Caster Semenya ne l'a pas dit, mais elle en a marre. Même si c'est demandé avec la plus grande sympathie, ça suffit.

Samedi, elle a gagné l'or au 800 mètres, et c'est de ça qu'elle veut parler. Le temps où on la forçait à prendre des hormones pour la rendre assez « féminine » au goût de l'IAAF est terminé - pour l'instant. Est-ce qu'on peut parler de sport, s'il vous plaît ?

Un journaliste voulait savoir si la médaillée de bronze, la Kényane Margaret Wambui, avait pris des hormones elle aussi sur ordre de la Fédération d'athlétisme - elle a, elle aussi, des épaules et des traits plutôt masculins. La Kényane, très délicatement, a esquivé la question.

Caster a pris le micro : 

« Excuse-moi, mon ami, on est ici pour parler de performance, pas de l'IAAF. On est ici pour parler de sport. »

Et plus tard : « Le sport peut unir le monde, le but est de se rapprocher des autres, de s'aimer les uns les autres davantage, ce n'est pas un endroit où on est censé se demander quel air ont les gens. Quand tu sors de chez toi pour aller t'entraîner, tu ne te demandes pas si tu as l'air masculine. Tu penses à t'entraîner, au sport, au plaisir. C'est ça qu'il faut véhiculer : sortez dehors, qui que vous soyez, peu importe votre apparence, et amusez-vous. »

Cette femme revient de loin : interdite de compétition pour cause de masculinité en 2010, réintégrée en 2011 à condition de prendre des hormones ; réintégrée totalement en 2015 après un jugement concernant une sprinteuse indienne... Et toujours, partout, ce regard, ces blagues, ces jugements, ces critiques des autres coureuses. Elle n'a pourtant pas triché... elle est comme ça, c'est-à-dire avec plus de testostérone que la moyenne - un taux qui varie aussi entre les hommes. Et en attendant que l'IAAF récrive ses normes, ce qui est infiniment compliqué, ben... c'est une coureuse comme les autres.

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Et en effet, elle s'est amusée : 1 min 55,28 s ; Francine Niyonsaba a remporté la première médaille d'argent de l'histoire du Burundi en 1 min 56,49 s.

« Les gens pensaient que j'essaierais de battre le record du monde ; ça n'a jamais été mon but. Je voulais simplement gagner l'or. C'était très fort, ici ce soir, je devais simplement m'assurer d'être en avant à la fin, vu que j'ai de bonnes finales. »

Celle qui a payé le prix de cette finale, c'est la Canadienne Melissa Bishop. Troisième temps de 2015, médaille d'argent au championnat du monde en 2015, c'était un très sérieux espoir de médaille.

Elle a eu beau battre son record canadien (1 min 57,02 s), elle est restée juste au bas du podium.

La coureuse de 28 ans était inconsolable dans la zone mixte. Elle nous a parlé 30 secondes. Déçue ? C'est bien pire.

Et surtout, que personne ne lui pose une autre foutue question sur Semenya, si c'est un avantage, si c'est pas juste, etc.

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Pour Semenya, après sept années pénibles, c'est une sorte de réhabilitation. Pour l'Afrique du Sud, qui s'est solidarisée avec elle, aussi.

- Alors, t'es plus heureuse cette année, Semenya ?

- Oui, bien sûr... c'est ce qui arrive quand tu te maries !

Même son mariage avec son amie Violet Raseroba a été une grosse histoire en Afrique du Sud, avec les pour et les contre, et tout ça qui n'en finit jamais.

Mais samedi, vous savez quoi ? Elle s'en foutait. Elle avait sa médaille

Et elle a éclaté d'un superbe rire contagieux.