Le retour de Gilles Duceppe n'y change rien jusqu'ici : la vague orange roule encore au Québec, et même plus qu'en 2011.

Non seulement le Bloc n'arrive qu'en troisième place, mais il est derrière le Parti libéral en province et dans la région de Québec.

C'est clairement plus qu'un problème de chef qui affligeait le Bloc, quand il a touché les 13 % cet hiver. C'est une crise existentielle.

Le petit sursaut qui a suivi le retour de M. Duceppe en juin s'est estompé et le Bloc québécois est retombé à peu près là où Mario Beaulieu l'avait laissé : à un maigre 16 %.

Évidemment, l'équivalent de presque deux campagnes traditionnelles nous sépare du 19 octobre. Les débats en français n'ont pas eu lieu, et comme Gilles Duceppe y excelle généralement, on serait bien téméraire de prédire un résultat.

N'empêche. Ce qui s'est passé aux dernières élections n'apparaît plus comme une soudaine impulsion émotive d'un électorat imprévisible. Un élan de sympathie pour Jack Layton, a-t-on dit. Il y avait de cela, évidemment. Sauf que quatre ans plus tard, le Bloc est encore plus loin de retrouver la place prééminente qu'il a eue dans la politique fédérale au Québec pendant 20 ans.

Il y a eu une sorte de cassure historique en 2011. Elle était brutale, invisible un mois plus tôt. Mais elle dure. Le moteur électoral a changé : ce n'est plus la relation Québec-Canada qui occupe les esprits. Et la volonté de changer de gouvernement, manifestement, a trouvé un véhicule flambant neuf - presque un électeur sur deux choisit le NPD.

Quand la FTQ et la CSN suggèrent de voter pour le parti qui a le plus de chances de battre les conservateurs, ils traduisent le sentiment d'une majorité d'électeurs. L'enjeu constitutionnel n'est pas en tête de l'ordre du jour. Seul un parti qui aspire au pouvoir peut défaire les conservateurs, et dans l'état actuel des choses, c'est le NPD qui occupe la meilleure position au Québec.

La réponse de Gilles Duceppe consiste à dire que ce n'est pas au Québec qu'on a élu le gouvernement conservateur : c'est dans le reste du Canada. Donc, ce n'est ni la « faute » ni le problème des électeurs québécois...

Disons que jusqu'ici, l'argument n'a pas convaincu grand monde.

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Rappelons-nous. Le 21 avril 2011, le monde politique était complètement abasourdi en voyant apparaître dans La Presse un sondage accordant 36 % des intentions de vote au NPD au Québec et « seulement » 31 % au Bloc. Le résultat électoral deux semaines plus tard était encore plus spectaculaire : le NPD balayait 59 sièges avec 43 % des voix ; le Bloc, avec 23 % des votes, se retrouvait avec quatre députés. Le NPD serait à 47 % aujourd'hui et le Bloc à 16 %. Calculé de toutes les manières, ça n'annonce pas de regain bloquiste...

Gilles Duceppe n'a jamais digéré le sondage de 2011, auquel il a attribué en partie sa défaite.

Sauf que deux chefs plus tard, cet hiver, le Bloc n'avait fait que dépérir davantage. C'est un peu pour sauver les meubles et prendre une revanche sur le NPD que Gilles Duceppe revient.

Les récents sondages (Léger 21 %, Abacus 13 %, Nanos 18 %) ne montrent aucune embellie. Celui de CROP publié aujourd'hui, avec un fort échantillonnage, cogne un peu plus dur.

Bien des choses peuvent arriver. La campagne de 2011 en est un exemple parfait. On se demande quoi, remarquez bien. L'élection d'un nouveau chef au PQ, la mort de Jacques Parizeau n'ont pas créé ce renouveau durable.

Pierre Karl Péladeau et le PQ voient aussi leur cote baisser légèrement, après une hausse certaine au moment de son élection comme chef. Son parti se retrouve lui aussi dans le même état qu'au printemps. Et de toute évidence, de nombreux électeurs péquistes s'apprêtent à voter pour le NPD. Est-ce vraiment une bonne idée de coller son wagon à celui du Bloc ?

Pas sûr qu'on verra les deux chefs faire beaucoup de vélo ensemble d'ici le 19 octobre. En politique comme à bicyclette, une chute peut en entraîner une autre.

PHOTO IVANOH DEMERS, ARCHIVES LA PRESSE

Le NPD, alors dirigé par Jack Layton, a balayé le Québec lors du scrutin fédéral de 2011, remportant 59 sièges avec 43 % des voix.