines après l'ouverture, on peut dire que tous ces athlètes professionnels qui ont refusé de venir à Rio par crainte du Zika ont raté des Jeux pour un risque à peu près nul.

Mais avant de les blâmer, rappelons-nous cette lettre catastrophiste signée par une centaine de grands experts en santé publique de partout dans le monde : ils réclamaient rien de moins que l'annulation des Jeux olympiques, par crainte d'une propagation mondiale accélérée. Et aussi : pas de relations sexuelles non protégées en revenant de Rio pour les six prochains mois !

Merci, docteur...

Dans le métro de Rio, la pub de Off nous dit : « Donnez votre sang au sport, pas aux moustiques. » Et chaque journaliste accrédité a eu droit à sa bombe aérosol de Off. Je ne sais pas qui l'a utilisée...

Les premiers jours, c'était encore un sujet de conversation. As-tu vu un moustique ? C'est-tu un moustique, ça ? Me semble que quelque chose m'a piqué...

Et on n'en parle plus. Un pourcentage habituel du contingent tousse et éternue, mais accusez les petites heures de sommeil et la manie brésilienne de vous mettre la clim à 14 °C... Chaud, froid, etc. Enfin, bref, aucun cas de Zika rapporté.

« Le risque est d'à peu près zéro en ce moment à Rio. »

- Le Dr Paulo Gadelha, président de l'Institut Oswaldo Cruz

C'est vrai, le climat de ce qu'ils appellent « hiver » a mis K.-O. le moustique. Pour le moment...

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Le virus n'en demeure pas moins tout en haut de la liste des priorités de santé publique au Brésil.

« La dengue, aussi transmise par un moustique, fait plus de morts (789 en 2015, 419 en 2016), mais ce virus nous est familier, on le connaît bien. Le Zika, tel qu'il se développe au Brésil, est mystérieux pour le moment », me dit le président du centre de recherche en santé publique de Rio, réputé internationalement.

Le virus, en effet, est connu depuis les années 40, en Afrique. Les spécialistes s'attendaient à ce qu'il se répande un jour au Brésil, et personne ne s'en alarmait. On a bien d'autres soucis de maladies ici ; celle-là serait mineure. On se trompait.

Ce qui n'est pas bien compris en ce moment, explique le spécialiste, c'est pourquoi il crée des microcéphalies chez les nouveau-nés ici, en s'attaquant à leur système nerveux, et pas en Afrique.

Avant même de parler de vaccin, le test diagnostique n'est pas satisfaisant ni facilement accessible. C'est par déduction qu'on a pensé que cette épidémie d'enfants au cerveau difforme dans le Nord-Est du Brésil était due au Zika.

« Plusieurs questions se posent : est-ce que le phénomène existe en Afrique mais n'a pas été signalé ? Est-ce que le type de moustique porteur du virus crée des effets différents ? Est-ce une combinaison avec d'autres virus, ceux de la dengue ou du chikungunya ? Est-ce l'absence de défense immunitaire chez les Brésiliens ? Il semble y avoir une combinaison de facteurs. »

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Si le moustique ne fait pas de discrimination, le fait est que le virus a fait des victimes essentiellement dans les milieux les plus défavorisés. Il y a plus de moustiques à la campagne, évidemment, et dans les zones où sont installées certaines favelas. Les conditions sanitaires, le manque de prévention accroissent le risque.

« Il arrive souvent que le père quitte le foyer quand sa femme accouche d'un enfant atteint de microcéphalie. Quand le Zika frappe dans un milieu où il n'y a pas de structure de soutien, c'est d'autant plus tragique. Ces enfants auront besoin de soins lourds toute leur vie. En ce sens, ce n'est pas seulement une crise de santé publique, c'est une crise sociale. »

L'arrivée du virus à Miami et son expansion sont inquiétantes. Mais cela va créer « une ambiance qui va accélérer la recherche d'un vaccin », croit le Dr Gadelha, selon qui ce virus n'est pas d'une très grande complexité.

Mais pour l'instant, si on est loin d'avoir percé tous ses mystères, il est en dormance autour de Rio...