Exister, c'est déjà épuisant ; il faut en plus que la CAQ nous rappelle qu'elle existe.

Je ris un peu en entendant parler du « virage nationaliste » à la CAQ. Le parti a simplement réusiné les mêmes, mêmes, mêmes idées nationalistes.

Voyons un peu ce que suggérait la Coalition avenir Québec, lors de sa première présence électorale, en 2012 : on proposait d'ouvrir des « pourparlers » avec Ottawa pour rapatrier l'entièreté de nombreux pouvoirs : immigration, culture, langue, évaluation environnementale... Et tout ceci avec une compensation financière à la clé - les fameux « points d'impôts ».

Ça ressemble sacrément à ce que François Legault a dit en fin de semaine. En fait, c'est exactement ça.

Pourquoi redessiner la même chose d'une autre couleur ?

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Mettez-vous à leur place. Le socle même de la CAQ a été volé par les libéraux. Après tout, si François Legault a lancé la Coalition avenir Québec, c'était pour réaliser une réforme de l'État québécois autour des idées du manifeste Pour un Québec lucide.

Le message central de Legault en 2011-2012 consistait à dire que la lutte fédéralistes-souverainistes avait assez duré et accaparait trop d'énergie politique. Il fallait en sortir, mettre de côté cette ligne de fracture et se concentrer sur le redressement des finances publiques et le développement économique.

On l'a oublié, mais en 2011, le Parti libéral de Jean Charest était au plus mal, les scandales s'accumulaient et le climat était assez glauque pour qu'on imagine qu'il soit marginalisé aux élections suivantes. À huit mois des élections, les sondages mettaient la CAQ numéro 1...

Trois ans plus tard, Philippe Couillard n'a pas seulement volé Gaétan Barrette à la CAQ, il lui a piqué le terrain de la rigueur fiscale.

La CAQ nous dit qu'elle aurait fait les choses tout autrement, critique les choix des libéraux, parle d'éducation, mais sur le fond, elle proposait des choses semblables : le retour rapide à l'équilibre budgétaire par un contrôle serré des dépenses.

Bref, le centre droit, qui définissait la CAQ, est surpeuplé. Oublions les sparages politiques. On imagine fort bien qu'un Martin Coiteux soit à ses aises idéologiquement avec la CAQ.

D'où la question : à quoi elle sert, cette coalition ?

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Passée de 27 à 23 % en deux élections, la CAQ n'a fait que descendre depuis. Et si le PQ n'a fait qu'un piètre 25,4 % en 2014, au moins il fait parler de lui avec son nouveau chef.

François Legault a bien expliqué ce qui se passe : « M. Péladeau, qui prend beaucoup de place et qui a l'air vraiment décidé à ne parler à peu près que de constitution, nous force à revoir notre position. »

Notez bien les mots : PKP, en effet, « prend beaucoup de place » et a l'air « vraiment décidé ».

Que faire, donc ? Offrir un nationalisme vigoureux et miser sur la marginalisation de l'option indépendantiste. Espérer que les souverainistes « de coeur » feront à Québec ce qu'ils viennent de faire à Ottawa : voter pour autre chose que la question nationale, vu qu'aucun référendum n'est visible à l'horizon.

Pas les indépendantistes les plus convaincus : ceux-là resteront toujours avec le PQ. Mais les autres, qui préféreraient voir le Québec souverain, tout en ayant cessé d'y croire... pour le moment. Ceux-là ne frémissent pas d'horreur en entendant le mot Canada, mais sont avant tout « Québécois ». Si on peut y joindre les libéraux nationalistes, ça peut en effet finir par faire une coalition... qui pourrait être le premier ou le deuxième parti...

Sauf que si la question nationale s'éloigne encore du radar politique, il faudra plus que des nuances de fédéralisme pour se distinguer. Autrement dit : est-ce vraiment l'approche constitutionnelle du PLQ qui risque de lui faire perdre des votes ?

La CAQ a hérité de la clientèle de l'Action démocratique du Québec de Mario Dumont, formée de libéraux déçus du nationalisme trop « mou » de Robert Bourassa. Des gens qui voulaient demeurer Canadiens, mais rapatrier toute une série de pouvoirs d'Ottawa. Est-ce encore à l'ordre du jour ? Comme disait Pierre Karl Péladeau, ç'a été essayé...

Bref, pour la coalition, ça va, c'est juste pour l'avenir qu'il y a de plus en plus de doutes.