Un an après le référendum écossais, il est fascinant de comparer la réponse de Londres et celles d'Ottawa au lendemain des Non. Des réactions radicalement différentes.

En 1980, Pierre Elliott Trudeau avait promis «du changement» en cas de victoire du Non au premier référendum québécois. Après la victoire à 60% du Non, le gouvernement fédéral a lancé une ronde de négociations constitutionnelles. Il en a résulté un accord, en novembre 1981, qui n'a jamais été signé par le Québec.

Quoi qu'on pense de la manière de négocier du gouvernement québécois, le fait est que le contenu de cet accord n'était nullement destiné à faire les «changements» qu'espéraient les nationalistes québécois qui avaient voté Non. L'entente a ramené au Canada la Constitution de 1867, inclus une Charte des droits, dont des droits linguistiques, et une formule pour modifier la constitution qui ne donnait pas de droit de veto au Québec - sauf dans les cas où l'unanimité est requise, donc pas plus qu'à l'Île-du-Prince-Édouard.

Le PQ a dénoncé l'accord, tout comme le Parti libéral du Québec. Qu'importe: cette loi constitutionnelle est en vigueur depuis avril 1982.

Deux ans plus tard, les conservateurs de Brian Mulroney conquéraient le Québec. Une entente réparatrice pour faire entrer le Québec «dans l'honneur et l'enthousiasme» était signée par tous les premiers ministres en 1987. Quelques pouvoirs étaient accordés au Québec, reconnu comme une «société distincte».

Mais les efforts de Trudeau, de Jean Chrétien et de plusieurs libéraux ont fini par tuer l'entente.

***

En 1995, le Oui a perdu par une marge mince comme une feuille de papier (54 288 voix).

Le gouvernement fédéral a eu chaud, mais il n'a rien entrepris de particulier pour satisfaire la soif d'autonomie, estimant que tout le mal nationaliste venait d'un manque de communication efficace.

Un «Programme des commandites» destiné à accroître la visibilité du drapeau fédéral à coups de millions a été lancé; la fraude a merveilleusement fleuri, c'est devenu le scandale que l'on sait. Le Parti libéral du Canada s'en remet à peine.

La Cour suprême a été saisie de la question tardive mais juridiquement passionnante: au fait, le Québec a-t-il seulement le droit de faire sécession? Techniquement non, mais en réalité oui, ont répondu les neuf sages... à condition d'obtenir une majorité claire à une question claire. En 2000, Ottawa a voté la Loi sur la clarté référendaire pour dicter ses règles du jeu en cas de récidive.

À terme, le gouvernement conservateur de Stephen Harper, soucieux d'apaiser le Québec, allait dépasser le concept de «société distincte»: le Québec est une «nation». Une résolution a été adoptée par la Chambre des communes, mais ce n'est pas énoncé dans une loi, encore moins dans la Constitution.

***

Allons au Royaume-Uni. Le 18 septembre 2014, l'Écosse dit Non à l'indépendance à 55,4%. Le premier ministre David Cameron avait promis plus de pouvoirs à l'Écosse en cas de victoire du Non.

Ah vraiment? On connaît la chanson. J'étais convaincu qu'il entrerait dans un labyrinthe constitutionnel infernal. L'Irlande, le pays de Galles, des régions d'Angleterre, même, voudraient dire leur mot, avoir plus de pouvoirs, etc. Un scénario de palabres éternels et de culs-de-sac en cascade... à la canadienne, quoi.

J'avais tort!

Le 19 septembre 2014, lendemain du référendum, le premier ministre britannique annonce la formation de la commission Smith, qui doit recommander une «dévolution de pouvoirs». Elle était formée de dix membres issus du Parlement écossais (pas de Westminster!).

Le 27 novembre, donc à peine deux mois plus tard, après consultations diverses, la Commission publiait ses recommandations.

Au mois de mai, le Scotland Bill était déposé au Parlement britannique. Il fait actuellement l'objet de discussions.

Bien entendu, les leaders souverainistes sont insatisfaits des propositions. La dévolution est trop partielle. N'empêche, les pouvoirs de taxation sont presque triplés, le pouvoir de dépenser augmente lui aussi et plusieurs autres pouvoirs sont cédés à l'Écosse. Des négociations ont encore lieu, mais on s'attend à un compromis d'ici quelques semaines au plus tard.

***

Le Canada, une fédération, n'est pas le Royaume-Uni, le Québec a plus de pouvoirs que l'Écosse et mille autres nuances devraient être apportées. Une chose est indéniable, cependant: le leadership politique anglais a réagi de manière totalement différente. Il a reconnu que le statu quo n'était pas une avenue possible. Il a négocié de bonne foi pour trouver un accord mutuellement satisfaisant - qui reste à faire, mais il ne s'est écoulé que 13 mois depuis!

Les gouvernements libéraux au pouvoir au Canada en 1980 et 1995, au contraire, ont vu une saute d'humeur capricieuse dans les millions de votes souverainistes.

***

L'autre leçon écossaise pour le Québec, c'est qu'une sorte de jurisprudence est établie.

Les questions alambiquées à deux volets et 100 mots ne sont plus acceptables. Gilles Duceppe l'a reconnu sans peine, il faudrait une question aussi claire que l'écossaise, négociée et acceptée par Londres: «Should Scotland be an independent country?»

Avec une question aussi claire, la règle du 50% plus 1 s'applique et suffit à exprimer une «majorité claire». Si c'est bon pour le gouvernement de Sa Majesté...

Tout ça dans l'hypothèse d'un autre référendum, qu'aucun astronome n'a vu dans son télescope récemment, ni aucun astrologue dans sa carte du ciel...