La virulence est la marque de commerce de la vie parlementaire, a dit Gaétan Barrette à Tout le monde en parle. D'un médecin, c'est un diagnostic inquiétant.

De la même racine que « virus », la « virulence » désignait autrefois une plaie puante et pleine de pus. C'est synonyme de nocivité et de violence. Bref, si vraiment l'infection galopante est l'ordinaire des débats parlementaires, il est temps de sortir tout le monde sur une civière.

Les annales parlementaires débordent d'excès de langage, de mauvaise foi, de grossièretés et de mensonges, c'est entendu. Il suffit de consulter le catalogue des mots interdits à l'Assemblée nationale pour deviner qu'on s'y engueule joyeusement depuis toujours. Il faut s'attendre à ça et ne pas imaginer qu'il y eut jadis une époque dorée où l'on débattait civilement entre gens du monde, après vous, monsieur le ministre, non vous, je vous en prie, si, si j'insiste...

Les dérapages du passé ne sont pas pour autant un permis de déconner pour tous ceux qui ouvrent la bouche dans cet édifice.

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Gaétan Barrette, c'est l'évidence, est particulièrement allergique à la critique. Comme s'il allait se dissoudre devant la moindre attaque de ses politiques. Ça lui est insupportable. Chaque mouche qui s'approche de lui est liquidée avec un bazooka. Dieu lui-même doute, pourtant. Pas Gaétan Barrette !

Vous ne trouvez pas que vous y allez fort, docteur, en accusant la critique du PQ Diane Lamarre de complicité par omission dans un système douteux de ristournes dans les pharmacies ? N'avez-vous pas parlé des « ristournes Lamarre », comme si c'était son invention ? En disant qu'elle a « pigé dans le pot de bonbons » ? N'est-ce pas sous-entendre qu'elle a été malhonnête comme pharmacienne ?

Pantoute ! Le lendemain, il a même dit qu'elle est « la plus honnête du Parti québécois » - un esprit tordu pourrait comprendre qu'il accuse les autres d'être seulement pires...

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Que voulez-vous, il y a de ces gens qui sont physiquement incapables de dire « je me suis trompé ; je vous présente mes excuses ». Ça leur disloque la mâchoire. Les mots leur restent comme coincés dans la gorge.

En cas de flagrant délit, ils finiront par admettre une erreur d'inattention. Mais c'est au prix de contorsions douloureuses du zygomatique. Aussitôt ils feront une énumération de circonstances tellement atténuantes qu'à la fin... Ben coudonc, leur faute n'est même pas de leur faute.

Le monde politique, le monde médiatique et le Vatican contiennent une proportion anormalement élevée de gens affligés du syndrome de l'infaillibilité.

À ce jeu-là, on gagne rarement en crédibilité en niant l'évidence. Gaétan Barrette a carrément torpillé son message important sur les pharmaciens et leur mode de rémunération. Puis, arrivé tout sourire et sûr de son coup à TLMEP, lui qui excelle dans les joutes de ce genre, cette fois, il n'aura affiché que sa mauvaise foi et ses réticences. C'était raté.

Ça n'aide ni sa cause ni celle de son parti, qui jusqu'à récemment se régalait du mauvais caractère de PKP. On fait un concours entre les deux ?

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Dans un autre genre maintenant. Quand le Conseil de presse démontre noir sur blanc que l'auteure Djemila Benhabib a fait du plagiat au moins cinq fois dans son blogue, que répond-elle ?

« Il m'arrive de noter dans mon calepin toutes sortes de mots, toutes sortes de phrases qui viennent de sources différentes et multiples. » Et ensuite, que voulez-vous, ces notes se retrouvent sur son blogue. Un cas classique de « mon chien a mangé les guillemets », mais qu'elle fait passer pour une technique de travail. L'univers journalistique est « un monde d'approximation », dit-elle, il ne faudrait pas la tenir à une norme supérieure...

Une défense de médiocrité et de surdocumentation intempestive, en somme.

Désolé, mais dans le métier d'écrire, la job consiste à fabriquer ses phrases ou à citer celles qu'on emprunte. Mon garagiste ne peut pas me dire qu'il y a tellement de pneus dans son garage qu'il a posé les mauvais. Sa job consiste à mettre les bons.

Le pire, ce n'est pas cette pauvre défense. C'est d'entendre l'auteure ajouter immédiatement que cette décision est « une charge politique ». Et que « mes adversaires politiques utilisent tous les moyens pour me faire taire ». On pourrait répliquer qu'il y a tellement de plagiat dans son blogue qu'on ferait taire plein d'autres gens en l'empêchant de parler, mais on dévierait de notre sujet. Même en admettant que le chef du Parti libéral, les gens de Québec solidaire ou un imam furieux ait porté plainte (alors que la plainte émane d'une journaliste), ça changerait quoi ? Le plagiat est grossier, répétitif, indéfendable. Et c'est pas un « adversaire politique » qui l'a commis. C'est elle.

Cette réaction arrogante en dit plus long sur elle que la faute pour laquelle on l'a blâmée.

C'est donc difficile de juste dire : mes excuses. Et de se retenir d'ajouter « oui, mais... ! » pendant 15 ou 20 secondes.