Les yeux rougis, les traits tirés, la tête baissée, la voix qui tremble... Y a pas de trucage, mesdames et messieurs. Le Pierre Karl Péladeau qui s'est amené devant les journalistes hier est un homme en mille miettes. Défait.

On ne l'a jamais vu comme ça. Ni à moitié comme ça. On le voit frondeur, énergique, en colère, le verbe haut, la réplique directe, brutale... S'il y a une chose qu'on sait de l'homme public, c'est qu'il n'est pas très bon pour simuler des sentiments. Pas comédien pour deux sous.

Et quand on connaît un tout petit peu la jeunesse de Pierre Karl Péladeau, les blessures dont il a courageusement parlé déjà, l'entendre dire qu'il veut être là pour ses enfants, ça sonne vrai. Très vrai.

***

Dans notre métier, nous avons tendance à rouler des yeux quand un politicien quitte son poste « pour des raisons familiales ».

Ce n'est de toute évidence pas le cas de Pierre Karl Péladeau. C'est vrai que jusqu'ici, son passage au Parti québécois a été essentiellement neutre dans l'opinion publique. Sous Pauline Marois, le parti a obtenu 25 % aux élections de 2014. Il flotte autour de 26 % ces jours-ci.

Je pourrais donc tailler ici une analyse serrée pour tenter de démontrer que son passage était un flop ; qu'au fond, il n'était pas « fait » pour ce genre de travail d'équipe et de séduction ; que ses talents et son caractère ne le destinaient pas à ce job (remarquez, on peut se demander qui est vraiment « fait » pour être chef du PQ). Que le métier de se faire critiquer sans arrêt sans pouvoir répliquer est davantage une torture pour un homme ayant toujours tout décidé.

Ce serait parfaitement défendable comme analyse.

Mais ce n'est pas ça qui s'est passé, hier.

Hier, c'est un homme en crise personnelle qui a démissionné. Un homme qui craint de perdre ce qu'il a de plus précieux.

La semaine dernière encore, PKP s'activait politiquement, il élaborait des projets, testait ses idées. Il n'était manifestement pas sur le point de partir. On ne « tasse » pas son chef de cabinet quand on pense partir une semaine plus tard. Après 10 mois parfois chaotiques, il commençait à trouver son ton, moins strident. Bref, à défaut d'être un « naturel », le métier entrait...

***

On ne connaît pas le détail de la séparation du couple Péladeau-Snyder. Mais Julie Snyder a dit devant un million et demi de personnes dimanche que la médiation n'était pas réglée.

Le couple a deux jeunes enfants. De quoi parle-t-on dans une médiation familiale ? D'argent et de garde. Pour obtenir la garde, un parent doit être capable de démontrer au juge qu'il est disponible, qu'il peut répondre aux besoins des enfants. Qu'il est un peu là...

Imaginons que les deux parents ne s'entendent pas. Que ce soit juste dans la moyenne amère des choses conjugales, quand un couple se défait et se déchire. Que chacun veuille la garde.

Quelles sont vos chances d'obtenir la garde de vos enfants si vous êtes le chef du Parti québécois, que vous siégez à Québec, que vous êtes député à Saint-Jérôme et que votre emploi du temps est dicté par les besoins du parti, les épluchettes, l'actualité et toutes les crises et les événements qui agitent la vie publique ?

***

L'an dernier, dans un très touchant témoignage dans le cadre de la Semaine de prévention du suicide, Pierre Karl Péladeau a parlé du suicide de sa mère, quand il avait 14 ans. De l'absence de son père, qui en était divorcé. De la chance qu'il a eue d'être accueilli par une autre famille, les Laframboise, des gens « aux valeurs familiales fortes » à qui il a souvent rendu hommage, et qu'il décrit comme sa « famille adoptive ».

Alors, quand il disait l'an dernier « je veux être présent pour mes enfants et ma famille », ça voulait dire quelque chose. « Ce n'est pas facile d'avoir un équilibre en cette matière, mais je veux le faire », disait-il.

Oubliez la politique aujourd'hui, ça n'a rien à voir. C'est plus que personnel, même si c'est archi-public. C'est intime. Alors si vous le permettez, mettons les supputations politiques de côté un petit instant, refermons la porte derrière et souhaitons bonne chance à tout ce monde-là...