Faut-il une commission d'enquête pour régler chaque problème sérieux dans la société ?

Les commissions d'enquête sont un outil de nettoyage démocratique puissant. Mais il ne faut pas en abuser. C'est une institution de dernier recours, quand toutes les autres ont failli.

On n'en est pas encore là à Val-d'Or. Il y a une crise de confiance entre la police et les Algonquins. L'enquête sur les agissements des policiers de la Sûreté du Québec n'aurait pas dû être faite par ce même corps de police, c'est évident. Comme il est évident que si l'on n'avait pas tant tardé à créer le Bureau des enquêtes indépendantes (BEI), on aurait eu un environnement juridique plus sain.

En ce moment, la police de Montréal a repris l'enquête et, avant de la condamner, voyons ce qui en sortira.

Cela dit, même avec un BEI, il aurait fallu l'intervention de la ministre pour qu'une enquête soit déclenchée : le BEI n'a compétence automatique que dans les cas de mort, de blessure par balle ou de « blessure grave » causée par un policier - ou dans les cas où le ministre le demande. On n'a pas inclus les agressions sexuelles, comme presque partout ailleurs au Canada. Selon un relevé de la Protectrice du citoyen, ces cas occupent de 10 à 18 % des enquêtes sur la police ailleurs au Canada.

En attendant, donc, cette solution de dernière minute, avec un « observateur indépendant », est un compromis viable.

Mais en attendant, aussi sérieuses soient ces allégations, personne n'a été accusé encore. Ce n'est pas le temps d'en rajouter avec une commission publique.

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Ce qui se passe à Val-d'Or est à la fois indissociable et très différent du cas des femmes assassinées et disparues.

Indissociable parce qu'il est question de la relation de méfiance entre la justice canadienne et les Premières Nations. Et très différent parce que les allégations dont il est question ici ne sont pas aussi graves.

La commission d'enquête réclamée par les groupes autochtones et les premiers ministres d'un peu partout au Canada aura lieu si Justin Trudeau tient sa promesse.

Entre 1980 et 2012, 1017 femmes autochtones ont été tuées et 164 ont disparu, d'après un relevé de 300 corps de police au Canada fait par la Gendarmerie royale du Canada (GRC). Des groupes estiment que les chiffres sont beaucoup plus élevés. Mais en supposant qu'ils soient exacts, ils sont très troublants.

Si le taux d'homicide a diminué sensiblement depuis 40 ans, il a augmenté chez les femmes autochtones. Elles sont surreprésentées parmi les victimes de meurtres : elles représentaient 4 % des femmes canadiennes, mais 23 % des victimes féminines de meurtre en 2012. D'après la GRC, le taux de résolution de ces homicides (88 %) est similaire chez les non-autochtones (89 %). Il n'en reste pas moins que l'écart du niveau de violence est spectaculaire.

Comme l'ont montré les collègues Caroline Touzin et Gabrielle Duchaine plus tôt ce mois-ci, les enfants autochtones ou inuits courent aussi quatre fois plus de risques de mourir accidentellement ou de manière violente ou suspecte que le reste des enfants québécois.

Le mandat de cette commission ne sera pas simple. Mais ça fait partie des gestes de « réconciliation » nécessaires.

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La Sûreté du Québec (SQ) a décidé que les policiers seront accompagnés de travailleurs sociaux au moment d'intervenir avec les Algonquins. C'est une idée.

Le criminologue Maurice Cusson, de l'Université de Montréal, en a une autre, extrêmement concrète : des patrouilles mixtes.

« Le taux de violence et le taux d'homicide en particulier est bas là où la police est compétente et a un bon contact avec la population ; là où il y a un bon équilibre entre la répression et la prévention. Une police trop loin de la population, ce n'est pas bon, mais trop près, ce n'est pas bon non plus. »

En ce moment, au Québec, il y a 30 corps de police autochtones. Ils sont généralement dans de petites communautés. Pourquoi pas des patrouilles SQ-police autochtone ? Ça vaut au moins quelques projets-pilotes...

Ce qui est clair, un peu partout dans ce pays, c'est que le système de justice est étranger aux Premières Nations, que ça accroît des problèmes sociaux profonds, que ça produit des catastrophes et que ça ne peut pas durer.