D'une profiteuse boulimique du système, il ne fallait pas s'attendre à autre chose. Lise Thibault a abusé du système judiciaire avec la même indécence qu'elle a volé l'argent public.

Il a fallu cinq années pour commencer à lui faire un procès. Cinq années d'authentique niaisage judiciaire.

La femme a passé deux ans à plaider qu'en tant qu'extension juridique de la reine, elle jouissait d'une immunité juridique et ne pouvait être poursuivie devant les tribunaux. Un argument juridique moyenâgeux tourné en ridicule devant la Cour supérieure: quoi, un lieutenant-gouverneur pourrait braquer des banques sans se faire arrêter? a demandé la juge.

Pas grave: l'affaire a été portée devant la Cour d'appel. Même résultat: cette vieille règle selon laquelle le souverain est à l'abri des tribunaux de droit commun n'existe tout simplement plus. L'avocat Marc Labelle, d'ordinaire raisonnable, s'est même essayé en Cour suprême, qui a refusé d'entendre l'affaire.

Quand finalement le procès a commencé, l'ex-reine de carnaval a encore plaidé une forme d'immunité. Sans succès.

Sans succès juridique, mais avec succès pour l'essentiel de l'opération: gagner du temps. Encore heureux que la demande de remboursement de ses honoraires ait été refusée par le gouvernement!

Et maintenant, en plein milieu d'un contre-interrogatoire de plus en plus gênant... elle s'avoue coupable.

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Le système judiciaire a sa large part de responsabilité ici dans son incapacité à traiter rapidement une cause aussi simple. Simple, mais artificiellement compliquée par des avocasseries auxquelles personne ne croyait.

Elle a changé d'avocat, fait diverses requêtes, reporté les dates et on se retrouve cinq ans après le dépôt (tardif!) d'accusations avec un aveu de culpabilité fait par une femme encore plus diminuée.

On plaidera assurément au juge que l'état de santé de Lise Thibault ne permet pas de l'envoyer en prison. Sans compter qu'elle est handicapée.

Il ne faudrait pas oublier au passage qui est responsable des délais totalement injustifiés de l'affaire.

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Elle envoyait paître les fonctionnaires fédéraux demandant quelques détails sur ses notes de frais un peu piquantes. Le poste de lieutenant-gouverneur du Québec bouffait les deux tiers du budget des lieutenants-gouverneurs de tout le Canada. Lise Thibault coûtait 200% plus cher que son prédécesseur. Quand l'anniversaire de vos enfants est aux frais de la reine, ça peut grimper vite...

Ensuite, quand le Vérificateur général a détaillé le ridicule des dépenses, elle a plaidé l'exigence de ses fonctions. Et aussi son handicap. Car la pauvre femme n'arrêtait jamais ses fonctions. Elle rêvait même aux frais du contribuable. Il fallait transporter son cart de golf en Floride et le personnel requis pour toutes sortes de loisirs qui, selon elle, faisaient partie de ses fonctions.

À la police, elle s'est dite victime d'un «coup monté». Mais elle a tout fait pour éviter un procès où elle aurait pu exposer la sombre machination dont elle se disait victime...

Ensuite, elle a dit qu'elle avait été bernée par le responsable de son budget. C'était de sa faute, et la faute de tous les fonctionnaires qui avaient autorisé ses dépenses! Elle n'y prêtait pas attention, elle avait tant à faire.

Elle a joué la carte de l'humaniste, peu intéressée par les détails comptables.

Sans doute a-t-elle compris qu'elle était cuite quand le juge Carol St-Cyr a glissé: «Je suis juge 24 heures sur 24, mais si je m'en vais à la pêche, je n'envoie pas mon compte au Ministère!»

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Il restera à voir combien elle entend rembourser sur les 310 000$ (d'après elle), ou 450 000$, ou 700 000$...

Elle s'est déclarée «ruinée» par son divorce. Bien hâte de voir le plan de remboursement. Nous prend-elle pour un magasin de meubles?

Pour le reste, à moins de changer la Constitution, tout ce qu'on peut faire avec le lieutenant-gouverneur, c'est à peu près ce qu'on a fait depuis: en réduire au maximum le budget et l'inciter à la modestie et même l'insignifiance, faute de pouvoir légalement disparaître.

Il ne faut pas oublier qu'elle a fait honte à tous ses contrôleurs laxistes.

Elle a aussi fait mal paraître l'appareil judiciaire, qui l'a laissée éviter la justice trop longtemps et sans raison. Ceux-là ont de sérieuses questions à se poser sur la «gestion» de ce genre de cas où le client s'achète des années d'impunité.