Il y a des cycles comme ça dans la vie et dans les nouvelles. Juin arrive. Les lilas fanent. Bernie Ecclestone débarque.

Bon, qu'est-ce qui se passe encore, Bernie ? Ça va pas ? Dix-huit (18) millions d'argent public pour la Formule 1 chaque année, c'est pas assez ? Un promoteur montréalais qui vivote, qui s'est « fait » négocier une entente un peu misérable, c'est pas suffisant ?

Non ! Il faut les garages, les nouvelles installations : 32 millions de dépenses pour l'an prochain, qui sont exigées de la Ville de Montréal. Sinon Bernie s'en va ! Il s'en va où ? En Corée du Nord, peut-être, va savoir. Il manquera bientôt de despotes et d'autocrates à ce noble sport pour se développer... Qu'importe, il se développe !

Et allez hop ! on est partis pour une autre ronde de sodomie fiscale dans la joie et l'allégresse.

Chaque année pourtant, on calcule les « retombées économiques » du Grand Prix, et le chiffre se dégonfle. Les retombées, comme chacun sait, sont à la science économique ce que l'astrologie est à l'astronomie : y a les mêmes planètes, mais les résultats sont moins certains.

N'empêche, ça rapporte encore plus que ce que ça coûte. De moins en moins, nul doute, mais ça rapporte encore. Alors, faut se taper Bernie, ses lamentations, ses menaces, c'est un rituel obligé, apparemment.

Selon mes calculs et d'après mon astrologue, au rythme où vont les choses, dans 25 ans, Bernie aura 111 ans et nous arriverons enfin au point zéro des retombées économiques. Le maire de Montréal dira alors : bye.

D'ici là, mesdames et messieurs, jouissons des fleurs d'amélanchiers, de pommiers et de tilleuls, mais sachons qu'elles annoncent... Bernie.

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Puisqu'il est question de transport, on en vient inévitablement au Ministère. Il y a un mélange d'écoeurement et de lassitude qui m'envahit en lisant les nouveaux rebondissements. Je ne sais pas vraiment si on peut parler de « rebondissements », et encore moins s'ils sont « nouveaux ».

Ce ministère a été la cible de centaines de reportages troublants pendant 10 ans. Jacques Duchesneau a été nommé pour y enquêter et y a observé rapidement des pratiques douteuses. On pensait que la commission Charbonneau en ferait ses choux gras. On a entendu 22 témoins à ce sujet. La Commission a effectivement conclu à de multiples « interventions politiques » dans le choix des projets. On a également noté que « le service d'enquête était pourvu de ressources nettement insuffisantes et qu'un employé du Ministère occupant une position névralgique avait été corrompu pour qu'il recommande le paiement d'extras injustifiés ».

Mieux encore : « des membres de comités de sélection du MTQ ont été soudoyés et des fonctionnaires ont reçu des faveurs et des cadeaux ».

On a observé également un appauvrissement de l'expertise au Ministère : il fallait de plus en plus recourir à des firmes privées pour évaluer les travaux, les surveiller, faire les appels d'offres. Les meilleurs experts du Ministère étaient repêchés par les firmes de génie ou de construction dans des manoeuvres de « pantouflage » - un endroit douillet pour se placer les pieds.

On n'a jamais mis le doigt sur des scandales aussi clairement juteux que ceux de Laval ou de Montréal. La Commission est restée dans les généralités, et quelques cas ont été notés. Mais on peut quand même dire que le problème est assez clairement exposé pour alerter le gouvernement.

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Nous voici un gouvernement et demi plus tard... et le premier ministre Couillard nous dit que le problème de « culture » est « apparent maintenant ».

Pardon ? Il est franchement embarrassant maintenant. Mais il est apparent depuis cinq ans au moins !

Entendre cette semaine deux vérificatrices dénoncer la culture du secret, l'intimidation, le fractionnement de contrats et même des falsifications de documents, c'est comme vivre un flashback du rapport Duchesneau... qui date de 2011.

Ni le PQ dans son bref passage ni les libéraux depuis 2014 n'ont paru agir autrement que par des lois vertueuses censées régler tous les problèmes. Ce devait être une priorité de réforme très évidente, pourtant, et pas seulement dans les textes de loi : sur le terrain.

Le problème des libéraux en ce moment, c'est qu'un des leurs, Robert Poëti, a sonné l'alarme... et n'a pas été écouté. Ils se réveillent soudain !

Je trouve néanmoins assez injuste le procès politique qui est fait à l'ex-sous-ministre Dominique Savoie, qui a oeuvré sous plusieurs gouvernements et qu'on traite de tous les noms à l'Assemblée nationale.

Pour l'instant, on a des « allégations » sérieuses, des vérificatrices qui dénoncent l'opacité, etc. Mais on ne condamne pas quelqu'un sur cette base. Surtout dans cette sorte de procès politique où l'important est surtout de marquer des points à la période des questions. Elle n'a pas eu assez d'être traînée dans la boue et congédiée de son ministère, la CAQ voudrait qu'elle soit congédiée de la fonction publique et qu'on écrase ses lunettes. Sans qu'elle puisse se défendre, comme si tout le mal venait d'elle.

Le problème est pourtant bien plus ancien, bien plus profond. On n'a pas à faire payer à cette seule femme l'incurie et la complaisance de gouvernements successifs, y compris celui de Philippe Couillard, qui n'a plus l'excuse de l'ignorance.